Gestion de projet : les neuf leçons à retenir du programme Apollo

par Andrew Filev, CEO et Fondateur de Wrike

Tout le monde se souvient de Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins, les héros de la première mission lunaire de 1969, beaucoup moins des milliers d’ingénieurs et de techniciens sans lesquels rien n’aurait été possible. Ayant relevé le défi quasi surhumain d’envoyer un américain sur la Lune en moins d’une décennie, le programme Apollo est considéré par tous comme un remarquable exploit, mêlant audace et innovation technologique. Mais pour beaucoup de responsables de la NASA, son succès est d’abord dû à une gestion de projet parfaitement maîtrisée. De fait, neuf importantes leçons peuvent être tirées de la réussite du programme Apollo, que l’on peut appliquer à n’importe quelle gestion de projet d’envergure.

1 – Communiquer ouvertement avec toutes les parties prenantes

« Lorsque John Kennedy a prononcé son fameux discours devant le Congrès le 25 mai 1961, notre expérience de l’espace se limitait à 15 minutes de vol suborbital. » John M. Logsdon, Director of the Center for International Science and Technology Policy.

Dire que Kennedy ait fixé à la NASA un objectif ambitieux est un euphémisme. Pourtant, Robert Gilruth, Directeur du Centre des engins spatiaux habités à l’époque, a pris en compte le fait que lui et Kennedy travaillaient dans la même équipe, en bonne intelligence. Plutôt que d’entamer ses relations avec le Président sur un ton conflictuel, il a choisi une communication honnête et franche. Il lui a déclaré : « Je ne sais pas si cela est réalisable, mais voici précisément les ressources dont nous allons avoir besoin pour avoir les meilleures chances d’y parvenir. »

Donc quelle que soit la difficulté que représente la gestion des attentes de vos interlocuteurs, souvenez-vous que vous partagez tous le même objectif, et utilisez cette motivation pour vous concentrer sur le succès du projet.

2 – La planification est l’étape la plus importante

« Je savais ce qui devait être réalisé. Comment y parvenir en dix ans n’avait jamais été étudié avant le discours de Kennedy. Mais assez simplement, nous avons décomposé le programme en un certain nombre d’étapes. » Maxime A Faget, ingénieur en chef du module de commande et du module lunaire d’Apollo.

Face à un projet extraordinairement complexe, les responsables du programme Apollo l’ont découpé en une succession de grandes étapes : l’étape 1 consistait à atteindre la Lune, l’étape 2 à orbiter autour, l’étape 3 à y poser un engin non habité, et ainsi de suite. Tous leurs travaux ont été organisés et tous leurs progrès ont été mesurés à partir de ces grandes étapes. S’ils avaient fixé leur regard dès le départ sur l’objectif ultime – une mission lunaire complète, l’histoire aurait pu être très différente.

En dépit d’un calendrier extrêmement serré, les équipes de la NASA ont pris le temps nécessaire pour peaufiner le processus de planification, le considérant comme une opportunité pour elles de limiter les risques au maximum. Maxime Faget se souvient : « J’ai estimé que pour optimiser la gestion des risques, il fallait nous concentrer sur la conception du concept de base, en nous efforçant d’y supprimer le maximum de risques potentiels. »

Si vous êtes confronté à un calendrier très serré, vous pouvez être tenté de vous précipiter pour commencer le travail, c’est une erreur ! Faites une pause et commencez par planifier soigneusement votre projet, en prenant tous les risques en considération dès le départ, vous vous en remercierez plus tard !

3 – Mais n’ayez pas peur de modifier vos plans

« Nous étions là, toujours à 100 pieds d’altitude, et il nous restait moins d’une minute de carburant. » Buzz Aldrin, pilote du module lunaire.

Lors de la descente vers le site d’alunissage, l’ordinateur du module lunaire s’est trouvé débordé par la quantité de tâches à accomplir et de données à traiter, menaçant de se réinitialiser au milieu de la séquence. Armstrong et Aldrin se sont aperçus qu’ils allaient manquer leur cible, et allaient probablement heurter le bord d’un cratère à une vitesse excessive. Armstrong a alors repris le contrôle manuel du module lunaire, tandis qu’Aldrin lui communiquait les données d’altitude et de vitesse. Ils ont aluni avec succès avec seulement 25 secondes de fuel restant dans les réservoirs. Si Armstrong et Aldrin n’avaient pas agi, la salle de contrôle aurait probablement été obligée d’annuler la mission, et le premier pas sur la Lune d’Armstrong n’aurait jamais eu lieu.

