Maintenant et après ?

par Patrick de Fraguier, économiste chez Crédit Agricole Asset Management

La sortie de cet été plus qu'ensoleillée sur les marchés grâce aux bonnes performances des actifs risqués selon les instruments de mesure"volatilité" et "marché monétaire" se caractérise par : 

  • des indicateurs macro bien orientés voire optimistes qui posent la question sur la transformation des points d'inflexion en point de retournement ;
  • des autorités publiques qui doivent gérer la sortie de crise dans un contexte de baisse de l'aversion au risque et de rendements monétaires nuls. 

Avec des résultats encourageants, précoces et englobant même le Japon, les indicateurs conjoncturels et avancés ont surpris positivement et permettent de styliser – alphabétiquement si ce n'est algébriquement – la reprise en cours, confirmant ainsi notre scénario, et peut-être en allant plus loin, basé d'une part, sur l'embellie cyclique sur fond d'arrêt du destockage et d'autre part, sur une croissance future en dessous du "potentiel".

Peut-on aller au delà de la normalisation de la relation entre production manufacturière et PIB (réduction des effets variations des stocks) et de la correction du pessimisme (excessif) et de la surréaction des entreprises, notamment concernant l'emploi et l'investissement ?

Les plans de relance ont eu des effets plus rapides qu'anticipé sur l'activité économique (cf indices PMI et ISM). Ainsi, depuis juin, les perspectives se sont améliorées et restent soutenues par l'hyperactivisme des banques centrales et gouvernements qui poursuivent des objectifs à différents horizons (écarter le risque systémique ou de déflation, mettre en place des aides conjoncturelles ciblées via des primes à la casse automobile ou des aides au logement).

Maintenant, quid des effets supplémentaires attendus des deux facteurs de support des marchés ?

  • la récurrence des politiques publiques ultra accommodantes,
  • la fin des effets de base statistiques sur l'inflation.

Dans ce contexte, si les banques centrales restent un acteur majeur, elles restent aussi prudentes et ne peuvent annoncer le calendrier de la normalisation de leur politique monétaire.

Prises dans un dilemme temporel (pas trop tôt ni trop vite car fortes des expériences passées), elles ne peuvent dater a priori, ni la fin de mise sous perfusion des banques, ni le retrait des liquidités, ni l'échéance des mesures de quantitative easing. Il faut donc dépasser les objectifs actuels qui sont de garantir la liquidité du système bancaire (cf allongement du terme des pensions BCE dont la prochaine adjudication pour des montants illimités est programmée à fin septembre) qui subit dorénavant les effets macro de la crise et donc maintenir des taux à des niveaux historiquement bas pour permettre à l'investissement privé de prendre le relais.

Le passage de témoin après la course de relais ménages-banques-Etats-entreprises repose sur la restauration du système bancaire et sur le redémarrage de l'accélérateur financier (coût relatif et historique des fonds propres des entreprises). C'est une hypothèse forte qui doit se traduire ultérieurement par une contribution positive à la croissance de l'investissement des entreprises. Des capacités de financement restaurées (volumes de crédits disponibles et prêtés) et (dans une logique de marges et profits) des investissements de productivité sont des conditions nécessaires à la réalisation de ce scénario.

Les banques centrales, en plus des activités de supervision et de re-régulation suivant traditionnellement toute crise, vont devoir gérer la transformation des politiques monétaires et le retour au normal post-traumatique après le non conventionnel d'urgence. L'éloignement des craintes sur la solvabilité et la restauration de la liquidité ont permis le passage des investisseurs d'un mode "résilience" à celui "d'appétence".

L'évolution des valorisations devra être complétée, pour validation, par celle des flux sur les actifs risqués.

La crédibilité des banques centrales sera d'autant plus accrue qu'elles assumeront le timing de la gestion et de la sortie de crise (cf le renouvellement de Ben Bernanke à la tête de la Fed pour un nouveau mandat de 4 ans),

C'est une condition nécessaire à l'ampleur et à la durée d'une reprise qui, pour le moment, n'est pas encore auto-entretenue.

D'où l'enjeu des stratégies de "sortie de crise" où les banquiers centraux sont les principaux maîtres du jeu: les marchés leur demandant, implicitement et contradictoirement, de ne pas casser la reprise, de reprendre les liquidités excessives et potentiellement porteuses de nouveaux risques, et plus récemment de gérer l'arbitrage entre baisse du levier d'endettement et stabilisation des prix des actifs et des risques.

Tant que cet équilibre subtil sera maintenu, les actifs risqués bénéficieront d'un fort facteur de soutien.