Quelle allocation d’actifs en cas de stagflation ?

par Sophie Chardon, Annabelle De Gaye, Solène Oberg, économistes chez Natixis

A moyen terme, les conditions macroéconomiques plaident pour une inflation sous-jacente limitée (l’inflation hors énergie et aliments frais) dans les pays de l’OCDE, notamment en raison: du désendettement des ménages et des États, d’un partage de la valeur ajoutée en faveur des entreprises et au détriment des salariés, de la sous utilisation des capacités de production. A l’image de ce que l’on observe depuis la fin de l’année 2010, le niveau d’inflation total dépendra donc principalement de l’évolution des matières premières.

Au–delà du risque géopolitique actuel (révolution Libyenne et risque de contagion), nous pensons que la réalisation d’un scénario de stagflation, conjonction d’une hausse des prix des matières premières et d’une croissance molle dans les pays développés, n’est pas à écarter en 2011 compte tenu : (i) d’une croissance mondiale tirée par les pays émergents et donc particulièrement consommatrice en matières premières ; (ii) d’un rationnement de la production par les pays producteurs ; (iii) d’une liquidité mondiale encore importante.

Quels actifs financiers privilégier dans un environnement stagflationniste ? Les matières premières apparaissent naturellement comme l’actif central d’un portefeuille de couverture contre l’inflation. Cependant, le risque associé à une telle position, plus particulièrement en ce qui concerne l’énergie et les métaux industriels, en limite la part au sein d’un portefeuille diversifié souhaitant conserver un degré de risque moyen. Historiquement moins volatil, l’or est souvent cité pour une protection contre l’inflation. Il s’agit là davantage d’une croyance que d’un fait avéré, la corrélation historique entre l’or et l’inflation étant statistiquement nulle (voire même négative en 2000 ou mi-2006 par exemple, lorsque l’inflation était proche ou supérieure à 4% aux États-Unis).

Concernant les marchés actions développés, une poussée inflationniste, théoriquement neutre pour cette classe d’actifs, a historiquement eu une influence négative sur sa performance globale (anticipation d’un impact dépressif sur l’activité réelle). Toutefois, une analyse plus fine des relations entre actions et inflation apporte les éclairages sectoriels suivants : les secteurs du Pétrole et Gaz, des Services Publics (notamment ceux dont le prix est indexé sur l’inflation), des Matières Premières (Minières plus particulièrement), et dans une moindre mesure des Technos et de la Chimie, surperforment le marché en période de forte inflation.

En revanche, les Télécoms, la Distribution et les Banques pâtissent davantage de ce scénario. Les bourses émergentes ont quant à elles historiquement bénéficié de la hausse des matières premières, notamment sur la période 2006-2010. Ceci s’explique par le fait que les prix des matières premières étaient alors soutenus par le dynamisme de l’activité mondiale et de cette zone en particulier. Dans un scénario de stagflation des pays développés, les pays les plus attractifs restent les pays producteurs de matières premières, surtout le groupe Russie / Brésil / Mexique et Afrique du Sud, qui bénéficie d’un effet richesse supplémentaire.

L’immobilier résidentiel apporte une bonne couverture contre l’inflation notamment de part l’indexation des loyers sur l’inflation, ce qui n’est pas le cas de l’immobilier commercial et de bureau qui est impacté négativement par un coût du financement plus cher couplé à des conditions d’emploi difficiles dans le cas d’une stagflation.

Enfin, parmi les autres actifs traditionnellement mis en avant pour accompagner un rebond de l’inflation, on retrouve les obligations indexées qui, par construction, procurent une performance sensible à l’évolution des prix. Cependant, leur forte corrélation aux obligations nominales remet en question leur avantage comparatif en période inflationniste (2006-2008) lorsque la liquidité est abondante et soutient le marché nominal.

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