Bourse : progression attendue en 2010 mais inférieure à celle de 2009

par Bogdan Popescu, directeur régional de Skandia Global Funds

Les marchés d’actions terminent l’année (2009) sur une note fermement positive, soutenus par des taux d’intérêt toujours aussi faibles, des niveaux de valorisation raisonnables, et des perspectives de reprise économique de plus en plus tangibles.

Les banques centrales continuent par ailleurs à affirmer qu’elles maintiendront leur taux à des niveaux très bas un certain temps encore, alors même que la reprise économique se confirme dans plusieurs pays. Ceci est particulièrement frappant aux Etats-Unis, où les derniers indicateurs permettent d’espérer un taux de croissance supérieur à 4% au 4T 2009. La reprise se profile également sur le front de l’emploi, avec un flux de bonnes nouvelles, tant aux Etats-Unis qu’au Royaume-Uni. Dans les deux pays, la chute du chômage est bien enrayée.

Les inquiétudes liées à Dubaï se sont en outre évanouies depuis l’intervention de son voisin Abu Dhabi. Toutefois, les problèmes liés aux dettes étatiques n’ont pas disparu pour autant. Le point saillant est évidemment la décision prise par les agences de notation de dégrader la note de l’Etat grec, obligeant ce dernier à revoir à la baisse son programme de refinancement. Mais il ne faut pas oublier non plus les doutes soulevés quant à la capacité des Etats irlandais, espagnol ou même britannique à assurer le service de leur dette… (Notons) l’ampleur de la hausse des spread sur les CDS de l’Etat grec en décembre, signe manifeste de la dégradation de sa solvabilité.

Le problème sur la solvabilité britannique est quant à lui d’une moindre ampleur. Mettant fin à une longue période de sous-performance, les actions japonaises ont entamé une reprise significative depuis l’annonce, par la Banque du Japon, de la décision d’accroître significativement leur plan de relance (Quantitative Easing program). Cette annonce peut avoir pour effet d’affaiblir le yen et surtout d’entretenir la confiance des opérateurs dans la volonté des autorités nippones de lutter contre la déflation et la sur-évaluation du yen.

Quant au dollar, il s’est apprécié face à la plupart des devises, permettant au passage le repli, en valeur, des cours de l’or. Rappelons que ces derniers avaient atteints, début décembre, un nouveau record historique. Rappelons également que le dollar s’était renforcé en 2008 et début 2009, jouant alors son rôle de valeur refuge, pour connaître ensuite, à partir de mars 2009 et de la reprise des marchés actions, une nouvelle période de repli.

Surpondération des actions

Nous conservons une position sur-pondérée en actions, considérant que la hausse entamée en mars 2009 devrait se poursuivre en 2010. Le rythme de cette progression sera toutefois moins élevé. Nous continuons également à privilégier les marchés émergents aux dépens des pays développés.

Les actions devraient en effet bénéficier de trois moteurs de hausse : le retour de la croissance économique et des profits des entreprises, des taux d’intérêt bas, et des valorisations raisonnables.

Sur le premier point, nous nous attendons à ce que la reprise économique globale se confirme en 2010, de manière plus ou moins affirmée, selon les pays. Ce retour de la croissance devrait se traduire par une hausse significative des profits des entreprises, notamment dans les secteurs les plus touchés par la crise en 2009 (le secteur bancaire notamment). Nous estimons par ailleurs que les taux d’intérêt vont rester à des niveaux faibles, un peu partout dans le monde. Et notamment dans les pays développés, la Réserve Fédérale américaine et les autres banques centrales directrices ayant vocation, selon nous, à maintenir leurs taux à des niveaux exceptionnellement bas jusqu’en 2011. Enfin, concernant le troisième moteur, il semble que les actions doivent demeurer attractives, notamment face aux rendements monétaires.

Nous nous attendons à une surperformance des marchés émergents, les taux de croissance de l’économie et des profits devant y être supérieurs à ceux des pays développés. Le faible niveau des taux d’intérêt, dans les pays occidentaux, devrait en outre favoriser l’investissement en actions émergentes, comme d’ailleurs l’investissement en titres risqués d’une manière générale.

Nous restons également surpondérés en obligations, et nous attendons à une nouvelle réduction des spreads en 2010. Les moteurs qui favoriseront les marchés actions –reprise économique, faibles taux d’intérêt, valorisations raisonnables- joueront également en faveur des obligations d’entreprises ou privées au sens large. Nous conservons une position légèrement surpondérée en obligations indexées sur l’inflation, anticipant une remontée du taux d’inflation global.

