La récession est finie… mais attention à l’euphorie

par Philippe d’Arvisenet, chef économiste de BNP Paribas

Après une nouvelle contraction, certes limitée du PIB au deuxième trimestre (-1% en rythme annualisé), un net rebond est attendu au troisième, avec un rythme de croissance qui pourrait atteindre les 3,5%. Tel est le message véhiculé par les indicateurs, tel l’ISM manufacturier. A 52,9 en août, ce dernier s’inscrit désormais au-dessus de la frontière des 50 qui sépare expansion et contraction.

La composante production s’est, pour sa part, élevée à 61,9 et la composante nouvelles commandes à 64,9. Cela indique clairement que le déstockage massif observé dans les derniers trimestres est arrivé à son terme et va cesser d’amputer la croissance. Le secteur de la construction résidentielle donne des signes de stabilisation, avec notamment une reprise des mises en chantier à partir, il est vrai, d’un très bas niveau.

C’est la conséquence de la conjonction de la chute des prix, du bas niveau des taux et de la mise en œuvre de mesures de soutien en faveur des primo accédants. C’est là encore un élément qui pesait négativement sur l’activité qui disparaît. Le dispositif d’encouragement à la vente de véhicules neufs a contribué à un vif rebond des ventes au détail en août (+2,7%).

Après une embellie de quelques trimestres, plusieurs facteurs devraient conduire à un essoufflement de la croissance. D’abord, les effets de la politique budgétaire expansionniste s’atténueront progressivement dans le courant de l’an prochain (sauf à imaginer un nouveau plan de soutien conjoncturel), ensuite, la dégradation du marché du travail n’est pas achevée, l’emploi est une variable retardée du cycle, son évolution pèsera sur la formation des revenus. Il en ira de même des salaires appelés à poursuivre leur modération sous l’effet de la hausse du taux de chômage. Plus encore, le rebond de l’indice des prix à la consommation, consécutif à la disparition des effets de base favorables, liés à la chute des prix du pétrole observée au second semestre 2008, va comprimer le pouvoir d’achat des salaires réels. Il n’est pas étonnant qu’en dépit de son redressement récent (70,2 en septembre pour l’indice de confiance de l’Université du Michigan) la confiance des particuliers reste inscrite très en deçà de sa moyenne historique (86,7). Dans ces circonstances, et compte tenu du souci des ménages de corriger leur bilan marqué par un endettement excessif, on ne peut compter sur un recours accru au crédit pour alimenter les dépenses de consommation. Le niveau élevé des marges de capacité inutilisées n’est pas, pour sa part, de nature à faire revenir rapidement l’évolution de l’investissement en territoire positif.

Au total, après une baisse du PIB de 2,6% en 2009, l’accélération de l’activité ne devrait pas être suffisamment soutenue pour amener la croissance de 2010 (1,6%) au-dessus de son potentiel de longue période, contrairement à ce que l’on observait traditionnellement au sortir d’une récession.

Dans la zone euro, l’activité s’est stabilisée au deuxième trimestre (-0,1%), avec cependant de fortes disparités entre pays (+0,3% en France et en Allemagne mais -0,5% en Italie et -1,1% en Espagne). Les indicateurs conjoncturels, tel le PMI manufacturier (48,2 en août), se sont redressés et conduisent à attendre une amélioration au trimestre mais plus timidement qu’aux Etats-Unis, les ventes au détail restent très hésitantes (stables en juin, en recul de 0,1% en juillet), et la production industrielle n’a pas encore rebondi (-0,2 en juillet, -0,3 en août contre 1% et 0,8% aux Etats-Unis). En 2010, on retrouvera dans la zone euro nombre de facteurs déjà mentionnés pour les Etats-Unis, incidence moins marquée des plans de relance, baisse des salaires réels sous l’effet de la remontée des indices de prix, et poursuite de la détérioration du marché du travail à un rythme vraisemblablement plus marqué qu’aux Etats-Unis où l’ajustement des effectifs au cycle a été nettement plus rapide. L’emploi s’est contracté de 3,1% en glissement annuel au premier trimestre aux Etats-Unis contre -1,3% en zone euro. Alors qu’en dépit de la récession les Etats-Unis connaissent une évolution positive des gains de productivité (1% en glissement annuel au T1 et 1,8% au T2), ceux-ci affichaient un net retrait dans la zone euro (-3,6% au T1). Le rattrapage qui, en conséquence, est devant nous augure mal une stabilisation du taux de chômage avant 2010.

Au total, après une contraction du PIB de 3,8% cette année, la croissance attendue pour 2010 ne devrait pas dépasser 1%.

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