Une récession historique (1ère partie)

 

par Philippe d’Arvisenet, directeur des études économiques de BNP Paribas

La récession, qui touche les pays de l’OCDE depuis plusieurs trimestres, s’est aggravée à la fin de l’été 2008, à la fois par son intensité et par son étendue, montrant bien que l’idée d’un découplage n’était qu’un rêve.

Les perspectives de croissance du FMI, rendues publiques en septembre, comportaient une hausse du PIB mondial de 3% en 2009, 0,5% pour les économies avancées, 6,1% pour les émergents. Dès octobre, ce scénario a été revu en baisse (2,2 % pour l’économie mondiale, -0,3% pour les économies avancées et 5,1% pour les émergents). Compte tenu des messages alors véhiculés par les indicateurs conjoncturels, ces nouvelles projections semblaient encore empreintes d’un “optimisme” très excessif. Sur la base de notre scénario central pour les pays avancés et pour les principaux émergents, il paraissait alors raisonnable d’envisager une récession mondiale. En d’autres termes, le PIB mondial ne devrait pas croître cette année et même laisser place à une légère contraction. Les indicateurs et enquêtes conjoncturels annonçaient, dans de nombreux pays (Etats-Unis, UE, Royaume-Uni, Japon), la récession la plus marquée de l’après-guerre. De fait, les PIB américain, européen, japonais se sont massivement contractés fin 2008, ébouchant pour 2009 sur un acquis de croissance négatif.

Mais si, en janvier, les indicateurs disponibles aux Etats-Unis et en Europe se sont quelque peu redressés, ils s’établissent à des niveaux historiquement très bas, laissant présager au premier trimestre 2009 une contraction de l’activité comparable à celle observée fin 2008.

Les émergents sont fortement touchés. Les pays très ouverts ont vu leur conjoncture se dégrader via leur commerce extérieur. Ce canal de diffusion a concerné notamment des pays industrialisés d’Asie comme la Corée, Taiwan ou encore Singapour, sans oublier bien sûr la Chine. Les pays exportateurs de matières premières, qui avaient bénéficié d’une situation très favorable jusqu’au milieu de l’an dernier, ont subi une dégradation très rapide de leurs termes de l’échange avec le reflux des cours des matières premières (OPEP, Russie, Brésil…) à partir de la fin de l’été 2008. L’exacerbation des tensions financières a conduit à une réappréciation des risques et à un reflux des capitaux(1). La baisse des Bourses a débouché sur un effet de richesse négatif. Les conditions de financement se sont tendues, fragilisant les pays qui devaient couvrir leur déficit courant. Cela a débouché sur des chutes de change ou, dans les pays qui conservaient un objectif de change par une chute des réserves officielles (Russie, par exemple)(2). La baisse des changes a constitué une vulnérabilité supplémentaire chez ceux dont l’endettement était libellé en devise étrangère, à l’instar de plusieurs pays d’Europe de l’est et dans lesquels les ménages ont contracté de façon massive des prêts hypothécaires en euros par exemple (sur tous ces points voir l’article : “Les pays émergents proches de la récession en 2009” dans ce même numéro de “Conjoncture”.

Dans ces conditions, le FMI a été de nouveau amené à revoir en baisse ses perspectives pour 2009, avec une prévision de croissance mondiale ramenée à 0,5% (5,2% en 2007), une contraction du PIB de 2% pour les économies avancées (2,7% en 2007, 3,4% en 2008) et une croissance de 3,3% pour les émergents (8,3% en 2007, 6,3% en 2008). Le commerce mondial, dans un contexte de récession globale, cesserait de progresser (7,2% en 2007, 4,1% en 2008) pour faire place à une contraction de 2,8%. La croissance mondiale légèrement positive, envisagée par le FMI, apparaît encore marquée d’optimisme, elle ne serait tirée que par quelques grands émergents, tandis que les perspectives pour les économies avancées s’annoncent plus sombres encore. Sans surprise dans un tel contexte, le risque lié à la montée de la tentation protectionniste est revenu au premier plan du débat économique. Les leçons du Smoot-Hawley Act de 1930 (établissement de droits de douane de 50%) conduisent à écarter l’idée de dispositifs aussi radicaux avec l’issue que l’on connaît : mesures de rétorsions chez les partenaires commerciaux et enclenchement d’un cercle vicieux dépressionniste. La World Trade Organisation (OMC), forte de 153 membres, défend le principe du libre-échange. Le président Obama a repoussé la stabilité d’un “Buy American Act” sur l’acier.

Il reste que le problème peut revêtir d’autres formes : objectif de change sous-évalué ou encore distorsions de concurrence résultant de mesures destinées à soutenir certains secteurs d’activité.

La persistance de tensions financières a conduit à de nouvelles interventions publiques (nouvelles injections de capital et garanties d’actifs toxiques pour Bank of America et Citigroup, nouveau plan de sauvetage au Royaume-Uni). La récession a amené les banques centrales et les gouvernements à pratiquer des politiques de soutien massif dont le plan Obama constitue le dernier exemple. Deux questions en découlent. D’une part, est-ce suffisant compte tenu à la fois de l’ampleur de la récession et de la durée vraisemblablement longue de l’ajustement du bilan des ménages dans les pays où ceux-ci sont très endettés ? D’autre part, quels sont les risques à plus long terme de la poussée de l’endettement public ? On peut mettre en avant la situation du Japon des années 1990 où la hausse de la dette publique n’a fait que se substituer à un endettement privé (essentiellement les entreprises) en contraction, et le fait que, de façon générale, une dette publique élevée va de pair avec une dette privée limitée.

