Fin d’année agitée sur le marché des changes

par Caroline Newhouse-Cohen et Eric Vergnaud, économistes chez BNP Paribas

Aux Etats-Unis, la réunion du FOMC des 15 et 16 décembre a donné l’occasion à la Fed de mettre en avant le lien entre mesures non conventionnelles et conditions sur les marchés financiers d’une part, politique conventionnelle (niveau des taux d’intérêt directeurs) et perspectives macroéconomiques d’autre part. La Réserve fédérale a ainsi décidé de laisser inchangé son objectif sur le taux des Fed funds, indiquant par ailleurs qu’il pourrait rester à un niveau exceptionnellement bas pendant une « période prolongée ».

En effet, si l’amélioration en cours, en particulier sur le marché du travail, est signalée dans le communiqué publié à l’issue de la réunion du FOMC, il est également souligné que l’inflation devrait rester faible pour un moment (voir BNP Paribas EcoFlash 09-518).

D’autre part, le FOMC a insisté sur les évolutions favorables des marchés financiers, propices à la croissance et qui lui permettent de préciser le calendrier de sa stratégie de sortie des mesures de politique quantitative. La Fed a confirmé la fin de la plupart des programmes spéciaux de fourniture de liquidités au 1er février 2010 et l’arrêt probable des achats d’actifs adossés à des prêts hypothécaires (1 250 milliards de dollars) et de dette d’agences (175 milliards de dollars) vers la fin du premier trimestre 2010. Au total, si la politique quantitative de la Réserve fédérale est susceptible de devenir progressivement moins accommodante à partir du milieu de l’année prochaine, il est peu probable que le taux des Fed funds soit relevé dans les trimestres à venir.

Dans la zone euro, une hausse des taux d’intérêt de la BCE paraît des plus improbables dans un avenir proche (la prochaine réunion du Conseil des gouverneurs se tiendra, à Francfort, le 14 janvier). En effet, même si l’inflation totale se redresse rapidement, ce rebond est principalement lié à la hausse des prix des matières premières, alors que l’inflation sous-jacente recule régulièrement. En novembre, cette dernière s’est établie à 1%, un point bas depuis la fin de 2000. Ce repli devrait se poursuivre en 2010 et l’inflation sous-jacente pourrait même passer en territoire négatif en 2011. Par ailleurs, les enquêtes signalent que la reprise économique se poursuit. En décembre, l’indice PMI composite a crû de 0,5 point, à 54,2, sa plus faible progression depuis mars dernier, ce qui ne l’a pas empêché, toutefois, d’atteindre son niveau le plus élevé depuis presque deux ans. Le détail de l’enquête montre que l’activité s’est renforcée dans l’ensemble de l’économie.

Toutefois, dans les services, la progression des indices les plus avancés, celui relatif à « l’activité nouvelle » et celui des anticipations, commence déjà à se modérer, alors que l’indice d’activité n’est repassé au-dessus de 50 que depuis le quatrième trimestre. Après une croissance robuste du PIB au T4 (autour de +0,6% après +0,4% au T3 09), l’activité devrait continuer de croître, mais à un rythme plus modéré. En effet, la demande interne demeure fragile, même si le commerce extérieur devrait toujours soutenir la croissance.

L’amélioration des conditions sur le marché du travail tarde à se manifester. En décembre, les indices d’emploi de l’enquête PMI dans le secteur manufacturier et de celle dans les services se trouvaient encore nettement sous 50, même s’ils ont significativement progressé par rapport aux mois précédents.

Ainsi la poursuite de la hausse du chômage, couplée au rebond de l’inflation (qui s’est établie à 0,5% en novembre après -0,2% en octobre), devrait exercer une influence négative sur la consommation des ménages. Par ailleurs, le taux d’utilisation des capacités de production reste faible, ce qui ne manquera pas de peser sur les décisions d’investissement.

A l’occasion de la réunion du vendredi 18 décembre, Le Comité de Politique Monétaire de la Banque du Japon a décidé, à l’unanimité, de maintenir son taux directeur, overnight call rate, inchangé à 0,1%. Par ailleurs, il a souligné que la lutte contre la déflation représentait le défi majeur de l’économie. Cette assertion indique que la BoJ souhaite maintenir un biais très accommodant en 2010. A cet égard, la politique menée par la Banque centrale diffère de celle des principales banques centrales, qui ont, pour leur part, signalé qu’elles souhaitent progressivement mettre un terme aux mesures non conventionnelles.

Le thème des dettes souveraines a continué d’agiter les marchés, notamment celle du Mexique et celle de la Grèce, dont S&P a abaissé la note à long terme à BBB+ en toute fin de semaine, après Fitch la semaine précédente.

Du côté des changes, nous estimions encore il y a une semaine que le rebond du dollar pouvait être temporaire, se limitant à une répétition d’un mouvement plus solide, appelé, selon nous, à se dessiner plus tard, au cours de l’année 2010. La donne semble bien avoir changé, et le billet vert pourrait être entré dès maintenant dans la première phase d’une reprise plus durable.

En effet, le facteur liquidité, qui pesait sur le billet vert, joue désormais en sa faveur. La Fed a signifié son intention de reprendre (certes progressivement) les liquidités excédentaires au cours des prochains mois, ce qui ne manquera de faire monter les taux courts de marché américains à partir des niveaux actuels, extrêmement bas (inférieurs même à leurs homologues japonais). Les investisseurs commencent déjà à montrer de moins en moins d’appétit pour les positions de portage où le dollar était la devise de financement à court terme, et cette tendance ne peut que s’amplifier. Ainsi, le yen retrouverait un rôle plus habituel de devise de financement des stratégies de carry trade. Pour sa part, l’euro est actuellement affaibli par l’élargissement des spreads sur les rendements des titres d’Etat au sein de la zone euro. Au cours des prochains mois, l’écart de croissance va se creuser en faveur des Etats-Unis, ce qui devrait se traduire par un soutien supplémentaire pour le dollar. Enfin, le sterling souffre de la détérioration des finances publiques britanniques, et la parité EUR/GBP pourrait se diriger vers 0,95 durant la seconde moitié de 2010.

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