Souvenez-vous que même les planifications les mieux conçues peuvent devoir être modifiées si les circonstances changent ou si de nouvelles opportunités se présentent. Ne soyez pas trop rigides dans vos processus, afin de pouvoir vous adapter soit pour sauver votre projet d’un désastre annoncé soit pour saisir une opportunité qui vous permettra de dépasser vos objectifs initiaux.

4 – Tenez compte des risques, mais ne les laissez pas freiner vos ambitions

« Nous avions fait tout ce que nous pouvions faire dans les limites de nos connaissances. Nous n’avions peur d’aucune des inconnues rencontrées au cours du programme. Nous ne savions pas ce que nous pouvions faire d’autre pour éliminer les risques qui restaient, donc il était temps pour nous d’y aller. » Christopher C Kraft, Jr. Directeur des opérations de vol. La mission Apollo 11 a été sans doute l’une des réalisations les plus risquées dans l’histoire humaine. De pannes techniques aux erreurs humaines, beaucoup de choses auraient pu mal tourner – et l’ont fait. Mais sans une reconnaissance et une planification de ces risques, le succès n’aurait jamais pu être au rendez-vous.

La NASA a traité les risques en les regardant en face et en se demandant constamment Et si ? La mise en place de procédures de sauvegarde ont permis qu’il y ait toujours un plan B. Par conséquent soyez proactif dans la reconnaissance et la gestion des risques pour vos propres projets. Identifiez les situations qui pourraient faire trébucher votre équipe et planifiez les – mais ne laissez pas un niveau de risque acceptable vous empêcher d’aller de l’avant. Une autre stratégie de gestion du risque adoptée par la NASA : entraîner les équipes et leur donner les moyens de prendre de bonnes décisions et de régler les problèmes à la volée. Howard Tindall indique : « Je pense que l’un des plus grands facteurs qui ont contribué à la réduction du risque a été le nombre extraordinaire de séances d’entraînement que nous avons effectuées. Cela nous a réellement sauvé la mise en de nombreuses occasions parce qu’il n’y a pas eu une seule mission où nous n’avons pas rencontré de problèmes graves. Le fait est que les équipes pouvaient les traiter parce qu’ils avaient été entrainés et savaient déjà comment les résoudre. »

5 – Faites de la communication au sein de vos équipes un élément stratégique

« L’un des plus grands défis que nous avons eu a été la communication et la coordination au sein des équipes. » Owen Morris, Ingénieur en chef et Responsable du module lunaire.

Les responsables du programme Apollo ont dû s’adapter à des situations très différentes, de la gestion de petits projets impliquant des petites équipes de collègues qu’ils connaissaient bien à la gestion de milliers de personnes qu’ils n’avaient jamais rencontrées. Coordonner un effort aussi massif a nécessité des communications constantes afin d’éviter des erreurs. La solution qu’ils ont trouvée a été d’identifier cinq priorités centrales et de les décliner à tous les niveaux de l’organisation. Toutes les équipes étant alignées sur ces cinq priorités, la communication et la discipline sont devenues infiniment plus simples. Les chefs d’équipe se sont également réunis toutes les deux ou trois semaines pour coordonner leurs efforts, discuter des progrès réalisés, expliquer les problèmes en cours et travailler ensemble pour les résoudre. A aucun moment la moindre équipe n’a pas été informée de ce que faisaient les autres groupes, et du support dont ils avaient besoin.

Le manque de communication est souvent cité comme la première cause d’échec des projets, donc adoptez une approche proactive. Ne prenez pas pour acquis que la communication entre les chefs d’équipe va se mettre en place d’elle-même, et que tous adopteront les mêmes priorités. Créez un plan fixant la façon dont les membres de votre équipe vont communiquer entre eux et avec vous, et faites le point fréquemment pour offrir votre support, clarifier les tâches les plus prioritaires, et vérifier que les processus fonctionnent correctement.

6 – Déléguez !

