Au tour de la Fed

par Eric Vergnaud, économiste chez BNP Paribas

La sortie des politiques monétaires non conventionnelles mises en place par les grandes Banques centrales pour faire face à la crise s’organise.

Ainsi, la Réserve fédérale vient d’annoncer une remontée de son taux d’escompte, de 0,50% à 0,75%. En outre, les prêts à la fenêtre d’escompte ne seront plus effectués qu’au jour le jour, contre une maturité maximale de 90 jours depuis le début de la crise. Enfin, le taux minimum d’emprunt à la Term Auction Facility (TAF – une procédure d’appels d’offres bi-mensuels accessible aux banques de dépôts – depositary institutions – pour laquelle les collatéraux acceptés sont les mêmes qu’au guichet de l’escompte) a été relevé de 0,25% à 0,50%.

Au-delà du symbole, puisqu’il s’agit de la première hausse du taux d’escompte depuis juin 2004, le message adressé par la Fed est double. D’une part, la Banque centrale considère que les conditions en matière de liquidité s’améliorent suffisamment rapidement. D’autre part, elle veut inciter les banques à privilégier le recours au marché monétaire et à rendre au guichet d’escompte le statut qui était le sien avant la crise, un financement de dernier recours. Le relèvement du taux d’escompte doit être vu comme un début de normalisation ; l’écart avec le taux objectif des Fed funds, désormais de 50 pb, était de 100 pb avant la crise. En outre, ce geste offre une marge de manœuvre à la Réserve fédérale dans sa fixation du taux de rémunération des réserves, qu’elle voudrait voir, au moins pendant une période de transition, devenir le taux clef régissant la politique monétaire, en faisant office de quasi-taux plancher sur le marché monétaire. Tout cela avait été évoqué le 10 février dernier par M. Bernanke, lorsqu’il avait indiqué ce que pourraient être les grandes lignes de la « stratégie de sortie » de la Fed.

Toutefois, en dépit de l’amélioration indéniable en matière d’activité (en janvier, la production industrielle a enregistré une septième hausse mensuelle consécutive, particulièrement marquée, avec une progression de 6,8% en rythme trimestriel annualisé), le maintien d’une politique monétaire très accommodante est toujours jugé nécessaire à court terme. En dépit d’une nette décélération des destructions d’emplois, le marché du travail n’est pas encore parvenu au terme de son ajustement. La Fed a d’ailleurs été très claire, en indiquant que le geste sur le taux d’escompte ne devait pas être interprété comme le début d’un cycle de resserrement, ni même comme une modification de ses intentions en termes de politique monétaire. A cet égard, le recul de l’inflation sous-jacente de 1,8% en décembre 2009 à 1,6% en janvier, avec la première baisse mensuelle depuis décembre 1982, arrive fort à propos. Dans ces conditions, nous estimons qu’une hausse du taux objectif des Fed funds dès cette année reste improbable.

Le contexte est sensiblement différent au sein de la zone euro.

Les données décevantes du PIB au quatrième trimestre 2009 et les enquêtes les plus récentes conduisent à revoir à la baisse l’activité en 2010, dont la progression ne devrait pas dépasser 1%. Ainsi, les enquêtes PMI pour février font état d’un possible essoufflement de la reprise au cours des prochains mois, en raison d’une modération du rythme d’activité dans le secteur des services. La moindre croissance par rapport aux Etats-Unis devrait se traduire par un début plus tardif du resserrement monétaire dans la zone euro. Par ailleurs, bien que moins aiguës que lors des toutes dernières semaines, les tensions liées à l’état des finances publiques grecques persistent. Ces facteurs ne peuvent que pousser davantage l’euro à la baisse contre dollar, ce qui est de nature à améliorer la compétitivité prix des exportations européennes (vis-à-vis de la zone dollar).

Au Japon, la persistance des pressions déflationnistes plaide pour le maintien, plus longtemps qu’ailleurs, de politiques macro-économiques très accommodantes. Le yen ne peut que souffrir de cette situation vis-à-vis du dollar, mais également de l’euro.

Toutefois, l’affaiblissement du yen présente au moins deux avantages : soutien des exportations et augmentation de l’inflation importée. En outre, l’appétit des investisseurs japonais pour les titres obligataires d’Etat étrangers (aiguisé par les écarts de rendements) est pour le moins bienvenu, alors que la Chine semble se détourner des Treasuries américains, et, que plus généralement, dans l’ensemble des pays développés, les besoins publics de refinancement sont très élevés.

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