Il reste que l’expérience récente de la zone euro, où l’on a observé un élargissement massif de certains spreads souverains, montre que la situation n’est pas toujours aussi simple.

Les Etats vont-ils suffisamment se consacrer à la consolidation de leur situation budgétaire ? La normalisation conjoncturelle, entraînant un recul de l’aversion au risque est de nature à induire une remontée des taux longs. Ceci avec, d’une part, le double risque d’une perte des marges de manoeuvre pour les finances publiques (hausse du service de la dette), dans une situation marquée par la montée des charges liées au vieillissement (pensions, santé) et, d’autre part, d’un effet d’éviction sur l’investissement, avec une incidence négative sur la croissance potentielle, rendant plus difficile encore l’assainissement des finances publiques. Quels sont les facteurs de sortie de récession ?

Bien sûr, le soutien budgétaire et les politiques monétaires accommodantes.

La baisse des taux d’intérêt, s’il ne faut pas en attendre une nouvelle vague d’endettement privé, alors même que la priorité est donnée à l’assainissement de la situation financière (c’est l’image de la politique monétaire qui pousse une ficelle), conduit à alléger les charges d’intérêts dans les pays où les ménages sont massivement endettés à taux variables (Royaume-Uni, Espagne par exemple). De même, une baisse des taux hypothécaires à long terme a conduit aux Etats-Unis à relancer une vague de rachats de crédits. La liquidité mondiale continue à progresser très fortement. La résorption des excédents courants et l’inversion des flux de capitaux ont porté un coup d’arrêt à la progression des réserves et à la création monétaire au sein de nombreux pays émergents. La création monétaire émane désormais des politiques quantitatives menées par les banques centrales des pays avancés.

La normalisation à la baisse des stocks, partant d’un niveau initial élevé, exerce un effet déprimant sur l’activité. Une fois achevé, le processus d’ajustement des stocks cessera de peser sur la conjoncture.

Enfin, la baisse des cours des matières premières (en premier lieu de l’énergie) conduit à une désinflation rapide qui, compte tenu de la rigidité à la baisse des rémunérations nominales, apporte un soutien substantiel au pouvoir d’achat des revenus. Le retour de l’inflation n’est pas une question d’actualité. Le creusement d’un output gap négatif est un phénomène mondial qui se poursuivra l’an prochain. En effet, même si la croissance revient, elle restera nettement inférieure au potentiel en 2010.

Les Etats-Unis

Le NBER a daté l’entrée en récession à décembre 2007. Compte tenu du fait que la récession a débuté il y a maintenant quinze mois, et qu’elle n’est pas terminée, elle va nettement dépasser en durée les plus longues de l’après-guerre (celles qui firent suite aux deux premiers chocs pétroliers). Son intensité se révèle également devoir être plus élevée. Elle en ferait même la plus grave depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Ainsi s’interrompt l’épisode de grande modération entamée dans les années 1980, alliant une inflation maîtrisée à une croissance plus régulière (amplitude plus faible des cycles).

L’activité économique

Le PIB, après une baisse de 0,5% en rythme annualisé au troisième trimestre 2008, s’est contracté de 3,8% au quatrième trimestre. La demande finale a plongé de 5,1% (-1,3% au T3). La consommation, qui n’avait augmenté que de 1,2% au deuxième trimestre malgré les allégements fiscaux alors mis en œuvre, a reculé de 3,5% après une baisse de 3,8% au troisième trimestre.

L’investissement en équipement a plongé tout au long de 2008 (-27,8% au T4 après respectivement -7,5%, -5% et -0,5% les trimestres précédents). L’investissement des entreprises en bâtiments (structures), qui avait bien résisté jusqu’à l’été dernier, s’est contracté à un rythme qui n’avait pas été observé depuis 1975 (-19,1% en rythme annualisé). La contraction de l’investissement résidentiel s’est accélérée (-23,6% après -16,1% et -13,3% les trimestres précédents). Al’inverse de ce que l’on avait pu observer dans les toutes dernières années, le commerce extérieur a cessé d’apporter une contribution positive à la croissance (0,1 point après 1 et 2,9 points). Sans une contribution positive des stocks (1,3 point après + 0,8 point), la croissance aurait été plus faible encore. Il reste que les stocks, accumulés sous l’effet de la chute de la demande, appellent une correction qui pèsera à la baisse sur l’activité comme le suggère la poussée du ratio stocks/livraisons dans les derniers mois (1,44 en décembre 2008 dans l’industrie contre 1,23 un an plus tôt).

La production manufacturière a chuté de 16,7% en rythme annualisé le trimestre dernier contre -8,7% le trimestre précédent. Son recul en glissement annuel atteignait 10% (+1,9% en décembre 2007). Le taux d’utilisation des capacités de production dans l’industrie est tombé à 73,6% en décembre 2008, son niveau le plus bas depuis la récession du début des années 1980 (81% un an auparavant).

Les indicateurs conjoncturels plaident pour un début d’année encore très déprimé. Si les indices ISM, tant dans le secteur manufacturier que dans le reste de l’économie, ont cessé de se dégrader, ils s’inscrivent à des niveaux qui restent extrêmement bas, bien en dessous de la frontière qui sépare expansion et contraction de l’activité. L’ISM manufacturier est tombé de 49,3 en août 2008 à un point bas de 32,9 en décembre avant de remonter à 35,6 en janvier. L’ISM non manufacturier, de 50,4 en août dernier a chuté à 34,7 en novembre avant de se redresser à 40,1 en décembre et 42,9 en janvier. Le frein à la détérioration concerne l’activité et les commandes, mais pas la composante emploi, indicateur retardé du cycle.

