Le pessimisme devient très consensuel

par Jean-Marie Mercadal, directeur général adjoint en charge des gestions chez OFI AM

Le choc boursier de ces dernières semaines a été violent et fait craindre le pire, à savoir une « crise systémique ». Ce scenario est désormais très largement répandu…

Dans la période actuelle, notre travail de conseil en allocation d’actifs est très difficile. Nous savons évaluer les classes d’actifs les unes par rapport aux autres et construire des stratégies d’investissement en fonction des prévisions économiques et de l’évolution des taux d’intérêt. En revanche, nous avons du mal à identifier l’ampleur des chocs de confiance et des violentes ruptures boursières qu’ils provoquent.

Dans ces cas là, il n’est pas évident d’avoir une vue rationnelle de construction de portefeuille tant le pessimisme domine tout. Et il est vrai que les sujets de préoccupation ne manquent pas (même s’ils ne sont pas nouveaux) :

  • Comment financer les énormes dettes publiques ? Les gouvernements ont perdu la confiance des populations et des investisseurs car leurs politiques ne sont pas crédibles : il est impossible de soutenir la croissance tout en établissant des budgets d’austérité. Dans ces conditions, un cercle vicieux négatif peut se mettre en place : maintien d’un chômage élevé, épargne de précaution, réduction de l’investissement des entreprises… Bref, moins de croissance et, probablement, pas de réélection pour les gouvernements en place dans un agenda électoral chargé aux Etats-Unis, en France, en Allemagne…
  • Quelle issue pour la zone Euro ? Les mécanismes au sein de la zone euro fonctionnent tellement mal que la fin de la monnaie unique est désormais un scenario crédible, mais il n’est pas le plus probable à notre avis. Et cela prendra du temps car les peuples ne sont pas encore prêts à admettre « les Etats-Unis d’Europe », seule issue réellement viable pour notre monnaie commune. Alors, sortie de la zone euro de l’Allemagne et de ses voisins, exclusion de la Grèce… Tout semble possible et les marchés détestent l’incertitude.
  •  Le commerce international. Les relations risquent de se durcir, mettant fin à une vingtaine d’années de total libre échange mondial qui a largement profité aux grandes entreprises. Pourquoi accepter désormais un yuan chinois si faible au prix de nos emplois ? Comment réguler les flux de capitaux ?… La gouvernance mondiale souhaitée après les dures années 2008/2009 n’a toujours pas réellement vu le jour. Nous sommes donc à un moment où le pire semble tellement clair qu’il ne peut être que certain. Il convient d’en être conscient, mais de rester méfiant : historiquement, c’est souvent à ces moments là qu’il faut investir. Et il y a quand même quelques raisons de garder le moral !
  • Les valorisations : les actions « intègrent » déjà un scénario de récession. Les valorisations atteintes (surtout sur les grandes valeurs européennes) sont les plus basses de ces 25 dernières années (PER, dividendes, prix/valeurs d’actifs…). Certes, ce qui n’est pas cher peut le rester ou devenir encore moins cher ! Mais, parallèlement, les actifs sûrs sont très chers (monétaire, obligations allemandes et américaines, l’or…). De même, les obligations « High Yield » retrouvent de l’attrait après leur vive correction de l’été avec un rendement offert proche de 10 %.
  • Les Banques Centrales. La Fed a décidé, semble-t-il, de tout mettre en œuvre pour sauvegarder la croissance et l’emploi, au prix d’une politique volontariste non orthodoxe. La BCE semble s’y mettre. Si bien qu’aujourd’hui, les taux réels sont négatifs et on verra plus tard si la création monétaire finit par être inflationniste.
  • Les indicateurs de sentiment : ils sont à leurs plus bas niveaux depuis mars 2009.

En conclusion, voici les clés que nous pouvons vous donner pour investir : les actifs « sécurisants » sont chers et les actifs risqués ne sont pas chers, mais incertains. Vous devez donc vous déterminer en fonction de deux paramètres : votre intime conviction et l’horizon de temps. Si vous pensez que « le système » ne va pas imploser, il faut investir en gardant à l’esprit que vous devez vous donner du temps et le faire progressivement car les prochains mois risquent encore d’être agités. Dans ce cas, les actions et les obligations « High Yield » sont à privilégier. Si vous pensez que la situation est explosive, restez en monétaire ou en obligations gouvernementales des pays forts (Allemagne). Si vous hésitez, il y a un actif très intéressant au caractère mixte qui retrouve beaucoup d’attrait aujourd’hui après les corrections de l’été : les obligations convertibles.