Après l’accord de l’Eurogroup, le plus difficile reste à faire

par William de Vijlder, Chef économiste chez BNP Paribas

De nombreuses heures de négociation ont été nécessaires lors des deux visioconférences de cette semaine pour que l’Eurogroupe parvienne à un accord sur une puissance de feu supplémentaire de 500 milliards d’euros – environ 4,2 % du PIB de la zone euro – pour atténuer l’impact économique immédiat de la pandémie de Covid-19.

À cette fin, trois types d’outils seront mis en œuvre. Tout d’abord, le programme SURE (Support to mitigate Unemployment Risks in Emergency), instrument européen temporaire de soutien aux mesures prises par les Etats –allocations chômage, aide aux entreprises-, apportera une aide de 100 milliards d’euros aux pays les plus touchés. La Banque européenne d’investissement (BEI) créera un bouclier paneuropéen pour garantir 200 milliards d’EUR de prêts, aux PME en particulier. C’est très important car, en raison de leur taille, beaucoup de PME sont structurellement moins diversifiées, tant en termes de produits et de services, que géographiquement. En outre, elles représentent les deux tiers des emplois du secteur privé en Europe[1] et jouent un rôle de premier plan dans la création de nouveaux emplois.

Enfin, un Pandemic Crisis Support a été mis en place pour l’équivalent de 2 % du PIB des États membres, soit près de 240 milliards d’euros. Il sera mis à la disposition de tous les membres du MSE (Mécanisme de Stabilité Européen). Mario Centeno, Président de l’Eurogroupe a déclaré que : « tout État membre de la zone euro affecté par la crise du Covid-19 devrait être en mesure d’identifier les dépenses directement ou indirectement liées aux soins de santé, aux traitements et à la prévention représentant 2 % du PIB »[2]. Cette déclaration montre qu’il s’attend à ce que les membres du MES soient nombreux à faire une demande de fonds. Cela évitera tout sentiment de stigmatisation mais aura également un impact macroéconomique accru. Les conditions à respecter pour pouvoir bénéficier de ces fonds avaient été un point d’achoppement dans les négociations, mais un accord a été trouvé. La seule condition retenue est que les subsides soient utilisés pour « soutenir le financement interne des coûts directs et indirects liés aux soins de santé, à la guérison et à la prévention liés au Covid-19 ».

Au-delà de ces mesures d’aide destinées à faire face à la pandémie, il faudra aussi que la politique budgétaire stimule la croissance car la reprise, une fois le confinement terminé, devrait être graduelle et très inégale : le confinement sera probablement levé progressivement, les entreprises attendront d’avoir une meilleure visibilité avant de recommencer à investir, tandis que les ménages, confrontés à un marché du travail difficile, resteront également prudents.

Une relance budgétaire implique une émission de dette et, à terme, le risque d’une hausse des rendements obligataires et des spreads par rapport à l’Allemagne, bien que le programme d’assouplissement quantitatif (QE) de la BCE et son programme d’achats d’urgence pour faire face à la pandémie ( Pandemic Emergency Purchase Programme) devraient limiter ces effets. Une initiative financée conjointement pour stimuler la croissance est une autre façon de traiter l’impact potentiel de la pandémie sur les coûts de financement des pays dont la dette publique est déjà élevée par rapport à leur PIB. Cependant, bien que cela ait un sens sur le plan économique, politiquement c’est clairement difficile à mettre en œuvre.

Le président de la zone euro, M. Centeno, a déclaré que le prochain budget de l’UE sera un élément-clé de la stratégie de l’UE après le confinement. Il ne faut cependant pas oublier qu’il y a quelques semaines, un accord sur le cadre financier pluriannuel de l’UE pour les années 2021-2027 n’a pu être trouvé. Renforcer les mesures pour stimuler de manière significative la croissance rend cette entreprise encore plus difficile. Il a été finalement convenu de poursuivre les travaux sur un fonds de relance « qui permettrait de dynamiser les investissements européens dont nous aurons besoin pour bâtir une économie numérique meilleure, plus verte, plus résiliente et plus dynamique ».

Cependant, le fait que certains membres soient d’avis que le financement devrait provenir de l’émission de titres de créance communs, alors que d’autres préconisent des solutions de rechange, nous rappelle le défi de parvenir à une entente.

NOTES

  1. Source : Eurostat
  2. Source for this and the remaining quotes: Council of the EU, Remarks by Mário Centeno following the Eurogroup videoconference of 9 April 2020

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