Fed : Un nouveau coup de pouce qui laisse en proie au doute

par Hélène Baudchon, économiste au Crédit Agricole

Comme attendu, la Fed a annoncé, à l’issue du FOMC des 20 et 21 septembre, de nouvelles mesures de soutien à la croissance sous la forme d’une augmentation de la maturité moyenne des titres à son bilan, opérant un twist entre la vente de titres courts et l’achat de titres longs. D’ici juin 2012, elle va ainsi acheter pour 400 milliards de dollars de titres longs. Cette action s’inscrit dans une démarche préventive face aux risques baissiers significatifs qui pèsent sur la croissance. Des doutes subsistent néanmoins quant au succès de cette nouvelle opération Twist.

A l’issue du FOMC des 20 et 21 septembre, la Fed a annoncé comme attendu de nouvelles mesures de soutien à la croissance. Cette fois-ci, elle a opté pour une augmentation, non pas de la taille de son bilan, mais de sa maturité moyenne, avec toujours pour objectif direct de peser sur les taux d’intérêt longs afin de rendre plus accommodantes les conditions financières globales et, in fine, de faire revenir l’appétit pour le risque, le tout pour soutenir la croissance. Elle n’a, en revanche, pas annoncé de réduction du taux sur les réserves excédentaires, réservant peut-être cette munition pour plus tard si nécessaire.

L’augmentation de la duration de son portefeuille est obtenue en procédant à une forme d’échange (le fameux twist de l’opération du même nom), entre la vente de titres courts dont le produit va financer les rachats de titres longs. La Fed a annoncé qu’elle allait ainsi racheter, d’ici juin 2012, pour 400 milliards de dollars de titres longs (du 6 ans jusqu’au 30 ans). La distribution des achats est ainsi répartie : un petit tiers sur le 6-8 ans ; un autre petit tiers sur le 8-10 ans ; pas tout à fait 5% sur le 10-20 ans ; un petit 30% sur le 20-30 ans ; la somme restante étant allouée à l’achat de TIPS. Les titres courts vendus (environ les trois quarts de son portefeuille) sont d’une maturité inférieure ou égale à 3 ans.

C’est un montant un peu supérieur aux attentes. Par souci de bien faire (surprendre positivement par l’ampleur de la réponse et, ce faisant, rassurer), la Fed prend néanmoins aussi le risque de plus inquiéter qu’autre chose, dans la mesure où l’ampleur de la réponse révèle aussi l’ampleur du problème.

Cette opération Twist s’apparente à du quantitative easing mais à taille de bilan inchangé, évitant ce faisant les problèmes potentiels associés à une nouvelle expansion. Si elle évite cet inconvénient supposé, un autre le remplace : l’allongement de la maturité des titres qu’elle détient va en effet compliquer sa stratégie de sortie puisqu’elle pourra moins compter sur un dégonflement automatique, passif de son bilan à mesure que les titres arrivent à maturité. Si elle veut réduire vite son bilan, il lui faudra revendre les titres accumulés. Or, pour ne pas déstabiliser le marché, cela devra se faire au compte-goutte Son bilan n’e7st pas près de revenir à sa taille initiale d’avant-crise.

Soucieuse d4 es frictions sur le marché hypothécaire, elle a également apporté une modification surprise à sa politique de réinvestissement : désormais, le produit des titres des agences arrivant à maturité servira à racheter le même genre de titres et non plus des obligations du Trésor.

Ces nouvelles mesures sont justifiées par un regard bien plus inquiet sur les perspectives de croissance : la Fed qualifie en effet, désormais, de significatifs les risques baissiers qui pèsent sur la croissance et précise que les tensions financières globales n’y sont pas étrangères. La démarche de la Fed est clairement préventive dans la mesure où la conjoncture ne s’est certes pas améliorée depuis début août mais elle ne s’est pas non plus détérioriée. La croissance reste lente ; les créations d’emplois faibles; le taux de chômage élevé. La Fed s’attend toujours à une certaine accélération de la croissance à l’horizon des prochains trimestres et à une baisse seulement graduelle du taux de chômage vers l’objectif de plein-emploi.

Ce qui a poussé la Fed à l’action, c’est l’accroissement des risques baissiers autour de son scénario central inchangé. A noter que ce passage à l’acte n’a pas été une décision unanime, les trois membres dissidents (les mêmes qu’en août) ne soutenant pas, à ce stade, un nouvel assouplissement monétaire. La nécessité d’un nouveau coup de pouce ne fait pourtant guère de doute : c’est son efficacité qui pose question dans la mesure où ce n’est pas le niveau des taux qui pose problème aujourd’hui mais la mauvaise (voire l’absence de) transmission de ce bas niveau de taux à l’activité. Mais la Fed doit montrer qu’elle fait quelque chose, et, c’est toujours mieux que rien.

Malheureusement, la réaction à chaud des marchés (chute des indices boursiers, baisse du pétrole, appréciation du dollar) n’a pas été celle escomptée, en dehors de la baisse des taux longs, et encore, puisque même celle-ci est le signe de plus d’aversion au risque. Les marchés sont restés sur l’inquiétude manifeste de la Fed au lieu d’être soulagés par les mesures prises pour y répondre. Il est à espérer, que, à mesure qu’ils intègreront les effets positifs potentiels de l’opération, ils se redresseront car l’impact positif sur la croissance passe par l’amélioration des conditions monétaires et financières. Sans cette dernière, le petit plus attendu sur la croissance pourrait se transformer en gros moins.

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