Croissance en zone euro : un point bas au premier trimestre ?

par Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis

Conformément aux attentes, le PIB de la zone euro a fortement chuté au premier trimestre 2009 (-2,5% T/T), sous l’effet d’une très forte contraction de l’investissement productif et d’une chute sans précédent des exportations, comme au T4 2008. En outre, les entreprises semblent avoir massivement déstocké sur la période (automobile), suggérant une stabilisation de la production à court terme, entretenue à moyen terme par la mise en œuvre des plans de relance à l’échelle mondiale. Le cycle de productivité européen devrait donc avoir atteint son point bas au T1 2009. Les destructions d’emplois pèseront en revanche très fortement sur la demande intérieure (consommation des ménages).

Les chiffres de croissance publiés vendredi matin ont confirmé la très forte contraction de l’activité en zone euro au premier trimestre 2009. Le PIB a reculé de 2,5% T/T, la croissance s’affichant à -4,6% en glissement annuel. Tous les pays sont affectés, avec toutefois une certaine hétérogénéité, la France étant relativement « épargnée » (-1,2% T/T) en comparaison, notamment, de l’Allemagne (-3,8% T/T). L’Italie et l’Espagne enregistrent pour leur part des reculs respectifs de 2,4% et 1,8% du PIB.

En France, seul Etat-membre publiant le détail de ses comptes nationaux en première estimation, les chiffres sont en ligne avec nos prévisions : la consommation des ménages résiste (+0,2% T/T, un chiffre que suggéraient les dépenses en produits manufacturés), la formation brute de capital fixe recule très fortement (-2,2% T/T), sous l’effet de l’effondrement de l’investissement productif (-3,2% T/T) et de l’investissement logement (-1,5% T/T), tandis que l’investissement public recule pour le cinquième trimestre consécutif (-0,7% T/T). Enfin, les exportations nettes sont neutres sur la croissance tandis que les stocks ôtent 0,8 point de PIB au chiffre agrégé, preuve que le commerce extérieur exerce un véritable rôle de stabilisateur sur l’économie française (déficit d’offre) et que les entreprises ont continué de fortement déstocker en début d’année.

On notera également les très fortes révisions à la baisse des chiffres du second semestre 2008 : alors que la France semblait avoir « miraculeusement » échappé à la récession pendant l’été (avec une croissance trimestrielle du PIB initialement estimée à +0,1% au T3) la publication des comptes nationaux a révélé une baisse du PIB de 0,2% T/T. De même, la croissance au T4 2008 a fortement été revue en baisse (-0,4 point à -1,5% T/T), tirant la croissance sur l’ensemble de l’année 2008 à 0,3% (0,7% précédemment estimé) et déprimant mécaniquement l’acquis de croissance pour 2009 (-0,5 point à -1,3% fin 2008, -2,5% désormais).

Le détail des comptes de l’Union sera publié le 3 juin. Au regard des données dures disponibles dans l’ensemble des pays au T1, un très fort recul de la demande intérieure (via l’investissement et les stocks) et une contribution négative du commerce extérieur nous semblent bel et bien actés.

Quelles perspectives à court / moyen terme ?

Si, au vu des chiffres publiés, le déstockage des entreprises au T1 ne fait aucun doute, la question relative à l’ampleur du déstockage restant à réaliser reste ouverte. Il semblerait que les stocks aient retrouvé des niveaux jugés quasi-normaux par les entrepreneurs en France, grâce notamment au déstockage massif dans l’automobile. En revanche, dans les autres pays de la zone euro, la situation semble plus inquiétante, les stocks de produits finis paraissant toujours très volumineux.

L’évolution de la production manufacturière pourrait donc être marquée par une certaine hétérogénéité à court terme au sein de la zone euro. Nous anticipons toutefois une stabilisation d’ensemble au T2, avant un probable rebond, à défaut d’une véritable reprise, à partir du T3.

Le cycle de productivité a atteint son point bas

La mise en œuvre des plans de relance au sein de la zone euro (et à l’échelle globale) devrait permettre une reprise légère (et temporaire) de l’activité à partir de l’été. La vigueur du stimulus mondial (cinq points de PIB mondial majoritairement dépensés à l’horizon des dix-huit prochains mois) ne devrait pas être sans effet sur les carnets de commandes des industriels européens. Après une chute sans précédent depuis la fin de l’été dernier, ceux-ci semblent s’être stabilisés (+1 point avril dans l’ensemble de la zone euro), nourrissant un léger regain d’optimisme dans l’ensemble des secteurs d’activité.

Nous pensons ainsi que le cycle de productivité européen devrait avoir atteint son point bas au T1, d’autant que les destructions d’emplois devraient désormais s’intensifier. C’est d’ailleurs ce que suggèrent les dernières enquêtes menées auprès des professionnels de l’ensemble des secteurs.

Quelles perspectives pour la demande intérieure ?

Alors que les premiers signes de rebond du commerce mondial apparaissent, nous pensons que l’activité restera durablement déprimée dans l’Union en raison de l’atonie persistante de la demande intérieure.

Les destructions d’emplois et la très forte remontée des taux de chômage dans l’ensemble des pays de la zone euro pèseront en effet sur le revenu disponible des ménages dont les choix d’allocation devraient en outre être favorables à l’épargne (motif de précaution, comportements Ricardiens…).

Liée dans une large mesure au processus désinflationniste actuellement à l’œuvre, la robustesse (très relative) des dépenses des ménages observée au premier trimestre 2009, en France et en Allemagne notamment, ne nous semble donc pas devoir durer au-delà de l’automne, lorsque les différents avantages fiscaux et sociaux des plans de relance ne feront plus effet.

Côté entreprises, nous conservons notre prévision de forte contraction de l’investissement à l’horizon des deux prochaines années. Les taux d’utilisation des capacités de production restent en effet au plus bas dans l’ensemble du secteur secondaire tandis que la dernière enquête menée par la BCE sur les conditions de crédit bancaire montre un durcissement continu des conditions de financement de l’investissement, parallèlement à un nouveau ralentissement de la demande.

Au final, nous révisons marginalement à la baisse notre prévision de croissance en zone euro en 2009 (de -3,8% à – 3,9%), en raison essentiellement des très fortes révisions baissières sur le second semestre 2008 en France. Le déstockage apparemment plus avancé et le poids des stabilisateurs (fiscalité, transferts sociaux, emplois publics et surtout commerce extérieur) permettraient toutefois à la France d’enregistrer une meilleure performance que la zone euro dans son ensemble (-2,6% en 2009).

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