A chaque Banque centrale son chemin

par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas

Après la décision de la Banque du Japon, la semaine dernière, de mettre fin, pour partie, aux mesures temporaires qu’elle avait adoptées pour faire face à la crise (cf. Ecoflash 09-445), la Fed et la BCE ont fait montre d’une grande prudence, et ce en dépit des signes patents de reprise de part et d’autre de l’Atlantique. Ainsi, à l’issue de sa réunion de novembre, le FOMC a conservé la fourchette de 0 à 0,25% au sein de laquelle il souhaite voir évoluer le taux des Fed funds (cf. Ecoflash 09-442).

Par ailleurs, en raison d’une offre limitée de titres (MBS d’agences et dette d’agences), il a abaissé le montant de ses achats sur ce segment à environ USD 175 milliards, c'est-à-dire en deçà du plafond annoncé de USD 200 milliards qui devrait, toutefois, être atteint à la fin du T1 2010.

Enfin, en justifiant le maintien des taux à un niveau exceptionnellement bas pendant « une période prolongée », en raison de la persistance de certaines conditions économiques (le niveau faible d’utilisation des ressources, l’inflation modérée et la stabilité des anticipations d’inflation), la Fed a signalé qu’elle ne devrait pas durcir sa politique avant que les conditions sur le marché du travail ne se soient nettement améliorées. Même si l’économie a renoué avec la croissance au troisième trimestre (+ 3,5% t/t annualisés), l’emploi ne cessera probablement pas de diminuer avant 2011.

Dans la zone euro, la reprise économique se confirme. Le PIB devrait avoir augmenté au T3 (l’estimation flash sera publiée le 13 novembre), en hausse pour la première fois en six trimestres, conformément à ce qu’indique l’évolution de l’indice PMI composite (qui combine les indices d’activité dans le secteur manufacturier et dans les services, et qui est un indicateur fiable de la croissance du PIB). Principale ombre au tableau, la poursuite de la détérioration des conditions sur le marché du travail, qui pèse sur la consommation des ménages.

Dans ces conditions, et compte tenu des capacités de production excédentaires dans l’économie, la BCE demeure prudente et n’a pas modifié sa politique monétaire à l’issue de sa réunion, ce qui ne l’empêche pas d’envisager une embellie progressive de la conjoncture et de préparer les premières étapes de sa stratégie de sortie de crise (cf. Ecoflash 09-447). Jean-Claude Trichet a ainsi rappelé que l’ensemble des mesures temporaires ne serait pas indispensable à l’avenir. Si leur retrait graduel est envisageable en 2010 (comme prévu, la dernière opération de refinancement à 12 mois aura lieu en décembre), il apparaît en revanche peu probable que la BCE relève son taux directeur l’année prochaine, compte tenu de l’absence de tensions inflationnistes à moyen terme. En effet, l’inflation s’est établie à -0,1% en octobre, négative pour le quatrième mois d’affilée. Elle devrait rebondir au quatrième trimestre, tout en demeurant modérée, les effets de base jouant en sens inverse, principalement sur l’énergie.

Enfin, au Royaume-Uni, la Banque d’Angleterre a décidé de relever de GBP 25 milliards le plafond de son programme d’achats d’actifs, le portant ainsi à 200 milliards (cf. Ecoflash 09-444). En effet, de nombreux indicateurs et enquêtes montrent qu’une reprise de l’activité est proche. Ainsi, l’indicateur CIPS services s’est établi à 56,9 en octobre, son plus haut niveau depuis août 2007. Il est ainsi supérieur à 50 pour le sixième mois consécutif. Néanmoins, la reprise dans le secteur manufacturier est plus chaotique. L’indice CIPS manufacturier est à nouveau repassé au-dessus de 50 en octobre, après avoir fluctué autour de ce niveau au troisième trimestre (la production industrielle a reculé de 0,8% t/t sur la période, en baisse pour le septième trimestre d’affilée).

Le Comité estime, par conséquent, que la reprise devrait demeurer faible, de sorte que le niveau d’utilisation des capacités restera relativement bas, ce qui continuera de peser sur l’inflation, compensant à court terme l’impact de la dépréciation du sterling. De fait, une extension des mesures exceptionnelles s’imposait, à la lumière de l’évolution des agrégats monétaires. Celle-ci demeure préoccupante : M4 (qui comprend les avoirs monétaires des agents non financiers, tels que les ménages et les sociétés non financières) n’a cessé de ralentir depuis le début de l’année, alors que M4 hors OFCs (hors avoirs monétaires des autres établissements financiers) s’est juste stabilisé. Ceci traduit à la fois l’absence de détente des conditions de crédit et le rebond de la demande de prêts de la part des agents non financiers, soucieux de réduire leur endettement.

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