L’investissement résidentiel

Le rebond des ventes de logements sur le marché de l’ancien (existing home sales), de 6,5% en décembre après -9,4% et -4,5% les mois précédents, tient largement aux cessions de biens ayant fait l’objet de saisies (45% des transactions au T4). Leur glissement annuel confirme le maintien d’une situation très déprimée (-35%), avec des stocks qui restent encore très excessifs (9,3 mois de ventes contre 11,2 en novembre). Dans le secteur du neuf, les ventes ont continué de s’affaisser, reculant de 47,7% sur 12 mois contre -40% en novembre, leur niveau est au plus bas depuis 1963. Les stocks poursuivent leur progression, atteignant 12,9 mois de vente contre respectivement 12,5 et 12,2 mois en novembre et octobre. Cet excès d’offre pèse naturellement sur les prix, appelés à reculer d’au moins dix points encore cette année.

La chute de l’activité, marquée par un recul récurrent des mises en chantier (-15,5% en décembre et -68,5% au T4 en rythme annualisé) et des permis de construire (-10,7% en décembre et -71,8% en données annualisées au T4), devrait aboutir l’an prochain à une stabilisation du marché. Les permis de construire s’établissent, en effet, nettement en dessous des ventes (de près d’un tiers fin 2008). La chute des prix conduit à un redressement de la capacité d’accession à la propriété mais, pour l’heure, celle-ci est entravée par le resserrement des conditions du crédit et plus largement par la dégradation de la conjoncture du marché du travail. Enfin, l’anticipation de la poursuite de la baisse des prix ne peut conduire à court terme qu’à la persistance de comportements attentistes.

Le marché du travail

La dégradation du marché du travail, entamée début 2008, s’est accélérée dans les six derniers mois.

Sur les 3 572 millions d’emplois perdus depuis le début de l’an dernier, la moitié l’a été dans les trois derniers mois : la chute de l’emploi de novembre 2008 à janvier 2009 a été de 595 000 en moyenne mensuelle contre 292 000 pour les trois mois précédents. Tous les secteurs ont été touchés. Dans l’industrie, la détérioration de la conjoncture s’est ajoutée à la baisse tendancielle des effectifs (-207 000 en janvier, -163 000 en moyenne pour les trois derniers mois, 84 000 les trois mois précédents). Le secteur de la construction a continué de perdre des emplois à un rythme accéléré (108 000 en moyenne sur la période novembre-janvier contre 45 000 pour la période août-octobre : la construction non résidentielle, qui avait résisté jusqu’au troisième trimestre 2008, a été affectée par le resserrement des conditions de financement et la baisse des loyers. Le trimestre dernier, elle a rejoint la construction résidentielle dans son recul. Enfin, les effectifs du secteur des services ont diminué de 318 000 en moyenne durant les trois derniers mois contre 170 000 au cours des trois mois précédents.

Sans surprise, le taux de chômage a fortement augmenté, pour atteindre 7,6% en janvier (après 7,2% en décembre et 6,2% en août). Il s’est ainsi approché rapidement du record de 7,8% atteint en 1992. La hausse aurait été plus sensible encore sans le recul du taux d’activité (participation rate) passé en six mois de 66,1% à 65,5%.

La hausse du taux de chômage observée en 2008 (+2,3 points) peut être analysée comme le produit du taux d’entrée en chômage par la durée moyenne du chômage. Cette dernière a atteint 19,7 semaines en décembre contre 16,5 semaines un an plus tôt, le taux d’entrée en chômage est passé en un an de 15,4% à 19,5%. La chute du taux d’embauche (2,3% en novembre -dernière donnée connue- contre 3% un an auparavant) et la baisse du ratio embauche/chômage qui l’accompagne expliquent cet allongement de la durée du chômage. Les recrutements représentaient 57,4% du nombre de chômeurs en novembre 2007 mais seulement 29,8% en novembre 2008, un taux inférieur au précédent point bas observé fin 2001 (36,5%). Les embauches constituent une variable retardée par rapport aux licenciements, de même que la durée du chômage (le taux d’entrée en chômage, qui dépend à la fois des licenciements, des démissions et des arrivées sur le marché du travail, est passé de 16,3% en 1999 à 18,8% en 2001 et a commencé à diminuer dès l’année suivante (18,1%) avant de toucher un point bas à 14,2% en 2006. En revanche, la durée du chômage, de 12,6 semaines en 2000 a progressé jusqu’en 2004 (19,6 semaines).

Le ratio des licenciements à l’emploi augmente. Il s’est établi à 1,6% en novembre 2008 (1,3% un an auparavant), contribuant à la progression du chômage de façon nettement plus limitée que le recul du taux d’embauche. En revanche, sans surprise, le taux de démissions recule (1,2% de l’emploi en novembre dernier contre 1,6% un an plus tôt) tout comme, on l’a vu, le taux d’activité (entrées différées et effet de découragement conduisant à des sorties de la population active). D’où l’insécurité dont fait état l’enquête mensuelle du Conference Board auprès des ménages : en janvier 2009, 41,1% d’entre eux estimaient que l’emploi était difficile à trouver (37,1% en novembre), seuls 7,2% considéraient que l’emploi était abondant (8,7% en novembre).

La consommation

La demande des ménages est confrontée à plusieurs vents de face. D’abord, le recours à l’endettement se trouve réduit à la fois par la détérioration du marché du travail qui pèse sur la confiance, par l’impossibilité d’extraire de la liquidité à partir de la valorisation des actifs immobiliers et, bien sûr, par le resserrement des conditions du crédit. S’y ajoute la chute des Bourses qui a entraîné un coup d’arrêt aux ventes nettes d’actions permettant de dégager des plus-values.

