Le protectionnisme ne suffit pas

En quelques jours, le débat en France s’est porté sur le protectionnisme avec la question du renouvellement de la flotte d’Air France-KLM.

En quelques jours, le débat en France s’est porté sur le protectionnisme avec la question du renouvellement de la flotte d’Air France-KLM. Faute d’une politique industrielle européenne, les taxes diverses et variées ne serviront à rien.

Des parlementaires français ont signé une pétition exigeant que la compagnie Air France-KLM, dont l’Etat détient 15% du capital, achète des avions au constructeur européen Airbus plutôt qu’au groupe américain Boeing.

Cette demande a suscité des critiques de la part des défenseurs du libre échange. On doit reconnaître qu’Airbus profite du commerce mondial puisqu’il vend des appareils dans le monde entier, y compris aux Etats-Unis. On peut aussi souligner que l’Etat n’a pas à interférer dans la gestion d’une entreprise cotée en bourse.

Mais il ne faut pas oublier que même les pays les plus favorables au libre-échange défendent leurs intérêts. Les Etats-Unis ont ainsi annulé un appel d’offres remporté par Airbus pour la fourniture d’avions ravitailleurs pour permettre à Boeing de l’emporter.

Il faudra bien que l’Union européenne définisse des règles pour protéger ses secteurs industriels. Il n’est pas aberrant que dans le domaine de la défense par exemple les pays européens achètent des équipements européens quand cela est possible.

Pour le moment, l’UE est une simple zone de libre-échange et les dirigeants politiques manquent terriblement de vision, comme on peut le voir sur la gestion du dossier de la dette publique de plusieurs pays, dont la Grèce.

Nombre de chefs d’entreprise déplorent la naïveté de la Commission européenne dont les membres sont le plus souvent des bureaucrates n’ayant qu’une connaissance livresque de l’économie et ne connaissant absolument pas le fonctionnement des entreprises. La politique de la concurrence est à cet égard symptomatique : l’UE ne défend pas les consommateurs mais défend d’autres entreprises, souvent non européennes, refusant la constitution de groupes européens de taille mondiale.

Cette stratégie est de plus en plus rejetée par les citoyens qui voient les usines partir. Selon un sondage Ifop publié par l’hebdomadaire Marianne (18/06), 80% des Français veulent une augmentation des droits de douane aux frontières européennes. Si cela s’avère impossible, 57% souhaitent des droits aux frontières françaises.

Les Européens devraient regarder ce qui se passe en Chine. Frédéric Buzaré, responsable de la gestion Actions de la société de gestion Dexia Asset Management, a diffusé récemment un graphique montrant que la part de marché des entreprises locales dans le secteur des pelles mécaniques en Chine est passée de 9% en 2004 à 34% aujourd’hui, réduisant la part des concurrents étrangers.

La Chine agit de même sur la scène internationale et, en cassant les prix, elle est devenue le leader mondial dans les équipements pour l’énergie éolienne et solaire.

Imposer plus fortement des produits venant de Chine – pays avec lequel l’Europe accuse un déficit commercial gigantesque – devient une nécessité. Ce pays, en dépit de son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), continue de mener une politique visant à protéger ses entreprises, verrouillant son marché et expulsant parfois des entreprises occidentales après avoir pillé les secrets industriels.

Mais le protectionnisme, même à faible dose, ne sert à rien s’il n’y a une vraie politique industrielle. La Chine ne doit pas servir seulement de repoussoir : elle peut aussi être un modèle. Elle a ainsi décidé de porter son effort en matière de recherche et développement à 2,2% du Produit intérieur brut (PIB) en 2015, soit le double de 2002.

Dans le cadre de son 12ème plan quinquennal, comme l’a rappelé Frédéric Buzaré, elle a établi une liste de secteurs stratégiques : conservation de l’énergie, nouvelles générations dans les technologies de l’information, biotechnologies, équipement manufacturier haut de gamme, énergies alternatives.

Il va sans dire que les entreprises européennes présentes dans ce secteur ont du souci à se faire dans les prochaines années.

Au lieu de faire de beaux discours et de promettre des taxes anti-délocalisation, les dirigeants politiques feraient mieux de définir rapidement des secteurs à protéger face à une concurrence de plus en plus féroce.