Les marchés font preuve d’un excès de pessimisme peu justifié

par Eric Turjeman, Directeur des Gestions Actions et Convertibles chez OFI AM

Les investisseurs anticipent une récession. Certes, les facteurs de risques ne manquent pas mais ne justifient pas pour autant cet excès de défiance. Fortement pénalisées, certaines valeurs cycliques redeviennent de réelles opportunités d’investissement.

Les valorisations actuelles des marchés actions semblent indiquer l’arrivée d’une récession au cours des prochains trimestres. Certes, une correction boursière n’était en rien injustifiée. Le cycle économique américain arrive au terme d’une période de croissance exceptionnelle, amplifiée par la réforme fiscale mise en place par l’administration Trump et dont les effets s’atténuent peu à peu. Mais la conjonction de facteurs de risque a renforcé subitement les inquiétudes des opérateurs de marché. Pour autant, l’arrivée d’une récession aux Etats-Unis et en Europe nous apparaît comme un scénario peu probable au regard des indicateurs macroéconomiques disponibles.

Quels sont justement les principaux risques qui inquiètent tant les investisseurs ? Nous en dénombrons quatre : la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, le Brexit, la situation de l’Italie et enfin le risque de remontée des taux mais qui ne surviendra que si les trois autres risques ont disparu et avec eux, le risque de récession. Or, le niveau actuel des valorisations laisse croire à une conjugaison des trois premiers risques qui entraînerait l’économie mondiale dans une récession globale. Nous sommes ici en présence d’un effet d’emballement coutumier des opérateurs de marché, effet amplifié par les algorithmes des modèles quantitatifs.

Guerre commerciale, Italie : le retour à la raison ?

Ces risques justifient-ils, en effet, cet excès de panique ? Si le spectre d’une guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine est réel, les investisseurs oublient que Donald Trump a beaucoup agité ce chiffon rouge en prévision des élections de Mid-Term en novembre alors qu’aucune grande puissance économique n’a intérêt au déclenchement d’une guerre commerciale généralisée. Le président des Etats-Unis, qui a la psychologie d’un homme d’affaires, le sait. Début décembre, les tensions ont ainsi baissé d’un cran avec la trêve décidée, au sommet du G20, entre les Etats-Unis et la Chine. Le scénario est assez similaire à propos du budget italien. Certes, le gouvernement transalpin a engagé un bras-de-fer avec la Commission européenne mais l’Italie n’a jamais sérieusement envisagé de quitter la zone euro. Les derniers développements montrent que l’on s’achemine dans cette affaire vers un compromis durable. Seules les conditions concrètes du Brexit, en mars 2019, restent pour l’heure bien incertaines. Mais ces éléments nous conduisent à considérer la réaction récente des marchés avec circonspection et nous incitent à prévoir une année 2019 positive sur les marchés actions.

En outre, la correction des indices ne reflète que très partiellement la réaction globale des marchés. Une analyse plus fine de la baisse fait, en effet, ressortir une dichotomie impressionnante entre les valeurs cycliques (constructeurs et équipementiers automobiles, financières etc.) qui ont décroché de façon spectaculaire et les valeurs plus défensives (agroalimentaire, pharmacie, cosmétiques etc.) qui ont beaucoup mieux résisté, voire monté depuis le début de l’année. Ainsi, les indices ne reflètent pas dans leurs cours les variations importantes entre certaines valeurs, d’autant qu’un indice comme le Cac 40, dont la composition évolue fréquemment, n’intègre que des valeurs qui ont déjà beaucoup monté. Cet indice, par construction, n’est donc pas un indicateur pertinent et représentatif de l’évolution des marchés actions.

Par conséquent, en cas de simple ralentissement de la conjoncture mais en l’absence de récession prévisible en 2019, il apparaît opportun de revenir sur les marchés actions, en privilégiant des valeurs plutôt cycliques qui ont déjà accusé des baisses conséquentes.