Dans ces conditions, la demande ne peut être alimentée que par le revenu disponible. Si la désinflation joue positivement sur le pouvoir d’achat des revenus individuels, la baisse de l’emploi vient, au contraire, freiner la progression du revenu disponible. L’effet de richesse négatif et la chute de la confiance (l’indice établi par le Conference Board est passé de 44,7 en novembre à 38,6 en décembre puis à 37,7 en janvier) conduisent les ménages à réduire leur taux d’endettement. Celui-ci, passé de 71,4% du PIB en 2000 à 100% en 2007, a entamé une correction dont témoigne également le redressement du taux d’épargne.

Les ventes au détail ont reculé depuis la mi-2008. Au quatrième trimestre, elles ont baissé de 24,6% en rythme annualisé (-7,9% en glissement annuel). La reprise espérée dans le courant de 2009 ne permettra de stabiliser ni l’emploi, ni le chômage. En effet, elle ne débouchera que sur une croissance modeste l’an prochain encore très sensiblement inférieure au potentiel.

En conséquence, le redressement de l’emploi ne pourra se matérialiser rapidement et le chômage, une variable retardée du cycle, continuera à augmenter, ce qui conduira à une croissance limitée du revenu disponible (même si les allègements fiscaux du plan Obama peuvent se traduire par des accélérations ponctuelles), la hausse du taux d’épargne se poursuivra. Dans un tel contexte, il est difficile d’anticiper le retour à une consommation très dynamique à l’horizon des prochains trimestres.

L’investissement

L’investissement des entreprises va poursuivre sa contraction, les commandes sous-jacentes de biens d’équipement (durable goods, orders, ex aircraft and defense) ont reculé de 32,5% en rythme annualisé au quatrième trimestre et les livraisons de 14,8%. La dépense en capital est affectée par le creusement de l’output gap mais aussi par le recul des profits. Ceux réalisés à l’étranger, qui avaient fait preuve d’un fort dynamisme en partie lié à l’affaiblissement du dollar, sont à présent affectés par le caractère global de la récession. Enfin, les conditions de financements (spreads, critères de distribution du crédit) restent très serrées malgré quelques signes récents de détente, ceci en dépit de taux de défaut encore bas. Il est vrai toutefois que ces derniers sont une variable décalée du cycle.

Dans ce paysage très négatif, marqué par une chute de la production qui s’est accélérée (-5,5% annualisés au T4), les entreprises ont fortement ajusté leurs effectifs, les horaires travaillés ont reculé de 8,4% annualisés au quatrième trimestre après -3,4% au troisième. En conséquence, les gains de productivité ont rebondi (3,2% au T4 contre 1,5% au T3) et s’inscrivent sur un glissement annuel de 2,7%. Il en est résulté une progression très modeste des coûts unitaires (1,8% au T4, 0,7% en glissement annuel) en dépit d’une hausse des coûts horaires de 5%. Ces ajustements modèrent l’incidence négative de l’érosion du “pricing power”.

Le commerce extérieur

Depuis deux ans, le commerce extérieur a apporté un soutien notable à l’activité économique. Au deuxième trimestre 2008, la croissance (2,8% en rythme annualisé) aurait été nulle sans l’apport du commerce extérieur. Au troisième trimestre, sa contribution à la croissance est revenue à 1,1 point.

Sans elle, la contraction du PIB aurait été nettement plus prononcée que les 0,5% enregistrés. Cette contribution provient à la fois d’un recul des importations lié à la détérioration de la conjoncture ainsi qu’à un essor des exportations, stimulé à la fois par la vigueur de la croissance mondiale et par l’effet retardé de l’affaiblissement du dollar, les Etats-Unis ayant regagné des parts de marché. Le contexte a radicalement changé, l’essor des exportations est remis en cause par la récession mondiale, seule la contraction des achats à l’étranger permettrait d’éviter une contribution de nouveau négative cette

L’inflation et la politique monétaire

La chute du cours des matières premières a conduit à une désinflation très rapide. L’indice des prix à la consommation, en progression rapide jusqu’au milieu de l’été 2008, a chuté de 1 point en octobre, de 17 points en novembre et de 0,7 point en décembre. Le glissement annuel de l’indice, revenu à 1,1% en novembre est tombé à 0,1% en décembre. 

L’inflation sous-jacente ressortait à 1,8% en fin d’année (2,2% en octobre). L’importance de l’output gap continuera à exercer une pression modératrice sur cet indice, de même que l’évolution attendue des coûts unitaires du travail avec un chômage qui conduira à une modération des rémunérations(3) et la fin des pertes cycliques de productivité du travail. L’inflation est attendue en territoire négatif pour plusieurs mois avant que les effets de base, liés à l’évolution des prix de l’énergie, n’entraînent un rebond au deuxième semestre. Pour autant, sans en écarter le risque, il nous semble peu opportun de parler de déflation. Ainsi, les anticipations d’inflation, tirées de l’enquête mensuelle de l’Université du Michigan, ressortent à 2% en janvier (1,7% en décembre) pour l’horizon court terme et à 3% (après 2,6% en décembre) à plus long terme.

En décembre dernier, la FED a porté le taux objectif des Fed Funds à 0-0,25%. Compte tenu de la faiblesse de l’inflation, appelée à entrer rapidement (mais ponctuellement) en territoire négatif, la règle de Taylor, fondée sur le taux réel d’équilibre et sur les écarts entre taux d’inflation et taux cible, d’une part, et entre niveau du PIB observé et niveau potentiel d’autre part, qui rend historiquement bien compte du comportement de la FED, suggère que le taux d’intérêt devrait être négatif. Cela est naturellement impossible(4).

