Climat de défiance

Le gouvernement a décidé d’attaquer frontalement le Medef et son président Pierre Gattaz suite aux critiques du patronat sur la lenteur de la mise en place du « Pacte de responsabilité » et sur les nouvelles mesures en faveur des salariés. Il n’est pas certain que ce climat de défiance favoriser la nécessaire reprise économique.
 
Cette polémique tombe d’autant plus mal que Standard & Poor’s vient de réviser à la baisse ses prévisions de croissance : 0,4% cette année (contre une précédente estimation de 0,5%), 0,7% en 2015 (contre 1,1%) et 1,2% en 2016 (contre 1,5%).
 
Pour l’agence de notation, « l'atonie des performances économiques de la France » tient à la faiblesse de la compétitivité et de la rentabilité des entreprises. 
 
Le gouvernement a fait voter un « Pacte de responsabilité » qui entrera en vigueur le 1er janvier mais dont les effets (41 milliards d’euros de baisses de charges et de fiscalité) seront progressifs jusqu’à la fin du quinquennat, en 2017. 
 
Confronté à une croissance faible et à un chômage record, le président de la République, François Hollande, souhaite que les entreprises s’engagent sur des contreparties.
 
Mais, malgré la mise en œuvre du CICE, les marges des entreprises françaises sont parmi les plus faibles d'Europe. En outre, comme le constate S&P, l’incertitude fiscale, notamment, pèse sur les choix des agents économiques (ménages, entreprises).
 
Difficile dans ces conditions pour les entreprises de s’engager à investir et à créer des emplois. D’autant que le gouvernement vient de prendre des mesures qui ont tout pour hérisser les patrons : le compte pénibilité lié à la réforme des retraites, l'obligation d'informer en amont des salariés en cas de projet de cession d'une PME et l'instauration d'une durée de travail minimum de 24 heures par semaine pour le temps partiel.
 
Pierre Gattaz, qui avait été élu à la tête du Medef en promettant d’en faire une organisation de « combat », ne pouvait que s’engouffrer dans la brèche en exigeant le retrait de ces dispositifs qui, selon lui, vont à l’encontre des « belles paroles » du pouvoir sur la nécessaire compétitivité. « Nous avons besoin de mesures qui soient en conformité avec les beaux discours », a-t-il déclaré à la radio.
 
Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, a décidé de s’opposer au Medef : « Je n’ai pas à qualifier l’attitude de Pierre Gattaz. J’ai simplement à dire que dans que dans le pacte de responsabilité, il y a le mot responsabilité. Aujourd’hui, il y a très peu d’accords de branche qui sont signés. Aujourd’hui, c’est un échec et c’est aussi le sien. »
 
Politiquement, c’est peut-être payant à court terme mais cela n’aide pas à résoudre le problème de la France. Les chefs d’entreprise ont le temps pour eux alors que François Hollande veut des résultats rapidement pour pouvoir se représenter en 2017.
 
Ce climat de défiance confirme que le temps économique et le temps politique ne sont pas les mêmes. Ajoutons que le gouvernement commet une erreur d’appréciation en citant régulièrement ce que l’Allemagne a fait pour améliorer sa compétitivité.
 
L’Allemagne a payé le prix fort pour sa réunification. Pour cesser d’être « l’homme malade de l’Europe », comme les Anglo-saxons la surnommaient à la fin des années 1990, elle a décidé, sous la conduite d’un chancelier social-démocrate, Gerhard Schroeder, d’engager des réformes favorisant les exportations.
 
Car, contrairement à la France, l’Allemagne est avant tout un pays exportateur (1.094 milliards d’euros en 2013), occupant la première place mondiale avec la Chine. Pour retrouver la compétitivité, elle a donc opté pour la baisse des salaires. Ce qui a permis à ses industriels fabricant des machines-outils, des voitures ou des centrales électriques de retrouver des marges sur le marché mondial. 
 
Un exemple : au cours des huit dernières années, BMW, connu pour ses voitures de luxe, a enregistré une hausse annuelle de 45% de ses ventes en Chine.
 
Si la France suivait la même voie que l’Allemagne, serait-elle en mesure de doper ses exportations ? Ce n’est pas sûr du tout car si les grandes entreprises françaises sont très internationalisées, ce n’est pas le cas des petites et moyennes entreprises.
 
Pour renforcer la compétitivité du pays, le gouvernement doit mettre en œuvre un plan sur le moyen et long terme, en ciblant les points forts de l’économie et en constituant des filières associant de grands groupes et des sous-traitants. C’est un travail qui prendra plusieurs années et qui doit dépasser le cadre partisan.
 
Mais les dirigeants politiques français, de droite comme de gauche, sont plutôt court-termistes. Ils pensent que parce qu’ils annoncent quelques mesures bricolées en quelques semaines les choses s’amélioreront mécaniquement. C’est méconnaître les lois de l’économie. Les agents économiques (entreprises et ménages) ont besoin de confiance. Et cela passe par une visibilité fiscale et administrative.
 
S’il veut relancer l’activité économique, le gouvernement doit donc sortir au plus vite de ce climat de défiance.