Chine et États-Unis : la première phase de l’accord commercial va-t-elle se concrétiser ?

par Rob Mumford, Gérant de portefeuille au sein de l’équipe Actions Émergentes chez GAM

Après des mois de tensions commerciales, les Etats-Unis et la Chine sont arrivés à un accord commercial de phase 1. Pour Rob Mumford, de GAM Investments, cet accord est une étape positive pour inverser le glissement vers une relation conflictuelle entre les deux puissances économiques, et limiter les risques associés pesant sur la croissance mondiale et de récession.

En octobre dernier, les États-Unis et la Chine se sont mis d’accord sur le principe d’un « accord commercial de phase 1 » qui couvre un éventail de questions concernant les politiques commerciales, et de manière plus large, industrielles et économiques. Bien que le calendrier d’un tel accord soit encore incertain, il est utile pour les investisseurs d’en évaluer les implications potentielles pour les marchés financiers.

Les parties sont notamment arrivées à un accord de principe sur un report de l’augmentation des tarifs douaniers (bien que les augmentations suivantes, prévues en décembre, ne soient pas concernées), une augmentation des importations chinoises de produits agricoles américains, sur certains aspects du transfert de technologie, sur la protection de la propriété intellectuelle, sur le fait de travailler à l’établissement d’un mécanisme de règlement des différends, et sur une évolution vers un régime de change plus transparent.

Selon nous, les déclarations faites jusqu'à présent, que le camp chinois ne qualifie pas « d’accord » mais « d’avancées significatives », interpellent davantage par ce qui en est exclu (par exemple la question de Huawei) et par le manque de précision sur ce que couvre l’accord en théorie, que par les progrès concrets sur une amélioration durable des relations entre la Chine et les Etats-Unis. Cependant, du point de vue du marché, l’accord est très positif, car il interrompt, au moins temporairement, la détérioration des relations sino-américaines et ses répercussions négatives sur la croissance mondiale et sur le risque de récession. L’alternative était une augmentation progressive du nombre de secteurs touchés par le conflit stratégique, à l’exemple de la récente menace de l’administration Trump d’interdire aux entreprises chinoises l’accès aux marchés financiers américains, ajoutant encore un nouveau front au conflit qui s’était déjà étendu à de nombreux domaines, au-delà du commerce.

Il s’agit de l’accord commercial allégé auquel beaucoup s’attendaient, après que les dirigeants se soient rencontrés au G20 de juin au Japon et aient accepté de discuter au mois de juillet. En août, pourtant, les Etats-Unis ont imposé de nouveaux tarifs douaniers sur au moins 300 milliards de dollars d’exportations chinoises, et accusé la Chine de manipuler sa devise alors que le renminbi franchissait le seuil de 7 pour un dollar. Cet accord potentiel intervient maintenant, probablement à la suite de la récente série d’indicateurs d’activité économique très inquiétants, dont les plus notoires sont les rendements américains (et l’inversion de la courbe des taux) et les données de l’Institute of Supply Management américain (ISM) sur le secteur manufacturier. De leur côté, les statistiques intérieures chinoises sont également médiocres et sous pression. Cela concerne notamment le commerce et la production industrielle, en dépit de l’aide apportée, dans une certaine mesure, par le subtil assouplissement actuel de la politique monétaire et par des mesures de soutien budgétaire et de politique industrielle (comme l’incitation à la consommation et la probable augmentation prochaine des dépenses d’infrastructures).

Jusqu’à présent, les marchés boursiers ont eu une réaction positive modérée, avec différents indices chinois en hausse de 0,5 à 1% le jour de l’annonce de cet accord. De leur côté, les cours des certificats américains de dépôt (American Depository Receipts, ou ADR) cotés aux Etats-Unis se sont fortement appréciés alors que s’éloignait la menace d’une interdiction de cotation. Le renminbi s’est renforcé, évoluant vers le haut de sa fourchette depuis août, de 7,05 à 7,20, et le contrat à terme à 12 mois se négociant à 7,11 (ce qui indique une certaine stabilité des taux de change). Les taux du Trésor chinois ont aussi augmenté depuis leur point bas en août, les obligations souveraines à 10 ans se négociant juste au-dessus de leur fourchette qui était de 3,00 à 3,15% ces derniers mois.

Il existe un risque que même ces termes allégés ne soient pas ratifiés, à cause des obstacles potentiels que pourraient présenter la pression intérieure américaine et les réunions à haut niveau du gouvernement chinois, prévues à la fin du mois. Nous nous attendons toutefois à ce qu’un accord soit ratifié compte tenu du fait que les termes décrits jusqu’à présent portent sur un certain nombre d’engagements que le gouvernement chinois a déjà planifiés, ou sur lesquels il travaille (comme le souhait de conserver une monnaie stable, une nouvelle loi sur l’investissement étranger, une tendance vers une meilleure protection de la propriété intellectuelle ; même l’augmentation des importations chinoises de produits agricoles américains peut être utile, compte tenu de la récente inflation sur les produits alimentaires). Dans le même temps, l’administration américaine est probablement tout autant préoccupée par les tendances des statistiques que par l’influence de ce conflit commercial sur ces tendances, alors que les termes concernant l’agriculture apportent un coup de pouce électoral, qui sera la priorité à l’approche des élections de l’année prochaine.

Selon nous, ce dont le gouvernement chinois a le plus besoin est d'un environnement extérieur stable. Pour diriger, soutenir et améliorer la qualité de la croissance domestique, il bénéficie d’une très forte croissance structurelle et dispose de puissants outils de politique (conventionnelle), comme les taux d'intérêt et la réforme fiscale. Mais une pression externe excessive fait peser un risque sur ce processus. C’est un thème majeur pour le marché actions, qui reflète également celui de la « croissance de premier ordre avec une amélioration de la qualité », et offre des valorisations attractives. Selon nous, les actions chinoises devraient continuer à obtenir de bons résultats, en considérant que l’on peut éviter les risques majeurs, notamment celui d’un scénario catastrophe concernant l’avenir de la relation entre les Etats-Unis et la Chine.