De fait, la FED s’est engagée dans une politique monétaire non orthodoxe de “quantitative easing”, de façon particulièrement vigoureuse depuis le début de l’automne dernier, ce qui a abouti à un changement de structure et à une explosion de son bilan.

La politique quantitative (quantitative easing) peut prendre plusieurs jours. D’abord, l’annonce de taux maintenus durablement bas qui est une incitation pour le système à mobiliser la liquidité bancaire(5). Ensuite la substitution de titres privés aux titres d’Etat de la Banque Centrale accroît la part des titres risqués dans son bilan.

Enfin, l’accompagnement de la politique budgétaire par l’achat d’obligations publiques sur le marché secondaire conduit à un gonflement du bilan de la banque qui irait à l’encontre de l’effet de substitution titres privés/titres publics. C’est ce type de mesures qui est visé lorsque l’on évoque l’ “helicopter drop of money”. Au-delà, il faut également mentionner l’intervention non stérilisée sur le marché des changes ou l’achat d’autres sortes d’actifs. Le 10 février, le secrétaire du Trésor, T. Geithner, a annoncé les grandes lignes du TARP(Trouble Asset Recovery Plan) pour les USD 350 milliards non encore utilisés (le TARPII) sur l’enveloppe initiale de 700 milliards. Il a été, par ailleurs, décidé de porter le programme TALF, destiné à l’achat de titres adossés aux prêts étudiants, automobiles et aux petites entreprises, de 200 à 1 000 milliards de dollars dans l’objectif de ranimer le marché des ABS. Ces programmes viennent en complément de l’achat de MBS et de titres des GSEs (Fannie Mae, Freddie Mac), de financement des institutions qui achètent des CP, de l’achat de CP à l’émission. Il s’agit de rétablir un fonctionnement plus normal des marchés et d’abaisser les taux hypothécaires(6).

S’y ajoutent des injections de capital (montant inconnu), le soutien aux propriétaires immobiliers menacés de saisie (USD 50 mds)(7), enfin un dispositif co-financé avec le secteur privé destiné à reprendre des actifs toxiques (jusqu’à USD 1 000 mds). Cela supposera la mise en place de garanties. Les méthodes de fixation des prix pour ces actifs illiquides ne sont pas encore connues.

Si des pressions déflationnistes devaient se matérialiser, la FED pourrait acquérir des obligations du Trésor afin de maintenir les taux longs réels à des niveaux acceptables. Le 26 janvier, le FOMC a maintenu l’objectif des Fed Funds inchangé et précisé qu’il resterait ancré à bas niveau pour un “certain temps” (“economic conditions are likely to warrant exceptionnaly low levels of Fed Funds rates for some time”). C’est l’un des moyens d’ancrer les taux de marché à bas niveau. La politique monétaire est par ailleurs axée, comme on l’a vu, sur l’apport direct de liquidité au marché du CP, à celui des ABS et MBS (“the focus is to support the functionning of financial markets and stimulate the economy …the size of the balance sheet will remain at high levels”). Le communiqué du FOMC fait également état de la préoccupation quant au risque de déflation : “inflation could persist for a time below rate that best foster economic growth and price stability in the longer term” et réaffirme sa volonté d’utiliser “tous les instruments disponibles” pour promouvoir le retour d’une croissance économique soutenable et préserver la stabilité des prix.

Tout en réaffirmant qu’il suivra de près la taille et la composition du bilan de la FED, le FOMC évoque à nouveau la possibilité de procéder à l’acquisition de titres longs du Trésor (“prepared to purchase longer term treasury securities if evolving circumstances indicate such transactions could be particularly effective”).

La politique budgétaire

Le CBO a rendu publique, le mois dernier, sa projection budgétaire à l’horizon de 2019. Elle ne tient pas compte du plan de relance Obama qui, dans sa version issue du compromis du 12 février entre la Chambre des représentants et le Sénat, mobilise 789,5 milliards de dollars à l’horizon de dix ans.

L’exercice du CBO repose sur une hypothèse de taux à 10 ans de 3% en moyenne cette année (3,7% en 2008) et d’une contraction du PIB de 2,2% (en 2009). Sans surprise, l’assiette des prélèvements se contracte (-9,7% pour les profits et une quasi-stabilité pour les salaires, les premiers tombent de 10,7 à 9,9 points de PIB, les seconds passent de 45,8 à 46 points de PIB). En conséquence, les recettes fiscales reculent dans ce scénario de 6,6%. Parallèlement, la dépense totale augmente de 19%, les dépenses discrétionnaires de 4,5% avec des charges d’intérêts (5,5% du total) qui reculent de 21,7%. L’envol de la dépense est essentiellement lié à l’évolution de la part non discrétionnaire (+35,5%) qui atteint 12,5 points de PIB contre 11,2 en 2008 (tandis que les dépenses discrétionnaires passent de 8 à 8,3 points et les intérêts nets de 1,7 à 1 point). Les trois quarts de la hausse des dépenses discrétionnaires sont liés au TARP(180 mds imputés sur 2009) et au soutien aux GSEs Fannie, Freddy (240 mds). Les dépenses au titre de programmes sociaux (pensions, social security et santé – medicaire, medicaid) augmentent de 8%. Ces évolutions amènent le déficit prévisionnel à 8,3 points de PIB contre 3,8 l’an dernier.

