Songe d’un mois d’été

par Alexandra Estiot, Economiste chez BNP Paribas

Le calendrier économique est peu chargé en août, la croissance au T2 étant connue pour les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la zone euro. Ne reste plus que le Japon. Les principales données seront américaines (l’emploi) et britanniques (l’emploi encore).

La Banque d’Angleterre sera la seule des grandes banques centrales à se réunir en août, dévoilant les détails d’un assouplissement monétaire annoncé lors de sa réunion de juillet.

L’actualité politique sera plus chargée : campagne présidentielle aux Etats-Unis, suspense autour du prochain gouvernement espagnol, élaboration d’une stratégie britannique en vue du lancement des négociations avec l’Union européenne.

Dans un contexte de faible liquidité, il faut rester vigilent à toutes nouvelles, notamment celles inattendues !

Ce numéro d’Eco Week est le dernier avant la rentrée de septembre, et donc l’occasion d’une revue des évènements à suivre au cours du mois d’août. Du côté des publications statistiques, le mois d’août sera relativement tranquille, les premières estimations de croissance pour le deuxième trimestre ayant été publiées en zone euro, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Parmi les grands pays développés, ne reste que le Japon, dont les performances économiques au deuxième trimestre ne seront connues que le 15août. Nous attendons une contraction, limitée, de l’activité, après une croissance de 0,4% au cours des trois premiers mois de l’année. Pour une part, il faudra y voir les effets du tremblement de terre dans la région de Kumamoto.

Les comptes nationaux de la zone euro et du Royaume-Uni dévoileront leurs détails plus tard dans le mois (respectivement les 12 et 26 août). Pour l’heure, on sait que l’Union monétaire a enregistré une progression de 0,3% de l’activité au deuxième trimestre, mais à part pour la France, on ne dispose pas de la ventilation des composantes de la demande. Au Royaume-Uni, où la conjoncture était mieux orientée que prévue entre avril et juin (progression de 0,6%), on sait que les services et l’industrie (+0,5% et +2,1%, respectivement d’un trimestre sur l’autre) ont tiré la croissance alors que la construction (-0,4%) pesait sur les performances.

Ces dernières données couvrent l’avant référendum qui a vu les Britanniques se prononcer pour un départ de l’Union européenne. En amont du vote du 23 juin, les données suggéraient que l’activité marquait le pas, et le Royaume-Uni serait ainsi entré dans le troisième trimestre sur un rythme plus modéré qu’il n’avait entamé le deuxième. Les premières données d’enquête pour le mois de juillet annoncent une décélération marquée. Le PMI Flash de Markit s’inscrivait à 47,7, en recul de 4,7 points en un mois et au plus bas depuis la récession de 2008-09, tiré à la baisse aussi bien par les services (47,4 contre 52,3 en juin) que par le secteur manufacturier (49,1 contre 52,1). Le 17 août, les premières données d’activité post- référendum seront publiées, avec les chiffres du chômage indemnisé (claimant count). Si, à terme, le Brexit finira certainement par peser sur l’emploi, l’incertitude entourant les relations avec l’UE conduisant les entreprises à geler les embauches (et projets d’investissement), il n’y a pas lieu d’attendre une augmentation des licenciements si peu de temps après le vote.

L’emploi sera aussi le centre de l’intérêt aux Etats-Unis, avec la publication, le 5 août, des données couvrant le mois de juillet. Il s’agit ici de tenter d’identifier une tendance sous-jacente, après un mois de mai désastreux suivi d’un impressionnant rebond. Sur la base des données hebdomadaires d’inscription à l’indemnisation du chômage, le marché du travail américain semble peu différent de ce qu’il a été depuis le début de 2015 : les licenciements continuent d’être orientés à la baisse. Le suspense réside dans l’ampleur des créations brutes de postes davantage liées aux perspectives qu’aux conditions actuelles de l’activité. A cet effet, le rebond, récent mais marqué, des enquêtes de l’ISM est bienvenu, et en juillet, l’emploi américain pourrait surprendre à la hausse.

