Etats-Unis : le redémarrage doit beaucoup aux mesures publiques de soutien

par Alexandre Bourgeois, économiste chez Natixis

Au cours des dernières semaines, l’économie américaine a montré plusieurs signes de redémarrage évident : hausse du PIB au troisième trimestre (+ 2,2 % en rythme annualisé) pour la première fois depuis plus d’un an, moindres destructions d’emploi (pour la première fois depuis 2007, 4 000 emplois ont même été créés en novembre1), remontée des mises en chantier et des ventes de logements, hausse du climat des affaires… Cette embellie doit beaucoup à l’action des autorités publiques américaines2.

Ainsi les transferts massifs vers les ménages (prolongation et élargissement de l’indemnité de chômage d’urgence, vastes crédits d’impôt pour les achats de logements, prime automobile à la casse…), les fortes baisses d’impôts, la poursuite des mouvements d’achats d’actifs financiers par la Fed afin de faire baisser les taux d’intérêt (hypothécaires en particulier) ou encore les énormes injections de liquidités dans le système bancaire afin de limiter l’écroulement du crédit ont soutenu les dépenses des agents privés. Grâce à ces mesures, le redressement de l’activité devrait d’ailleurs se poursuivre encore en début d’année 2010.

Néanmoins, dès le printemps, les fondamentaux de l’économie américaine devraient revenir sur le devant de la scène, poussant ainsi la croissance à la baisse. En effet, malgré les aides publiques, le pouvoir d’achat des ménages américains reste très fragile. Malgré la moindre dégradation du marché de l’emploi, le taux de chômage reste supérieur à 10 %, un niveau très élevé aux regards des standards de l’économie américaine (5,7 % en moyenne depuis 1950).

Dans le même temps, les salaires (fixes) ont très fortement ralenti. Enfin, la fin des effets de base positifs liés à la baisse du prix des matières premières en fin d’année 2008 a conduit à une franche hausse de l’inflation (de – 0,2 % en octobre à + 1,9 % en novembre). Dans ce cadre, le pouvoir d’achat des ménages devrait commencer à reculer dès le début de 2010.

Bien entendu, la consommation ne resterait pas insensible à cette évolution. Et ce, d’autant plus que, depuis plusieurs mois maintenant, les Américains ont mis fin au processus ininterrompu de baisse de leur taux d’épargne qui s’observait depuis le début des années 80. Ce dernier dépasse ainsi actuellement 4 %, contre moins de 1 % avant la crise (et plus de 11 % au début des années 80). Ce mouvement trouve son origine dans le double phénomène de hausse de l’épargne de précaution individuelle et de détérioration des finances publiques (effet de neutralité ricardienne). En outre, la poursuite du mouvement de désendettement des ménages américains devrait réduire leur capacité d’achat. Enfin, la faiblesse des indices de confiance des ménages, en particulier la composante « intentions d’achat », donne peu d’espoir d’enregistrer une poursuite durable du rebond de la consommation. Au contraire, un repli des dépenses des ménages en milieu d’année 2010 nous apparaît désormais probable.

Dans ce cadre, l’Administration Obama va tenter de dynamiser l’économie par le commerce extérieur. La diminution sensible du déficit commercial américain au cours des douze derniers mois (de 730 milliards de dollars en octobre 2008 à 390 milliards de dollars un an plus tard) pourrait d’ailleurs paraître comme un pas dans la bonne direction.

Toutefois, cette baisse doit beaucoup plus aux effets de la dépression du dollar (-22 % depuis 2002), de la baisse du prix du pétrole et à la faiblesse de la demande intérieure américaine (recul des importations de 17 % en volume en deux ans) qu’à une réelle amélioration de la compétitivité américaine. Ainsi, dans un contexte de poursuite de la désindustrialisation (l’emploi manufacturier a été réduit de 30 % au cours de la décennie !), la part des Etats-Unis dans le commerce mondial est passée de 13 % il y a dix ans à 8 % – 9 % actuellement. En conséquence, le moteur externe aura le plus grand mal à compenser la faiblesse de la demande interne. A l’arrivée, malgré le redémarrage du secteur immobilier (après un recul des mises en chantier de plus de 75 % en trois ans et demi !) et malgré la très grande réactivité de la politique économique, la croissance américaine devrait rester modérée en 2010 (autour de 2 % en moyenne), loin en tout cas de ses standards d’avant la crise (3,1 % en moyenne entre 2004 et 2006).

NOTES

  1. Sur deux ans, l’économie américaine a tout de même perdu plus de sept millions de postes.
  2. Cf. Dargent E. et Mufteeva I. (2009), « Malgré la révision de la croissance à la hausse pour 2010, l’optimisme n’est guère de mise », Note mensuelle décembre, Natixis.

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