Le plan de soutien (plan Obama) comporte USD 276,3 milliards d’allégements fiscaux, le reste consiste en des transferts aux collectivités locales ou aux particuliers et en dépenses d’infrastructures (de l’ordre de USD 150 mds).

Les mesures fiscales consenties aux ménages comprennent, entre autres, un allégement d’Alternative Minimum Tax (AMT) à hauteur de USD 69 milliards en 2010, l’élargissement du nombre de bénéficiaires de crédit d’impôt aux familles (Child Tax Credit), un abaissement de 400 dollars par personne (800 pour un couple) pour les foyers à revenu inférieur à 77 000 dollars (making work pay tax cut), une incitation pour les primo accédants. Les petites entreprises bénéficient d’incitations à l’investissement et de la possibilité d’imputer d’éventuelles pertes sur une durée plus longue.

S’agissant des transferts, on notera une aide aux collectivités locales à hauteur de USD 53,6 milliards destinée principalement à éviter les licenciements d’enseignants, à financer la modernisation des locaux scolaires et 87 milliards pour les aider à faire face aux charges du medicaid. Par ailleurs, la durée d’indemnisation du chômage passe de 26 à 36 semaines.

Ce programme est-il d’ampleur suffisante ? C’est en tout cas une question discutée. Les montants mobilisés ont pour objet de pallier une demande privée défaillante et de combler un output gap négatif. Le déficit public se creuse alors que, là aussi une conséquence de la crise, les besoins de financement du secteur privé se stabilisent (entreprises) ou se transforment en capacité de financement (ménages). Le plan ne se matérialisera qu’à hauteur d’environ un quart cette année puis d’environ 40% en 2010. La partie liée aux allégements fiscaux et aux transferts sera réalisée pour les trois-quarts dans les deux ans. Son efficacité est conditionnée par la propension des bénéficiaires à consommer. Les transferts en faveur des collectivités locales, de nature à limiter les réductions de dépenses, et l’extension de l’indemnisation du chômage devraient donner lieu à une dépense accrue. Il n’est pas certain, en revanche, qu’il en aille de même pour les allégements d’impôts, surtout si ceux-ci sont perçus comme temporaires (la propension à dépenser les allégements fiscaux est estimée à un tiers lorsque ces derniers sont temporaires et à deux tiers lorsqu’ils sont permanents).

Les dépenses d’infrastructures qui exercent une plus forte influence sur le PIB ne monteront en puissance que très progressivement. Au total, elles excèderont difficilement les USD 30 milliards cette année mais pourraient approcher les 100 milliards annuels en 2010-2011. Les allégements fiscaux et les transferts pourraient dépasser les USD 100 milliards dès cette année et atteindre le double l’an prochain.

Retenons au total que la mise en œuvre de ce programme devrait limiter la contraction du PIB à quelques dixièmes de points au plus au deuxième trimestre 2009 et contribuer au retour à la croissance au deuxième semestre.

Le Japon

L’économie japonaise, après avoir connu une croissance de 2,4% en 2007, est entrée en récession au deuxième trimestre 2008, le PIB s’est contracté de 0,9% au deuxième trimestre, de 0,6% au troisième et de 3,3% au quatrième (-12,7% en rythme annualisé). L’économie japonaise subit de plein fouet la récession mondiale : la chute de ses exportations dans les tout derniers mois a atteint des proportions impressionnantes.

Les indicateurs avancés conduisent à anticiper la poursuite de cette détérioration. La contraction du PIB pourrait être de l’ordre 6% en 2009, après -0,7% en 2008, la demande interne contribuant à cette baisse à hauteur de 3,5 points (la consommation reculant de 1,4% et l’investissement de 16,5%), le volume des exportations se contractant, pour sa part, de plus de 23%.

Dans les dernières années, l’activité économique japonaise avait été tirée par les échanges extérieurs et l’investissement productif qui leur était lié. Les exportations ont très largement contribué à la sortie de la déflation. Elles ont été stimulées par la vigueur de l’économie mondiale et par l’affaiblissement du yen. Ces deux facteurs favorables ont disparu. D’une part, l’activité économique du Japon s’aligne sur celle de ses principaux partenaires, d’autre part, le yen s’est fortement apprécié, notamment dans les derniers mois de 2008 du fait de la baisse des taux d’intérêt dans le reste du monde et du dénouement des positions de carry-trade. L’appréciation ressort à 13,2% sur un an contre dollar et à 19,8% contre euro.

Si les performances du commerce extérieur ont permis au Japon de renouer au cours des dernières années avec la croissance en dépit d’une demande intérieure hésitante, la chute des exportations s’ajoute aujourd’hui au recul de la demande interne pour conduire à une récession qui se révèle devoir être à la fois profonde et longue.

Les exportations se sont contractées de 17,1% en novembre puis de 13,5% en décembre. En glissement annuel, leur chute atteint 35%. Le recul touche aussi bien les ventes à destination des Etats-Unis (depuis un an, le recul atteint 10,9% au quatrième trimestre après 4,7% au troisième), qu’à destination de l’UE (-12,9% après +1% au T3) ou encore de l’Asie (-16,6% après + 1,6%), de la Russie (-27,7% après +1,2%) ou des pays du Moyen-Orient (69,7% en décembre après 67,8% en novembre et -5,7% en octobre). Les secteurs phare des exportations japonaises sont tous fortement affectés : l’automobile, les équipements électriques et électroniques et les machines outils.

Ces évolutions ont entraîné une chute rapide de la production industrielle (20% du PIB). Cette chute s’est contractée de 9,6% en décembre après une recul de 8,5% en novembre. Cette baisse s’est accompagnée d’une poussée record des stocks. Le ratio stocks/ventes a augmenté de 3,9 points en octobre, de 12,9 points en novembre puis de 6,5 points en décembre. Cela conduit à anticiper une correction de forte ampleur qui ne manquera pas de peser sur la production dans les prochains trimestres.

