Une taxe suicidaire

La France veut l’instauration d’une taxe sur les transactions financières (TTF) dès cette année et se dit prête à faire cavalier seul si les autres pays européens ne suivent pas.

La France veut l’instauration d’une taxe sur les transactions financières (TTF) dès cette année et se dit prête à faire cavalier seul si les autres pays européens ne suivent pas. Cette stratégie est suicidaire car le capital est extrêmement mobile et il pourrait déserter le pays alors que celui-ci a besoin d’investissements.

A l’approche de l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy, qui est candidat à sa succession, veut montrer qu’il est mobilisé face à la crise. Taxer les financiers lui permet aussi de rappeler son engagement de « moraliser » le capitalisme.

Henri Guaino, conseiller spécial du chef de l’Etat, a assuré vendredi 6 janvier qu’une décision sur la TTF serait prise « avant la fin du mois de janvier. »

La taxe « verra le jour dans le courant de l'année », a renchéri le ministre de l’Economie, François Baroin.

Pour couronner le tout, Nicolas Sarkozy lui-même est monté au créneau : La France « n'attendra pas que tous les autres soient d'accord ».

En clair, la France va s’engager toute seule dans cette voie. Car l’Allemagne, que l’actuel locataire de l’Elysée ne cesse citer en exemple depuis quelques mois, est réticente. « Le but est d'aboutir à l'instauration d'une taxe sur les transactions financières dans l'Union européenne », a souligné le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert.

Quand on connaît l’hostilité résolue du Royaume-Uni à une telle mesure, on peut considérer que la réponse allemande équivaut à une fin de non recevoir.

Il faut comprendre qu’après trois décennies de libéralisation, le capital circule tout autour de la planète sans aucun obstacle.

« Donner l’exemple » dans ce domaine, pour reprendre l’expression d’Henri Guaino, revient à s’isoler. Si la France impose une taxe sur les transactions financières réalisées sur son territoire, les institutions financières transfèreront leurs activités ailleurs, très certainement à Londres.

Dans l’hypothèse, totalement farfelue à ce jour, où le Royaume-Uni accepterait la fameuse TTF, le capital irait aux Etats-Unis. Si ces derniers optent aussi pour la taxe, d’autres cieux seront plus cléments : ceux de Hong Kong, de Singapour, de Suisse sans oublier les nombreux paradis fiscaux.

Pour être efficace, une taxe sur les transactions financières nécessite un accord mondial. Pour y parvenir, il convient de définir les objectifs : pourquoi une telle taxe ? S’agit-il seulement de « punir » les spéculateurs ? Quel taux appliquer ? Quelle utilisation des recettes prélevées ? Un accord englobant tous ces aspects a peu de chance de séduire l’ensemble des pays de la planète.

Peut-on au moins obtenir un accord régional, par exemple à l’échelle de la zone euro, où l’hostilité de principe à une telle taxe semble moins forte qu’ailleurs ?

Dans les circonstances actuelles, cela paraît improbable. Une taxe suppose que les pays qui veulent l’imposer sont assez solides pour se passer des flux de capitaux internationaux. Or, les pays de la zone euro sont endettés et ont besoin des investisseurs, américains, arabes, asiatiques.

La France peut-elle l’imposer seule ? Elle dépend grandement des marchés financiers pour financer sa dette. Contrairement au Japon ou à l’Italie, elle a opté, dans les années 1990 sous la pression des hauts fonctionnaires de Bercy, pour une internationalisation de la dette. Cela a permis de réduire les taux d’intérêt mais cela place le pays entre les mains des investisseurs et des agences de notation, celles-ci s’apprêtant d’ailleurs à dégrader la note de crédit du pays.

Une taxe fera fuir les investisseurs et provoquerait la destruction de l’industrie financière française, avec des milliers de suppressions d’emplois à la clé. En pleine récession et alors que le chômage continue de progresser, a-t-on vraiment besoin d’une mesure qui affaiblirait le pays ? Poser la question, c’est y répondre.

La France ne pourra donc pas imposer une taxe sur les transactions financières car cela serait suicidaire pour le pays. Pourquoi alors une telle agitation ? Nous sommes en pleine campagne présidentielle et il faudra s’habituer d’ici le scrutin à de telles promesses qui n’ont aucune chance de voir le jour.