La BCE déterminée à soutenir la croissance et l’inflation

par Alexandre Hezez, Directeur de la Gestion Financière de Richelieu Gestion et Stratégiste et Allocataire pour le Groupe Richelieu

Mario Draghi était très attendu hier dans les annonces qu’il pouvait faire et les éventuelles prochaines actions de la BCE en modifiant sa politique monétaire. Si la BCE n’a pas baissé ses taux directeurs cette fois-ci, ni entamé un nouveau programme de rachat d’actifs, elle a d’une part largement modifié sa communication et d’autre part ouvert le chemin vers des actions plus importantes dans les mois à venir. La BCE a, comme attendu, livré plus de mots que d'actions mais elle marque dès lors sa détermination sans faille pour soutenir la croissance et l’inflation.

Les éléments d’inquiétude sont importants : les risques géopolitiques, les risques commerciaux avec une possible escalade de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, mais, plus grave, en Europe, la crise industrielle qui ne semble pas faiblir. Les derniers chiffres publiés de l’économie allemande (figure 1) en sont le parfait exemple. Sur fond de tensions commerciales, l’industrie allemande, très exportatrice, est dans le rouge. Une récession est même possible pour 2019 selon certains analystes. Le secteur automobile, est particulièrement en difficulté.

«Un degré significatif de stimulation monétaire reste nécessaire pour garantir que les conditions financières demeurent très favorables et soutiennent l’expansion de la zone euro » (Mario Draghi). La communication est claire : elle maintiendra les taux souverains à des niveaux faibles ces prochains mois, la baisse des taux est « certaine » en septembre. Nous prévoyons deux baisses de taux de rémunération des dépôts à la rentrée -10 Pb en septembre et en octobre. La reprise du Quantative Easing est plus que probable. Pour montrer encore sa détermination à baisser les taux, il est indiqué que des mesures pour mitiger l’impact d’une baisse des taux sur les banques dont le tiering (= exemption pour une partie des réserves excédentaires de l’imposition des taux de dépôt négatifs) sont étudiées. Voir le lien.

Les conditions financières resteront très accommandantes et devraient être favorables aux actifs financiers.

Mario Draghi a aussi rappelé l’importance du rôle des états dans le soutien de la croissance et notamment dans la politique budgétaire qui « deviendra essentiel si la détérioration des perspectives se poursuit ». Ce n’est pas sans rappeler les dernières analyses du FMI sur l’importance des politiques de soutien à la croissance via notamment les politiques budgétaires.

Et pourtant, les marchés ont réagi négativement à certaines phrases du Président de la BCE notamment : « Nous continuons de considérer que le risque d’une récession est plutôt faible, tout compte fait ».

Faut-il voir finalement, une déception sur l’ampleur des mesures mises en œuvre?

Nous considérons que les risques de récession sont faibles. La présence prolongée d’incertitudes liées aux facteurs géopolitiques, la menace croissante du protectionnisme pèsent sur le sentiment économique, en particulier dans le secteur manufacturier. Les indicateurs sur le consommateur et les services restent particulièrement résilients et devraient soutenir la croissance à un rythme plus faible.

Du côté de l’inflation, les anticipations ont largement régressé ce qui, d’un côté, gène la BCE, mais d’un autre, donne du pouvoir d’achat aux ménages qui voient leur salaire (au niveau macro-économique)progresseràunrythmesupérieuràceluidel’inflation. Toutlaisseàpenser que le consommateur va encore tirer la croissance vers le haut.

Certes, il n’y a eu aucune action concrète cette fois-ci, mais, des intentions qui pourraient décevoir. Une analyse alternative se trouve dans le calendrier des interventions des banques centrales. En effet, La banque fédérale américaine va intervenir sur ce point en fin de mois. Voir le Lien.

Le risque d’un alignement simultané dans l’action des banques centrales aurait des conséquences sérieuses sur les mouvements des actifs financiers. Imaginons que la BCE mette en place une baisse des taux et un quantitative easing dès maintenant, quelle aurait dû être l’action de la Fed dans sa prochaine réunion le cas échéant ? Elle n’aurait pas eu d’autre choix que d’être encore plus accommandante que la BCE, dans le but d’éviter tout risque d’un renforcement du dollar ou d’une baisse trop importante des taux d’intérêt. Cela pourrait potentiellement amener à la création de bulles dangereuses pour la stabilité des marchés financiers.

Après la guerre commerciale, il est plutôt rassurant de voir que les banques centrales ne se lancent pas dans une guerre des changes… Cela démontre une réelle attitude indépendante de toute pression politique. Voir le Lien.

Tant qu’elles demeureront crédibles et en accord, elles maintiendront la confiance et une certaine stabilité, conditions nécessaires pour les marchés financiers.

C’est donc au tour de la Fed de communiquer et d’agir. Au vu des niveaux des taux américains par rapport à ceux de la zone Euro, elle a plus de munitions et certainement plus d’impact en cas de baisse des taux (figure 3) . La BCE a raison d’être patiente et de ne pas répondre aux attentes et anticipations court-termistes des marchés financiers.