Les indicateurs conjoncturels continuent d’ailleurs à se replier, qu’il s’agisse des PMI (le PMI manufacturier passé sous le seuil de 50 en mars 2008 est tombé à 36,2 en novembre, à 30,8 en décembre et à 29,6 en janvier 2009) ou de l’enquête trimestrielle de la Bank of Japan (Tankan).

L’investissement chute

La hausse des capacités de production excédentaires, la chute de la confiance (le dernier Tankan fait état d’un indice relatif aux grandes entreprises manufacturières passé de -3 en septembre à -24 en décembre) et des perspectives de profits révisés en baisse (de -8,1 pour l’exercice 2008-2009 à -19,1 en décembre) conduisent à des révisions à la baisse des plans d’investissement ainsi qu’en attestent les commandes de machines-outils (-71,9% en glissement annuel en décembre), ou plus largement celles de biens d’équipement (hors navires et produits à destination des centrales électriques) (-16,7% au T4 après -10,4% au T3) ou encore l’enquête de la Bank of Japan sur la demande de crédit (senior loans officers survey). L’indicateur Tankan retraçant l’attitude des prêteurs traduit un resserrement des conditions de crédit aux entreprises : (solde accommodant – restrictif de -6 en décembre 2008 contre +13 en décembre 2007).

La décélération des prix est naturellement, comme ailleurs, favorable au pouvoir d’achat, pas assez cependant pour éviter une baisse des rémunérations réelles. La hausse des prix (hors produits finis), qui avait atteint 2,4% en glissement annuel au mois de juillet 2008, est revenue de 1,1 en glissement annuel en novembre à 0,2% en décembre. Les salaires nominaux ont vu leur progression ralentir depuis le début de 2008 (1,6% en janvier 2008) pour laisser place à une diminution (-1,4% en décembre). L’emploi s’est replié de 1% (ga) l’an dernier. Le taux de chômage, revenu de 5,5% en 2002 à 3,6% mi-2007, est reparti à la hausse atteignant 4,4% en décembre. Ce retournement de faible ampleur ne donne pas encore toute la mesure de la détérioration du marché du travail. En effet, les offres d’emploi chutaient de 42,9% en glissement annuel en novembre, de même les heures supplémentaires (-20,6% en ga en novembre, la plus forte baisse depuis 1993). Dans un premier temps, les entreprises ont réduit leur recours aux heures supplémentaires, puis au travail temporaire, enfin, diminué les effectifs salariés permanents. Même si les facteurs démographiques (vieillissement) conduisent à un recul de la population d’âge actif et si la conjoncture pèse négativement sur le taux d’activité (effet dit de découragement), même si les chômeurs âgés ne sont pas intégrés dans les statistiques du chômage dès lors qu’ils ne recherchent pas activement un emploi, l’ampleur de la récession nous conduit à anticiper une remontée du taux de chômage à 5% cette année et à 5,5% en 2010.

Un tel contexte pèse naturellement sur le sentiment des ménages qui s’est fortement dégradé durant les derniers mois, l’indice de confiance ressortant à 26,2 en décembre contre 29,4 en octobre, l’indice relatif au revenu passant dans le même temps de 34,5 à 31,5, celui relatif à l’emploi tombant de 24,8 à 15,4. Tout ceci augure difficilement d’un quelconque dynamisme de la consommation.

La politique monétaire Au-delà de l’effet de la baisse des cours du pétrole, le creusement d’un output gap négatif s’ajoute à la vigueur du yen pour éroder lepricing powerdes entreprises et le spectre d’une spirale inflationniste réapparaît.

La Banque du Japon a révisé, le 22 janvier dernier, ses perspectives de croissance et d’inflation. Le recul de l’activité pour l’exercice budgétaire 2008-2009 (s’achevant le 31 mars 2009) est attendue à -1,8% (0,1 en octobre) puis à -2% pour l’exercice suivant (0,6% en octobre). L’inflation est attendue à 1,2% (exercice 2008-2009) puis à -1,1% (exercice 2009-2010). Sans surprise, le Comité de politique monétaire a non seulement laissé inchangé son “overnight call rate” à 0,10% mais il est, en outre, revenu à la politique quantitative. Le taux monétaire paraît devoir être maintenu à son niveau actuel jusqu’à fin 2010.

Toutefois, comme elle l’avait annoncé fin décembre, la Banque du Japon a dévoilé le montant des achats de papier commercial qu’elle effectuerait jusqu’à la fin du mois de mars pour faciliter le passage de l’exercice budgétaire (fin mars 2009). Plus important que prévu initialement, l’investissement représente 20% du marché du papier commercial, soit JPY3 000 milliards. Elle a aussi élargi la gamme des JGB’s éligibles aux titres d’Etat à 30 ans, aux obligations à taux variables et à celles indexées sur l’inflation. Par ailleurs, elle a également annoncé qu’elle allait acquérir JPY9 600 milliards de JGB’s de maturité comprise entre 1 et 10 ans, JPY5 520 milliards inférieures à 1 an, JPY900 milliards entre 10 et 30 ans, JPY600 milliards à taux variables et 180 milliards indexés sur l’inflation. Elle avait relevé en décembre le plafond mensuel d’achats fermes de JGB’s de 14 400 milliards de yens à 16 800 milliards.

Au-delà de ces mesures, il ne faut exclure ni achat d’actions ni le retour à des interventions sur le marché des changes.