« Un autre aspect extraordinaire du programme Apollo était la façon dont les choses étaient déléguées aux échelons inférieurs. Les responsabilités de la NASA étaient déléguées à des gens qui ne savaient pas de prime abord comment exécuter ces tâches, et étaient pourtant censées découvrir comment y parvenir. » Howard W Tindall Jr, Coordinateur Mission Technique. Déléguer à des gens qui n’ont aucune expérience de la tâche à accomplir peut sembler un non-sens, mais c’est quelque chose que les responsables des projets Apollo ont activement encouragé – en fait, l’âge moyen de l’équipe des Opérations ne dépassait pas 26 ans, la plupart de ses membres sortaient tout juste de l’Université. La NASA soumettait à quelqu’un un problème et il était libre de le traiter comme il l’entendait. Les résultats obtenus parlent d’eux-mêmes.

Par conséquent, bien qu’il soit tentant de confier des tâches importantes uniquement à des membres de votre équipe possédant une réelle expérience, cela peut ne pas être la solution idéale. Bien sûr, vous ne devez pas affecter une tâche stratégique à un malheureux employé lambda, mais avec un support approprié, des yeux neufs et des esprits curieux peuvent découvrir les solutions les plus innovantes pour résoudre un problème donné, ou trouver des moyens efficaces pour améliorer des méthodes ou processus vieillissants.

7 – Apprenez de vos erreurs

« Lorsque nous avons eu l’incendie (sur Apollo 1), nous avons fait un pas en arrière et nous avons dit OK, quelles leçons avons-nous tiré de cette horrible tragédie ? Maintenant soyons doublement sûrs de faire les choses correctement la prochaine fois. Je pense que cette attitude nous a permis de respecter l’objectif du programme avant la date limite. » Christopher C Kraft, Directeur des opérations de vol.

Le programme Apollo a accueilli certains des esprits les plus brillants dans le monde, et malgré cela personne au sein des différentes équipes n’a renié ses erreurs. L’analyse et la prise en compte de l’ensemble des erreurs sont restées au centre des processus, d’un bout à l’autre de l’organisation. Les erreurs étaient simplement pour tous une opportunité pour apprendre et s’améliorer. Suivez leur exemple en procédant à des bilans régulièrement tout au long de votre projet, plutôt que d’en faire un seul à la fin. Collectez les leçons apprises à chaque réunion d’étape pour adapter vos procédures au fur et à mesure, et donnez l’exemple vous-même afin que votre équipe sache qu’il est possible de discuter librement d’erreurs et de blocages sans être stigmatisé pour autant. Votre équipe n’en sera que plus forte.

8 – Célébrez les succès de toute l’équipe

« Nous souhaitons remercier chaleureusement tous les américains qui ont réalisé cet engin spatial, qui ont contribué à sa construction, à sa conception, aux tests, et mis toutes leurs compétences et tout leur cœur dans sa mise au point. A toutes ces personnes ce soir, nous adressons un grand merci. » Neil Armstrong, déclaration télévisée en orbite, le 26 juillet 1969.

Les astronautes ont saisi toutes les opportunités pour attirer l’attention du monde sur les efforts des autres membres du programme restés sur la terre ferme.

Lorsque vous délivrez un projet réussi un groupe d’interlocuteurs heureux, n’oubliez pas de partager leurs remerciements avec le reste de votre équipe. Transmettez les félicitations et les preuves de succès au reste du groupe, reconnaissez l’excellence de leur travail et n’oubliez pas de transmettre de petits messages de remerciements tout au long du projet pour motiver vos troupes.

9 – Assurez-vous que vos succès puissent être renouvelés

« Un responsable doit vraiment croire en son équipe, être sûr que tous ses membres feront ce qu’on attend d’eux, et trouver des moyens de les mettre au défi. » Maxime A Faget, Ingénieur en chef du module de commande et du module lunaire Apollo.

Lorsqu’un de vos projets a été couronné de succès, comment faire pour que ce succès puisse être renouvelé par la suite ? D’après les responsables du programme Apollo, chaque projet pour réussir a besoin de trois choses : La première est une image claire de la direction que prend le responsable du projet et de ce qu’il peut accomplir pour motiver son équipe. Deuxièmement : un engagement complet du responsable du projet de telle sorte que son équipe bénéficie de tout le support dont il a besoin pour exécuter ses tâches. Et enfin, une date limite ou un objectif à atteindre afin que tous restent concentrés sur les tâches les plus prioritaires.

Si ces trois éléments sont acquis au départ de chacun de vos projets, vous serez sur la route du succès.