La Fed veut en finir avec la crise

par Philippe Waechter, directeur de la recherche de Natixis Asset Management

Dans son communiqué de presse, la Fed a indiqué 4 points importants

– Le taux des Fed funds qui se situe dans une fourchette [0 – 0.25 %] sera maintenu à ce niveau pour une période prolongée (et non plus pour un "bon moment").
– Le montant des produits titrisés émis par les agences Freddie Mac et Fannie Mae a été augmenté de façon significative passant de 500 milliards de dollars à 1250 milliards. L'achat de dette de ses agences passe de 100 à 200 milliards.
– La Fed va acheter des obligations d'Etat pour un montant de 300 milliards de dollars au cours des 6 prochains mois. – La gamme des collatéraux éligibles au TALF va être étendu. (L'objectif du TALF est de raviver le marché du crédit via le marché des ABS).

La Fed de New York a précisé que le programme d'achat commencerait la semaine prochaine et porterait sur des titres d'échéance de 2 à 10 ans nominaux et indexés. Deux à trois opérations auront lieu par semaine.

Quatre remarques
  •  En indiquant qu'elle maintiendra le taux des Fed funds à un niveau très bas pendant une période prolongée, la Fed indique implicitement qu'elle souhaite maintenir la structure des taux à un niveau très bas pendant une période prolongée. La période prolongée pourrait aller au moins jusqu'à la fin 2010.
  •  La Fed veut faire tout ce qui est en son pouvoir pour stabiliser le marché immobilier. Pour cela elle apporte de la liquidité sur le marché des produits titrisés des agences Freddy Mac et Fannie Mae. En rendant ce marché plus liquide elle facilite la réduction des taux d'intérêt hypothécaires.
  •  Cette opération est renforcée par les achats d'obligations du Trésor. L'objectif est là aussi de peser sur les taux du marché hypothécaire. On observe sur les deux graphiques, qui traduisent deux régimes distincts, qu'il y a une cohérence forte entre les deux marchés. En tirant les taux obligataires vers le bas, la Fed souhaite faire de même pour les taux hypothécaires. En agissant de la sorte, la Fed complète le programme sur l'immobilier de l'administration Obama. Le refinancement se fera à un taux plus bas et la restructuration de la dette des ménages menacés de saisie sera facilitée en raison de taux durablement plus bas (cf. période prolongée).
  • L'objectif de peser sur l'ensemble de la courbe des taux reflète aussi probablement une volonté de la part de la Fed de lutter contre un risque de déflation. Le manque de tensions sur l'appareil productif, tel que cela peut ressortir des taux d'utilisation des capacités de production, peut effectivement être préoccupant. Les taux bas doivent inciter les acteurs économiques à limiter le report dans le temps de leurs dépenses. En agissant de la sorte, l'activité peut être favorisée à court terme.
Cinq commentaires
  •  Le bilan de la Fed va augmenter de façon spectaculaire. La situation peut le justifier et l'on aura tout le temps après de s'interroger sur son impact. L'important à court terme est de soutenir l'activité par tous les moyens pour éviter un dérapage excessif du taux de chômage. Car l'enjeu est là. Une fois ce risque écarté, il faudra prendre la mesure de ce qui a été fait. De ce point de vue, les alertes qui ne vont pas manquer de se manifester sur les risques d'inflation sont prématurées.
  • Sa volonté d'intervenir davantage sur le marché immobilier suggère que la Fed considère que le point bas du marché immobilier n'est pas forcément très loin. On ne peut effectivement exclure que dans les tous prochains mois, le marché immobilier US touche son point bas, au moins au regard des volumes; le rééquilibrage des prix venant un peu plus tard.
  • Cette situation permettrait l'amélioration de la situation des banques car une partie des actifs cesserait de se dévaloriser.
  • Cet activisme de la banque centrale américaine reflète aussi son indépendance vis-à-vis du Trésor américain. Cela peut traduire aussi une meilleure complémentarité des actions des deux autorités.
  • Le dernier constat est l'activisme extraordinaire des autorités américaines. Ils partent du principe que l'impact des politiques économiques n'est probablement jamais aussi fort qu'attendu mais que l'inaction observée par l'administration Hoover a transformé le krach financier de 1929 en une dépression.

C'est peut être de cet activisme américain que les européens devraient aujourd'hui s'inspirer car plus personne ne doute aujourd'hui qu'en dépit des stabilisateurs en place dans l'économie européenne, le repli de l'activité sera bien plus fort sur le vieux continent qu'aux Etats-Unis. Cà c'est un vrai problème qui continuera de semer le trouble en 2010 en Europe.