S&P dégrade l’Italie…

par Cédric Thellier, économiste chez Natixis

Après avoir mis la note souveraine de l’Italie sous perspective négative en mai, Standard and Poor’s vient de la dégrader d’un cran, de A+ à A. L’agence de notation demeure sourde au plan de consolidation budgétaire de près de 60 milliards EUR tout juste voté par le Parlement visant à effacer le déficit public à horizon 2013, préférant répéter ses craintes quant à la croissance du PIB et à la situation politique.

S’il est clair, d’une part, que l’économie italienne pâtira de ce frein supplémentaire dans un contexte de ralentissement de l’activité mondiale et de concomitance des politiques de rigueur en zone euro, et d’autre part que l’objectif d’équilibre budgétaire en 2013 paraît excessivement ambitieux, l’essentiel pourrait néanmoins être préservé : éviter une divergence de la trajectoire de dette publique, avec une stabilisation à court terme, probablement dès 2013.

Face à l’envolée brutale des taux souverains début juillet, le gouvernement Berlusconi avait réagi en annonçant un nouveau plan de consolidation budgétaire visant à anticiper l’objectif d’équilibre budgétaire à 2013, contre 2014 prévu initialement. Malgré les faibles marges de manœuvre du gouvernement, il est toutefois notable que ce plan a été rapidement adopté par le Parlement, cinq semaines à peine après son annonce et en dépit d’amendements et de discussions, voire de rétropédalage au sein même de la majorité.

L’instabilité politique soulignée par S&P ne semble donc pas avoir empêché les dirigeants italiens de réagir et de faire montre d’un volontarisme politique fort quant au renforcement de la maîtrise des finances publiques (pressé également par la BCE qui demande des gages en échange de ses achats de titres de dette publique, probablement pour près de 50 mds EUR depuis début août, via la réactivation de son programme SMP) ; au détriment de la croissance, cependant.

En effet, après le rebond enregistré au deuxième trimestre (+0,3% T/T), l’économie italienne pourrait désormais stagner, tandis que nous n’écartons pas un recul de l’activité au T3, après un nouveau mauvais chiffre de production industrielle pour le mois de juillet (-0,7% m/m). Au total, nous tablons sur une progression du PIB en volume de 0,6% cette année et 0% l’an prochain, tandis que le gouvernement, même après révision à la baisse, table encore sur 0,6% pour 2012. C’est sur ces chiffres optimistes que sont appuyées les projections de déficit public, à 1,6% du PIB l’an prochain. Nous tablons pour notre part sur un solde négatif de l’ordre de 3%, qui n’alourdirait cependant que modérément la dette publique.

Les marchés se focalisent aujourd’hui sur le stock de dette qui atteint près de 120% du PIB, soit deux fois la limite fixée par Maastricht. Néanmoins, rappelons une nouvelle fois que le solde primaire (avant paiement des intérêts de la dette) structurel (hors effet du cycle de croissance) est traditionnellement excédentaire depuis 1992. De ce point de vue, la santé des finances publiques italiennes est moins dépendante des performances de croissance que nombre de pays européens, en difficulté ou même mieux notés, y compris AAA.

En termes de perspectives, le déficit permettant de stabiliser la dette publique (%dette x %croissance nominale) sera vraisemblablement de l’ordre de 2 – 2,5% en 2012 et 2013. Or, compte tenu des efforts de consolidation structurelle liés au plan mais aussi de l’effet négatif de la composante cyclique du fait de la moindre croissance et enfin de l’évolution de la charge d’intérêts, le déficit total serait encore selon nous proche de 3% en 2012 et 2,5% en 2013. En conséquence, la dette publique rapportée au PIB croîtrait de 1 point en 2012, à 121%, avant de se stabiliser en 2013 sur ce niveau.

En conclusion, il nous semble que la décision de S&P de dégrader la note souveraine italienne d’un cran n’est pas une surprise dans la mesure où les perspectives de croissance se sont assombries depuis la mise sous surveillance en mai dernier. L’agence semble néanmoins sourde au volontarisme affiché par le gouvernement en vue d’assainir les finances publiques, via le nouveau plan de consolidation budgétaire voté la semaine dernière. Si nous dénonçons la menace supplémentaire que fait peser la réduction trop forte et trop rapide du déficit budgétaire sur une croissance déjà atone, tandis qu’un objectif de simple stabilisation de la dette publique aurait sans doute été préférable afin de préserver l’activité, les craintes des investisseurs et des agences quant au risque (essentiellement autoréalisateur) de divergence de la trajectoire de l’endettement public italien nous paraissent largement excessives, inhérentes à la résolution de la crise grecque.

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