G8 : une transformation nécessaire

Le sommet du G8 – le groupe des sept pays les plus industrialisés auxquels est associée la Russie – qui s’est tenu au début du mois au Japon n’a pa

Le sommet du G8 – le groupe des sept pays les plus industrialisés auxquels est associée la Russie – qui s’est tenu au début du mois au Japon n’a pas apporté de réponse aux multiples crises qui secouent la planète : le système bancaire est fragilisé depuis l'explosion des subprimes, les cours de l'énergie atteignent des records et les prix des matières premières agricoles s'envolent. Ce sommet annuel est une manifestation qui permet aux "grands" de donner le spectacle d'une bonne entente entre eux et aux "altermondialistes" d'essayer de perturber ce show.

En clair, le G8 ne sert plus à grand chose. Une réforme est nécessaire pour le rendre efficace. Cela passe par sa composition. Club de démocraties à l'origine, le groupe a accepté la présence de la Russie après l'effondrement du bloc soviétique pour des questions d'image. Il fallait donner l'impression aux dirigeants russes qu'ils étaient toujours à la tête d'une grande puissance. Or, malgré sa puissance énergétique, la Russie ne pèse d'aucun poids pour résoudre les problèmes économiques de la planète. C'est même un élément perturbateur dans la mesure où ce pays n'hésite pas à jouer avec le "robinet" de gaz pour faire pression sur ses voisins. Si la Russie y est, pourquoi pas la Chine, qui est parmi les cinq premières économies mondiales ? Le Japon n'en veut pas pour des raisons historiques mais aussi parce que Pékin bloque ses velléités d'entrer comme membre permanent du conseil de sécurité des Nations unies. De toutes façons, à quoi cela servirait-il de transformer le G7 en un Conseil de sécurité bis ?

La solution, selon plusieurs experts des relations internationales, serait peut-être de revenir aux sources du G7 en n'intégrant que les puissances économiques (y compris émergentes) respectant les règles démocratiques de base. Dans ce cas, on pourrait intégrer des pays comme le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud. Ce G10 aurait plus de légitimité pour prendre des décisions sur les grands dossiers économiques et politiques. Quant à la Russie et à la Chine, elles ne pourraient entrer dans ce club qu'en donnant des gages de bonne conduite. On n’en pas pas le chemin. La récente décision de la Russie d'opposer son veto à un projet de résolution sur le Zimbabwe au Conseil de sécurité des Nations unies a suscité des interrogations au sujet de la "fiabilité" de Moscou en tant que partenaire des Occidentaux pour régler certains problèmes internationaux. L'ambassadeur américain à l'ONU, Zalmay Khalilzad, a accusé la Russie de volte-face en rappelant qu'elle avait approuvé le principe de sanctions lors du dernier sommet du G8, au Japon. Les dirigeants russes, qui cherchent à montrer que leur pays demeure une grande puissance et qui redoutent une exclusion du G8, ont évidemment rejeté les critiques. Dans leur déclaration commune, le 8 juillet, les membres du G8 avaient prôné "des mesures supplémentaires, notamment des mesures financières et autres, contre les individus responsables de violences" au Zimbabwe. Le nouveau président russe, Dmitri Medvedev, avait indiqué le lendemain que ce texte ne contenait aucune mesure concrète.

Cette polémique peut sembler subalterne dans la mesure où la Chine a, elle aussi, opposé son veto au texte sur le Zimbabwe. Mais personne n'attend vraiment une aide des autorités de Pékin sur les grands dossiers. La Chine est lancée dans une course à la puissance et cherche avant tout des accords lui permettant d'alimenter sa machine économique. La Russie, elle, prétend, avoir adopté un processus démocratique et partager les mêmes valeurs que les pays occidentaux. On constate sur chaque dossier sensible que ce n'est pas le cas. Le Conseil de sécurité étant paralysé, il faut donc d'urgence trouver une enceinte où ceux qui ont les mêmes valeurs puissent trouver des solutions à certains problèmes. Le G7 (sans la Russie donc) peut donc s'élargir à quelques pays comme l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud, qui sont des démocraties même si c'est imparfait. En outre, ces puissances économiques émergentes ont un poids croissant dans certaines zones. L'heure est donc venue d'une clarification. Une clarification est d’autant plus souhaitable que ceux qui, en Occident, acceptaient jusqu’ici de fermer les yeux sur les méfaits de certains régimes au motif que ceux-ci amélioraient les conditions de vie de leurs populations ont désormais des éléments qui montrent que la démocratie et la croissance économique vont de pair, y compris dans les pays pauvres. Le magazine américain Foreign Policy a eu une bonne idée en consacrant sa dernière édition à l'émergence de l'Inde. Sous le titre "Le prochain miracle asiatique", il souligne que grâce à sa tradition démocratique ce pays peut montrer à la Chine comment devenir une vraie superpuissance.

La plupart des dirigeants politiques et économiques occidentaux ont intégré l'idée que le XXIe siècle serait celui de la Chine. Celle-ci devrait dépasser les Etats-Unis en termes de PIB total vers 2030 voire même avant et devrait avoir le même PIB par habitant à l'horizon 2050, selon plusieurs experts. Bien entendu, des prévisions à une telle échéance sont sujettes à caution. Personne ne sait si le modèle chinois, qui est un mélange d'autoritarisme, de nationalisme et de libéralisme peut durer. D'ores et déjà, des révoltes agitent les campagnes (environ 10.000 par an, selon diverses estimations). L'opinion jusqu'ici était que la Chine progressait très vite grâce justement à son système politique autoritaire. Nombre de chefs d'entreprise expliquent que faire avancer un dossier y est beaucoup plus rapide que dans une démocratie comme l'Inde, où les multiples contre-pouvoirs locaux, régionaux et nationaux ralentissent énormément les choses. La Chine a adopté le modèle du Chili de Pinochet, une dictature qui a mis en place une économie libérale qui profitait à une infime minorité. Mais les pays démocratiques ont des atouts. Ainsi, pour rester en Asie, si la Chine a affiché un taux de croissance de 11,4% en 2007, l'Inde a atteint 9%. Un taux que le pays promet de renouveler cette année en dépit de la crise financière en Occident.

Le différentiel n'est pas neutre mais enfin tout indique que le système indien est plus stable. Car il est accepté par le plus grand nombre. Les dirigeants chinois expliquent qu'ils favorisent les mesures économiques les plus efficaces pour faire reculer la pauvreté. Le discours peut se résumer d'une phrase : "Enrichissez-vous et taisez-vous". En Inde, la population s'exprime. La presse est libre. Et si les élections sont certainement entachées de fraudes, l'alternance est une réalité. Si l'Inde parvient à poursuivre dans cette voie, les pays émergents ne pourront plus se dire qu'ils ont le choix entre la croissance et la démocratie, comme le résume Foreign Policy. C'est un message d'espoir.