La politique budgétaire

Dans cette conjoncture, le gouvernement a annoncé l’an dernier trois programmes de soutien destinés à être mis en œuvre en 2009. Le premier, rendu public en juillet, porte sur un montant de 11,7 trillions de yens, le second, en octobre, sur 26,9 trillions de yens. Le dernier, présenté en décembre (23 trillions de yens), est toujours en discussion. Pour les deux premiers, les montants directement mobilisés pour soutenir l’activité (hors recapitalisations et garanties) atteindront 6,6 trillions de yens, soit 1,4% du PIB. Certaines dispositions fiscales, venant à échéance en mars 2009 seront prorogées pour :

1 – rétablir la confiance des marchés financiers (assouplissement temporaire des règles prudentielles relatives aux banques, rachat d’actions préférentielles des banques, prolongement des abattements fiscaux dont bénéficient les investissements en actions pendant 3 ans) ;
2 – soutenir la consommation des ménages (crédits d’impôts sur le revenu, quel que soit le niveau de revenu, relèvement des abattements fiscaux sur les intérêts des prêts hypothécaires, baisse des droits de péage sur les autoroutes).

Par ailleurs, l’Etat doit apporter sa garantie aux crédits aux PME (via la prorogation au-delà du 30 mars 2009 d’une structure de recapitalisation des sociétés financières régionales, qui fournira des financements aux associations de crédit et sociétés de crédits coopératifs, principaux intermédiaires financiers auprès des PME)et accorder de nouvelles subventions aux régions et aux municipalités (pour 1 000 et 600 milliards respectivement).

Cet ensemble de mesures peut contribuer à atténuer quelque peu la récession actuelle, mais compte tenu de la forte dépendance de l’économie japonaise au commerce extérieur, la reprise ne saurait venir de ces seuls plans de soutien.

Le déficit des finances publiques est appelé à se creuser de façon substantielle du fait des mesures discrétionnaires mais aussi en raison du jeu des stabilisateurs automatiques, alors même que le Japon figure parmi les pays les plus endettés de l’OCDE (la dette publique dépasse les 170 points de PIB).

Le déficit budgétaire, de 3,1% du PIB pour l’année 2007-2008, atteindrait 7% à la fin de l’exercice budgétaire en cours s’achevant fin mars et pourrait dépasser les 9% à l’issue de l’exercice 2009-2010 alors que le ratio de dette publique s’acheminerait vers les 200%.

Achevé de rédiger le 13 février 2009
 

NOTES

1)Selon les projections de l’IIF, l’excédent courant des émergents, passé de USD 434 mds en 2007 à 387 mds en 2008, se limiterait à USD 327 mds cette année. En deux ans, les entrées nettes d’IDE passeraient de USD 304 mds à 197 mds, les investissements de porte-feuille en actions connaîtraient leur troisième année de solde négatif (USD -2,7 mds en 2009 après -89,3 mds et -8 mds respectivement en 2008 et 2007). Les entrées nettes de capitaux, sous forme de prêts bancaires et de titres de dette, passeraient de USD 632 mds en 2007 à 291,7 mds en 2008 et feraient place à des sorties nettes en 2009 (USD -29,5 mds).
2) Selon l’IIF, la croissance des réserves de change dans les émergents serait revenue de USD 948,7 mds en 2007 à 444,3 mds en 2008 et tomberait à 245,9 mds en 2009.
3) Depuis le milieu des années 1980, la sensibilité des salaires et de l’inflation au taux de chômage a baissé. C’est le phénomène dit de l’aplatissement de la courbe de Phillips. Il reste qu’au cours de cette période le taux de chômage est resté contenu à des niveaux inférieurs à celui qui est anticipé à horizon des prochains trimestres et s’est caractérisé par une volatilité nettement moins importante que dans les 25 années antérieures. Dans une zone de chômage élevé, la relation de Phillips pourrait fort bien devenir plus pentue. Sur ce point, voir M. Barnes et G. Oliver : “Inside and outside bounds : thresholds estimates of the Phillips curve”, New England Economic Review, 2003.
4) La règle de Taylor rend correctement compte du comportement de la FED dans le passé. Dans sa version la plus simple, elle s’écrit : i = p+r+0,5(p-p*)+0,5(lny-lny*). I = taux des Fed Funds, r = taux réel “normal”, p = inflation, y = PIB, y*= PIB potentiel, lny-lny*= output gap avec les hypothèses suivantes : r=2, p(core) = 0,9, p*= 1,75, lny-lny* = 7 (la croissance potentielle est de 2,7%, la croissance observée de 2% en 2007, 1,2% en 2008, -2,2% en 2009, la gap cumulé entre y et y* compte tenu d’un output gap positif de 0,7 point en 2006 conduit à un output gap de l’ordre de 7 points). La règle aboutit à un taux des Fed Funds négatif (-1%).De façon évidente, la politique orthodoxe ne suffit plus !
5) Ce qui tranche avec la politique menée dans la précédente décennie par la Banque du Japon avec son objectif de gonflement de réserves bancaires.
6) S’ajoutent à cela les interventions du Trésor (participation au TALF (garanties), à GTI (garantie pour USD 5 mds et injection de capital pour 20 mds), soutien des GSE (jusqu’à USD 200 mds), à l’automobile (20 mds) sans compter les garantie sur le marché monétaire de la FDIC (garantie des dépôts jusqu’à USD 250 000) (USD 700 mds), du TLGP (jusqu’à USD 1000 mds) et de City (USD 10 mds).
7) Les taux des saisies sur l’ensemble des prêts sont de 0,3% en 2005, puis de 1,1% fin 2008.

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