Le marché de l’emploi

Le marché de l’emploi reste déprimé, le taux de chômage atteignant des records historiques un peu partout dans le monde. Ces derniers mois, toutefois, plusieurs signes laissent à penser que le chômage pourrait dorénavant se trouver proche d’un point d’inflexion. Si la croissance revient, comme nous l’espérons, le taux de chômage pourrait alors entamer sa décrue d’ici la fin de l’année. Aux Etats-Unis, le niveau de la masse salariale non agricole n’a guère évolué depuis novembre, alors même que la récente chute des demandeurs d’emploi laisserait présager une augmentation de cette masse salariale début 2010. Au Royaume-Uni, les statistiques suggèrent également ce point d’inflexion. Le nombre de demandeurs d’emploi y chute en effet pour la première fois depuis début 2008.

Mais, en dépit de tous ces facteurs positifs –reprise économique, redressement des marchés, amélioration du marché de l’emploi-, le niveau de confiance des consommateurs reste très bas. Le niveau de confiance aux Etats-Unis est ainsi toujours proche de ses plus bas historiques. Même dans l’hypothèse d’une remontée de ce taux de confiance, le faible niveau constaté aujourd’hui aura un impact, pour quelques temps encore, sur le niveau de consommation des ménages.

L’impact qu’ont eu sur les marchés les problèmes successifs rencontrés par Dubaï, puis par la Grèce, a démontré de manière évidente la santé toujours très précaire du système financier mondial. Les politiques fiscales agressives et le coût de sauvetage des systèmes bancaires ont creusé les déficits publics un peu partout dans le monde. Ces déficits ont augmenté très sensiblement au cours des dernières années, et vont très certainement continuer à se dégrader. Les prévisions du gouvernement britannique établissent que les finances publiques devraient rester déficitaires au moins jusqu’en 2017, conduisant à un doublement du ratio dette/PIB en l’espace de 10 ans. La nécessité de poursuivre des politiques fiscales restrictives aura sans aucun doute un impact sur le niveau de croissance à venir, tout comme le niveau élevé de la dette étatique rendra l’économie plus sensible à de nouveaux chocs externes.

L’inflation, toujours faible

L’inflation sous-jacente des économies développées demeure à des niveaux très faibles. Elle pourrait même encore se réduire au cours des prochains mois, le taux record du chômage limitant la progression des coûts salariaux. L’inflation globale, quant à elle, semble en revanche avoir déjà atteint son taux plancher et pourrait s’orienter à la hausse. En raison notamment de la fin de l’impact, en glissement annuel, de la baisse du prix des matières premières (le pétrole, en particulier)

En outre, plusieurs pays pourraient connaître prochainement une hausse de leur fiscalité indirecte.

Une hypothèse déjà en partie validée au Royaume-Uni, qui s’apprête à relever de 2,5% son taux de TVA en janvier 2010, après l’avoir baissé d’un même pourcentage en janvier 2009.

Les taux d’intérêts vont encore rester bas

Les taux d’intérêt vont demeurer à des niveaux très bas dans la plupart des pays développés. Aux Etats-Unis, la Réserve Fédérale assène un message sans équivoque : « les conditions économiques, y compris et notamment le faible niveau d’utilisation des ressources, de l’inflation actuelle et anticipée, plaident pour le maintien de taux exceptionnellement bas jusqu’à nouvel ordre ». Si la banque centrale américaine, tout comme la plupart de ses homologues occidentaux, vont donc certainement poursuivre cette politique accommodante au moins durant l’année 2010, ils peuvent également mettre un terme à d’autres mesures extraordinaires, tel le Quantitative Easing Program.

Nous nous attendons donc à ce que les taux demeurent à des niveaux très bas dans la zone euro, au Royaume-Uni et en Suisse, et ce une bonne partie de l’année 2010, et pourquoi pas jusqu’en 2011.

Les banques centrales seront à notre sens conduites à maintenir leurs politiques monétaires accommodantes en raison d’une faible inflation sous-jacente et d’un taux élevé de chômage, et ce malgré la remontée du taux d’inflation globale, sous la pression d’une fiscalité accrue et de la hausse des matières énergétiques. Au Japon, il est plus que probable que les taux d’intérêt demeurent à 0% au cours des prochaines années.

Les taux d’intérêt pourraient en revanche remonter, faiblement toutefois, dans un certains nombres d’économies émergentes. Fin 2009, la banque centrale israélienne a été la première à amorcer ce nouveau cycle. Elle devrait sans doute être imitée en 2010 par d’autres pays, même si la plupart d’entre eux se complaisent dans cet environnement monétaire accommodant. 

Poursuite du resserrement des spreads

Les marchés du crédit ont poursuivi leur hausse en décembre, les spreads s’étant brusquement contractés. Le niveau de contraction constaté en 2009 fait figure de record, alors même que les écarts de taux demeurent extrêmement larges en données historiques. Nous nous attendons à de nouveaux resserrements en 2010, mais à un rythme inférieur à celui constaté l’an dernier.