Du côté des banques centrales, la Banque d’Angleterre concentrera l’attention. Lors de leur réunion de juillet, les membres du Comité de politique monétaire (MPC) avaient préféré le statu quo, notant, notamment, que malgré l’absence de données officielles d’activité couvrant l’après référendum, la confiance des agents économiques semblait se détériorer, que les entreprises pourraient reporter leurs projets d’investissement et d’embauche, alors que les anticipations d’activité dans le secteur de la construction déclinaient. La conclusion était évidente : la conjoncture britannique est appelée à se détériorer à court terme. Les implications auraient pu sembler tout aussi évidentes: un besoin de soutien monétaire. Pourtant, la Banque d’Angleterre a préféré prendre le temps d’estimer plus précisément les conséquences de la sortie de l’UE sur la croissance (risque à la baisse) et l’inflation (risque à la hausse), et notamment celles liées à la dépréciation de la livre, avant d’ajuster sa politique. Le 4 août sera publié le Rapport sur l’inflation et, avec lui, les nouvelles prévisions de la Banque d’Angleterre. Il n’y a aucun doute sur le biais que la Banque compte donner à sa politique, avec la promesse d’un assouplissement en août faite dans le communiqué de presse du 14 juillet (« most members of the Committee expect monetary policy to be loosened in August »). Seule la nature des instruments, leur combinaison et, au final, l’ampleur de l’assouplissement restent à préciser.

L’actualité politique sera bien plus chargée que le calendrier économique. Cette semaine, les démocrates ont officiellement investi Hillary Rodham Clinton comme leur candidate aux élections présidentielles du 8novembre. Quelques jours plus tôt, les républicains désignaient Donald Trump. La campagne présidentielle est donc officiellement lancée, même s’il faudra attendre la fin du mois de septembre pour le premier débat, occasion pour les candidats de préciser ou d’articuler leurs programmes et pour nous de les analyser.

En Espagne, les négociations continuent en vue de la formation d’un nouveau gouvernement. Le Parti populaire est sorti vainqueur des élections du 26 juin, augmentant de quatorze sièges le nombre de ses parlementaires depuis le scrutin de décembre 2015, sans toutefois parvenir à obtenir la majorité absolue qui lui aurait permis de rapidement former un gouvernement. Les discussions entre les différents partis ont donc repris, à la recherche de coalition et d’entente. Si, en amont de la dernière consultation, tous s’étaient engagés à sortir le pays de l’impasse politique, les résultats tardent. Felipe VI n’est soumis à aucun délai dans la désignation d’un leader politique, et Mariano Rajoy demeure à la tête du gouvernement intérimaire pendant les négociations. Si, techniquement, la situation peut se prolonger, toute inflexion de la politique économique est de fait impossible. Ce facteur pourrait avoir pesé dans la décision de la Commission européenne de recommander l’abandon des sanctions à l’encontre de l’Espagne dans le cadre de la procédure de déficit excessif, bénéficiant aussi au Portugal.

L’autre grand sujet politique de l’été demeure la sortie du Royaume- Uni de l’Union européenne. La situation au sein du parti conservateur s’est très rapidement apaisée, et c’est avec près de deux mois d’avance sur le calendrier prévisionnel que David Cameron a laissé sa place. Theresa May a rapidement formé un gouvernement et chargé David Davis de mener les négociations avec l’UE. Quelques semaines plus tard, c’est un Français que la Commission européenne a choisi pour lui faire face : Michel Barnier, ancien Commissaire européen au marché intérieur et aux services sous la Présidence de José Manuel Barroso. Reste maintenant à en savoir plus quant aux objectifs du gouvernement britannique. Il s’agira donc de suivre les déplacements de Theresa May, aussi bien chez elle que chez ses voisins, et les déclarations des différents responsables. Pour l’heure, entre la volonté de rassurer l’Ecosse et l’Irlande et les changements en termes de politique migratoire (plus souple, avec notamment l’abandon des quotas de l’ancien gouvernement), il semble que le Royaume-Uni cherche bel et bien à préserver au maximum son accès au marché unique, même si le prix à payer en termes de contribution au budget européen et de libre circulation des personnes ne sera pas neutre politiquement.

La Turquie, et le coup d’Etat avorté qu’elle a subi, nous rappellent que tout ne peut être anticipé. En août 2015, l’annonce d’une dévaluation surprise du yuan avait conduit à la panique avec un recul des devises émergentes, une augmentation des primes de risque et un nouveau repli du prix des matières premières. La Fed avait alors décidé de retarder sa première hausse de taux. La question à laquelle les membres du FOMC ne parvenaient pas à répondre avec quelque certitude était celle des enchaînements: la panique financière n’était-elle que le résultat, une fois de plus, d’ajustements rendus plus brutaux par la faiblesse de la liquidité au cours du mois d’août ou le symptôme d’un mal non-encore identifié ? En décembre, ils penchaient définitivement pour la première réponse, et initiaient le cycle de normalisation monétaire. Pour le regretter aussitôt ? Peut- être, à la faveur de la réémergence du stress… Depuis, et alors qu’elle prévoyait de remonter quatre fois ses taux en 2016, la Fed a maintenu le statu quo. Le retour à un certain calme sur les marchés, et notamment l’absence de panique suite au référendum britannique, est de nature à la rassurer, comme les bonnes surprises de l’économie américaine. Mais septembre n’est jamais qu’une option…

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