La disruption, moteur de la croissance non inflationniste

par Benoit Peloille, Stratégiste-Gérant chez VEGA Investment Managers

La disruption est à l’origine de bouleversements significatifs pour de nombreux secteurs d’activité. Indissociable de l’innovation technologique, ce phénomène a incontestablement eu un impact sur les prix des biens et services, créant de fait, un véritable choc en termes de concurrence. Mais la disruption ne se limite pas à bouleverser nos comportements de consommation par l’accès à des produits plus simples et moins chers, elle joue également un rôle déterminant sur le marché du travail et pourrait être l’une des raisons de la longévité du cycle de croissance américain.

Une reprise singulière. La singularité de la reprise actuelle américaine a été largement documentée et se caractérise par une longévité exceptionnelle (plus de 10 ans) et l’absence de remontée significative de l’inflation. De nombreuses raisons, à la fois structurelles et conjoncturelles, peuvent être avancées telles que le vieillissement des populations, la technologie, les changements de modes de consommation…

Récemment, des économistes ont souligné la contribution déterminante de la progression continue du taux de participation au marché du travail comme l’une des explications les plus crédibles de la poursuite de la croissance américaine sans générer l’inflation qui l’accompagne habituellement (1).

La disruption et le nouveau niveau de plein emploi. De l’avis général, l’économie américaine est en situation de plein emploi depuis plusieurs trimestres sans pour autant générer d’inflation, défiant la logique habituelle des cycles. Depuis plusieurs années, nous constatons un retour massif sur le marché de l’emploi de travailleurs qui, auparavant en étaient exclus, à l’image des plus âgés mais également des moins diplômés. Cette tendance s’est nettement accélérée depuis la crise financière mondiale de 2008, portant le ratio d’emploi des moins diplômés américains à des sommets historiques.

Ratio d’emploi par niveaux de qualification (base 100 : 1992)

Un marché du travail redéfini. En analysant les emplois créés depuis 2008, une tendance se dégage en faveur des métiers de services, de la consommation ou des transports (vente de détail, transport et logistique, services aux entreprises, hôtellerie…) au sein desquels le niveau de qualification mais aussi de salaires est plus faible. Il s’agit ici la partie visible de la GIG Economy (ou économie des petits boulots) qui a constitué l’essentiel des créations d’emplois depuis la crise.

En effet, si l’émergence des sociétés de technologies s’est accompagnée de créations d’emplois pour les plus diplômés, elle a également permis aux personnes peu qualifiées d’accéder au marché du travail via des emplois de type : livraisons rapides, transports de personnes, services divers et variés… D’après une étude de 2016, le pourcentage de travailleurs américains dans l’économie alternative (travail temporaire, contractant, indépendants, freelance…) est passé de 10,1% en 2005 à 15,8% en 2015 (2). L’autre tendance que reflète la GIG Economy est la généralisation du cumul des emplois. En effet, une partie non négligeable des participants à l’emploi alternatif le serait pour compléter un revenu issu d’un autre travail.

Les moins qualifiés, gagnants des créations d’emplois

NOTES

  1. Patrick Artus : L’importance du taux de participation, flash Economie, 28/01/2020
  2. Lawrence F. Katz Harvard University and NBER / Alan B. Krueger Princeton University and NBER: The Rise and Nature of Alternative Work Arrangements in the United States, 1995-2015, 29/03/2016