Les marchés du crédit devraient bénéficier d’un certain nombre de facteurs positifs en 2010. D’abord, la reprise économique en cours devrait se traduire par une hausse significative des résultats des entreprises, notamment dans les secteurs les plus touchés par la crise l’an dernier, comme le secteur bancaire. Ensuite, le cours des obligations devrait bénéficier des opérations de refinancement menées par les entreprises pour améliorer leur structure bilantielle. Enfin, le faible niveau des taux d’intérêt devrait pousser les investisseurs à rechercher les rendements des obligations corporate.

Cette réduction des spreads ne permettra pas de revenir, en revanche, aux niveaux exceptionnellement bas observés durant la période 2005/2007.

Quelles sont nos perspectives sectorielles ?

C’est le secteur technologique qui affiche la meilleure performance en décembre. A l’origine de ce rallye haussier : la publication de nouveaux indicateurs laissant espérer une reprise des investissements technologiques des entreprises. Le secteur financier, quant à lui, affiche son deuxième mois consécutif de sous-performance et ce malgré certains signes d’amélioration de la santé des acteurs financiers.

Aucun changement dans notre allocation sectorielle ce mois-ci. Nous continuons à privilégier les secteurs cycliques ou pouvant bénéficier de l’environnement monétaire actuel, comme les bancaires ou les financières. Ces dernières continuent d’être délaissées par les investisseurs, d’où leur important potentiel de rebond en cas de retour en grâce.

Qu’en est-il du style d’investissement ?

Les indices de petites capitalisations ont surperformé ceux des grandes capitalisations de 3% en décembre (source MSCI). Sur l’année 2009, cette surperformance dépasse 10%. Nous anticipons la poursuite de cette surperformance relative si le contexte financier poursuit sa détente, et que les investisseurs augmentent leur appétit pour les placements plus risqués. Nous privilégions également le style value au style growth.

Et nos stratégies sur devises

Les monnaies liées aux matières premières, comme la devise canadienne, australienne et néo-zélandaise, ont affiché les meilleures progressions en décembre. Cette hausse est évidemment liée à celle du prix des matières premières, qui se sont de nouveau appréciés en décembre. Sur l’ensemble de l’année 2009, le cours du cuivre aura ainsi plus que doublé, les autres matières premières ayant elles aussi progressé de manière significative.

Le dollar s’est apprécié face à l’euro et à la livre anglaise pour la première fois depuis plusieurs mois, dopé par l’espoir d’une reprise économique plus sensible aux Etats-Unis.

Le yen japonais est en baisse. Il subit les conséquences de la décision de la banque centrale japonaise d’injecter 115 milliards de dollars supplémentaires dans le cadre de son Quantitative Easing Program. Les autorités monétaires avaient d’ailleurs enfoncé le clou en déplorant la sur-évaluation de leur devise et le faible niveau de leurs réserves.

Au cours de prochains mois, nous nous attendons à la poursuite de la hausse des devises émergentes ou liées aux matières premières. Le dollar devrait rester ferme si la reprise américaine se confirme, tandis que euro et yen s’affaibliront face aux autres devises.

Quelles différences marquantes avec le consensus?

Le consensus des gestionnaires institutionnels, sondés par Merrill Lynch, reste à surpondérer en actions, et ne croit pas à un possible retour en récession en 2010.

De plus, 80% des investisseurs (un niveau élevé, donc) pensent que la croissance économique peut s’affermir courant 2010. Connaissant les niveaux actuels d’activités, cet « affermissement » est sans doute marginal.

Alors que les opérateurs s’attendent à une nouvelle hausse des marchés actions cette année, leur goût pour les placements risqués reste peu élevé, la poche monétaire s’appréciant même de 3.7% à 4% par rapport au mois précédent.

En phase avec le consensus sur le poste actions, nous sommes en revanche plus optimistes sur le poste obligataire. Les gestionnaires sondés par Merrill Lynch augmentent encore leur sous-pondération en obligations (-39%, contre -31% en novembre), quand nous augmentons au contraire de 8% notre sur-exposition sur cette poche. Nous anticipons toujours de faibles taux d’intérêt, pour les raisons déjà évoquées.

En termes d’allocation régionale, nous sommes en phase avec le consensus, préférant les marchés émergents aux marchés développés. Le consensus reste très sous-pondéré sur le Japon. Notre position est un peu moins négative, en raison de l’intégration croissante de l’économie nippone dans l’économie asiatique par le biais des exportations. Par ailleurs, fin novembre, nous avions déjà réduit notre sous-pondération. Et nous différons toujours du consensus en raison de notre surpondération sur le secteur financier.