Défaut : un retour sur 2011 et anticipations

par Eric Pictet, Directeur du bureau de Paris de Muzinich & Co

Nous venons de rentrer en 2012 et il semble intéressant de regarder quelles étaient nos prévisions de défaut pour 2011 et si elles ont été pertinentes. Il est par nature impossible de prédire l'avenir. Les prévisions de performances à court terme sont particulièrement délicates dans un environnement macro économique incertain.

Cependant, nous pensons que dans le haut rendement, nous pouvons évaluer avec une assez bonne précision la probabilité de défaut d'une société et par extension le pourcentage de défaut du marché dans son ensemble à horizon douze mois. Eviter les défauts est un élément clé de la performance quand on prend en compte le niveau élevé des coupons et le taux de récupération en cas de faillite qui est historiquement de 41%. Sur le long terme, c'est le coupon qui constitue l'élément le plus important de la performance.

C'est souvent un problème de liquidités qui entraine la faillite comme une échéance imminente que la société est incapable de refinancer. De temps en temps, une société peut également se déclarer en faillite pour des raisons stratégiques à l'exemple d'American Airlines récemment qui n'avait pas de pression immédiate. La décision a été prise car ses frais de structure étaient supérieurs à ceux de ses principaux concurrents. L'objectif était de faire pression sur les syndicats pour qu'ils acceptent une réduction du coût du travail. Par l'étude approfondie des sociétés, nous pouvons raisonnablement prédire quelle société risque d'avoir des problèmes de liquidités ou de refinancements dans l'année. Avant de rentrer dans nos anticipations de taux de défaut pour 2012 et 2013, comparons nos prédictions pour 2011 et ce qui est réellement arrivé.

2011

Pour 2011, nous prédisions un taux de défaut de 2% pour l'ensemble du marché et significativement plus bas pour les portefeuilles gérés par Muzinich. (Muzinich n'a enregistré aucun défaut en 2011). Ce faible pourcentage anticipé résultait de la bonne santé financière des entreprises, notamment de bilans sains et peu de maturités à refinancer. Depuis la crise de 2008, les sociétés ont vigoureusement allégé le levier dans leur bilan et sont allées sur le marché financier pour se refinancer. Selon les chiffres publiés par JP Morgan le 3 janvier, le taux de défaut ressort à 1.7% en 2011. A fin novembre, il était simplement de 1%. Durant les deux derniers mois de l'année 2011, le taux est monté à la suite de plusieurs faillites importantes (le plus important niveau depuis la crise) comme American Airlines ($4.1 milliards), Dynegy ($4.1 milliards), Newpage ($3.2 milliards) et Opti Canada ($2.6 milliards). Toutes ces faillites étaient anticipées par le marché comme le montre l'évolution du prix après l'annonce (…) Nous pensons que ces défauts sont liés à l'entreprise et non à une tendance générale. Durant tout 2011, les portefeuilles de Muzinich n'ont enregistré aucun défaut.

Deux défauts récents nécessitent un commentaire spécifique car ils ont fait défaut avant même le détachement du premier coupon. MF Global avait une note "Investment grade" par S&P le jour de sa déclaration de faillite et avait été simplement dégradée en "High Yield" par Moody's et Fitch quatre jours auparavant. Cet évènement souligne le fait de ne pas s'en remettre uniquement à la notation par une agence lorsqu'on évalue la solidité financière d'une entreprise. Cela souligne également la limite de la recherche lorsqu'on est confronté à un modèle de "boite noire". Les fonds manquants des investisseurs sont toujours recherchés par des inspecteurs fédéraux.

La mise en faillite d'American Airlines cherchait plus à amener autour de la table les syndicats. American Airlines est le plus petit et le plus faible parmi ses concurrents directs. Ses coûts de structure sont trop lourds par rapport à ses concurrents notamment celui du travail. Nous n'aimions pas le crédit car une flotte trop ancienne de MD 80 devenait trop lourd. Même si la faillite d'American Airlines n'était pas directement liée à une difficulté de refinancement, elle souligne l'importance de la recherche fondamentale.

Perspectives

Nous pensons que les perspectives de défauts demeurent favorables et qu'ils devraient rester inférieurs à 2% pour 2012 et 2013. En moyenne, les principaux établissements de Wall Street comme BofA, Morgan Stanley, Barclays, CSFB, Deutsche Bank, UBS et Citigroup anticipent un taux de défaut moyen de 2.8%. Le chiffre varie de 1 à 4% selon les établissements.

Même en cas de récession, la plupart des analystes pensent que les taux de défaut n'atteindront pas la moitié du chiffre de la précédente récession du fait du peu de besoin de refinancement pour la plupart des sociétés à haut rendement. Pour les "Leveraged Loans", nous anticipons le même scénario. Peu de ces papiers viennent à échéance en 2012 et 2013. Il est néanmoins difficile de prédire un taux car quelques anciens LBO pourraient volontairement choisir de se restructurer en 2012 et 2013. Une restructuration peut être considérée comme un défaut technique et donc amener le taux de défaut des "Leveraged Loans" plus haut. TXU est l'exemple type d'une société qui pourrait se restructurer dans les prochaines années. Comme TXU pèse 5% de l'univers, une restructuration impliquerait une hausse du taux à 5% pour les "Leveraged Loans" . Ce taux ne serait pas pour autant significatif de la santé réelle du marché.

Les portefeuilles de Muzinich

Nous pensons que les portefeuilles "High Yield" et "Loans" de Muzinich auront un taux de défaut largement inférieur à celui du marché grâce à notre recherche fondamentale. Le peu de besoin de refinancement (maturités imminentes) et les bilans sains des sociétés supportent cette anticipation. Les sociétés ont largement repoussé la maturité de leurs dettes.

Nos équipes américaines et européennes ont récemment revu tous leurs titres en portefeuille pour voir si un besoin de refinancement dans les deux ans était nécessaire. Seules quelques sociétés auront besoin de le faire. Ces cas sont largement dans la zone Euro ou associés à elle. Les sociétés ayant probablement le besoin de se refinancer représentent moins de 2% des fonds Americayield et Europeyield. Ces quelques cas ont des fondamentaux solides et des leviers financiers raisonnables dans leurs secteurs respectifs. Dans un marché normal, ces sociétés devraient pouvoir se refinancer. Nous pensons que l'annonce par la BCE en décembre de larges facilités de prêts aux banques a largement réduit le risque bancaire cette année et par extension le risque de refinancement de nos crédits. Néanmoins ces cas sont bien identifiés et nous continuons à suivre de près les développements en Europe.

En résumé, nous continuons d'anticiper des taux de défaut faibles. Même si nous pensons qu'il y aura quelques faillites, elles devraient principalement concerner des sociétés avec des bilans faibles et/ou un modèle ou des produits obsolètes. Les "spreads" actuels du BofA US HY anticipent un taux de défaut proche de 8%. Nous pensons que ce taux demeurera en dessous de 2%, ce qui suggère un excellent ratio risque/performance pour les investisseurs.