Interdépendance des marchés du carbone et de l’énergie : l’exemple de la volatilité

par Maria Mansanet-Bataller, de la Mission Climat de la Caisse des Dépôts

Depuis sa création, l’intérêt d’étudier le marché européen du CO2 du point de vue financier s’est accru de manière considérable. De nombreux articles ont été publiés, portant sur la relation entre prix au comptant et à terme des quotas (EUA), les déterminants des prix du CO2 ou encore sur les liens de causalité avec d’autres variables énergétiques.

La négociation de contrats de plus en plus structurés a rendu indispensable la mise au point d’outils techniques spécifiques d’évaluation afin de faciliter l’optimisation des portefeuilles d’actifs ainsi que la gestion des risques. Dans cette optique, deux éléments principaux doivent faire l’objet d’une analyse : d’une part la volatilité des contrats à terme d’EUA, d’autre part la transmission de cette volatilité vers et à partir d’autres marchés.

La volatilité peut être calculée comme une constante sur une période donnée.

Ainsi, en 2008, cette volatilité dite « inconditionnelle » a atteint 38 % pour le CO2, 49 % pour le pétrole et 59 % pour le gaz naturel. Ceci dit, la volatilité inconditionnelle ne suffit pas à fixer le prix des instruments dérivés, et notamment des contrats d’options. Pour ces derniers, il est en effet nécessaire d’estimer une volatilité quotidienne afin d’évaluer de manière satisfaisante le prix du contrat. Cette volatilité est connue sous le nom de « volatilité conditionnelle ». Son étude nous permet également de calculer sa transmission d’un marché donné à un autre – par exemple entre les marchés de l’énergie et ceux du carbone.

Les variations du prix de l’énergie ont des répercussions sur les variations du prix du CO2 dans la mesure où elles constituent des éléments fondamentaux de l’équilibre offre-demande. Par conséquent, la volatilité de l’énergie peut également avoir un impact sur celle du CO2. La modélisation économétrique de la volatilité conditionnelle des prix du CO2, du pétrole et du naturel, permet d’aboutir aux trois résultats suivants :

  • Il existe une transmission bidirectionnelle de la volatilité entre les marchés du CO2 et du pétrole : des niveaux de volatilité élevés dans le passé sont liés à des niveaux de volatilité élevés dans le présent ;
  • La volatilité passée du gaz naturel a des répercussions sur celle du CO2 et du pétrole, mais à l’inverse le gaz naturel est peu touché par ces derniers. Il s’agit d’un marché beaucoup plus indépendant que celui du CO2 et du pétrole.
  • La volatilité actuelle du pétrole dépend de la volatilité passée et non pas de nouvelles informations relatives aux marchés. À l’inverse, la volatilité du gaz naturel répond davantage à des événements non prévus survenant sur son propre marché, notamment à des ruptures d’approvisionnement ou à une modification des réserves et des stocks.

Compte tenu de ces résultats, on peut affirmer que le marché du gaz est essentiellement « régional », alors que ceux du CO2 et du pétrole sont par nature plus « internationaux ».

Les différences constatées en termes de réactions des marchés s’expliquent d’abord par un certain degré de substituabilité entre pétrole et gaz naturel. Par ailleurs la transmission de la volatilité énergie-CO2 peut s’expliquer par le fait que ces marchés s’appuient sur des informations comparables et que la volatilité est liée au débit du flux d’information. Les EUA témoignent ainsi d’un certain degré de complémentarité avec variables énergétiques, à la différence de la substituabilité précédemment observée entre pétrole et gaz naturel.