Le lancement de la période des résultats des entreprises américaines

par John Plassard, Spécialiste en investissement chez Mirabaud

La recherche de l’information ou de l’élément qui pourrait accentuer ou inverser la tendance haussière, que nous connaissons depuis le fameux 24 décembre 2018, est crucial. Le début de la publication des résultats d’entreprises américaines pourrait bien être l’un de ces éléments cruciaux qui ferait revenir les flux. Après les risques concernant la guerre commerciale, les tensions au Moyen-Orient et la tentative de destitution du président Donald Trump, place (enfin) aux fondamentaux. Passage en revue.

a. Les faits

Le début de la saison des résultats d’entreprises américaines débute officiellement le 14 janvier lors de la publication de (notamment) Citigroup. Selon l’excellente étude de Factset (n’hésitez pas à me la demander) plusieurs éléments sont à attendre :

· Croissance des bénéfices : Pour le quatrième trimestre de 2019, la baisse des bénéfices estimée pour le S&P 500 est de -1.5%. Si la baisse devait effectivement être de -1.5%, ce serait la première fois que l'indice enregistre trois trimestres consécutifs de baisse des bénéfices d'une année sur l'autre depuis le troisième semestre 2015 (jusqu’au 2ème trimestre 2016).

· Révisions des résultats : Au 30 septembre, la baisse prévue des bénéfices pour le quatrième trimestre de 2019 était de +2.5%. Les 11 sous indices du S&P 500 affichent des taux de croissance plus faibles aujourd'hui (en comparaison avec le 30 juin) en raison des révisions à la baisse des estimations de BPA (EPS).

· Valorisation : Le ratio cours/bénéfice à terme sur 12 mois (forward 12-month P/E ratio) du S&P 500 est de 18.3. Ce ratio est supérieur à la moyenne constatée sur 5 ans (16.7) et supérieur à la moyenne sur 10 ans (14.9). Au niveau des secteurs, la consommation discrétionnaire est le secteur le plus cher (21.4) alors que le secteur de la finance (12.2) est le moins cher.

· Évolution des bénéfices : Pour le quatrième trimestre de 2019, 88% des sociétés du S&P 500 ont publié des prévisions positive concernant leurs BPA (EPS) et 75% des sociétés du S&P 500 ont publié des prévisions positives concernant leurs revenus.

b. Évolution des bénéfices

Au niveau de l’évolution des bénéfices, on a vu que 72 sociétés du S&P 500 ont publié des prévisions négatives concernant leurs BPA (EPS) et seulement 35 sociétés du S&P 500 ont publié des prévisions positives.

Le pourcentage d’entreprises ayant publié des EPS négatifs est donc de 67% (72 entreprises sur un total de 107) ce qui est au-dessous de la moyenne sur 5 ans (70%).

Les raisons qui expliquent pourquoi il y a un grand nombre d’entreprises (72) qui ont réduit leurs estimations de BPA tiennent à 2 secteurs : la consommation discrétionnaire et les matériaux (vs la technologie de l’information et la consommation discrétionnaire au troisième trimestre).

Au niveau de la consommation discrétionnaire les estimations des EPS sont passées de +2.5% à -13.6%. Globalement, depuis le 30 septembre 2019, 71% des entreprises (45 sur 63) ont connu des baisses de leurs estimations d’EPS.

Si on se focalise sur le secteur des matériaux maintenant, on réalise que 93% (!) des sociétés (26 sur 28) ont constaté un déclin de leurs estimations d’EPS depuis le 30 septembre 2019. Sur ces 26 sociétés, 8 ont connu des baisses d’estimation d’EPS de plus de 10%.

À noter que les sous-indices de l’énergie et de l’industrie ont aussi connu de fortes baisses de leurs estimations d’EPS.

c. Un premier trimestre 2020 sous le signe de la croissance

Si on analyse maintenant les prévisions de croissance des bénéfices et des revenus, on constate les éléments suivants :

· Pour l’année 2019 on constate que les analystes prévoient une hausse de 0.3% et une croissance des revenus de 3.8%.

· Pour le premier trimestre 2020 on constate que les analystes prévoient une hausse (base de comparaison oblige) de 5% et une croissance des revenus de 4.4%.

· Pour le deuxième trimestre 2020 on constate que les analystes prévoient une hausse de 6.6% et une croissance des revenus de 4.9%.

· Pour l’année 2020 on constate que les analystes prévoient une hausse de 9.6% et une croissance des revenus de 5.4%.

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d. Un impact sur la croissance américaine

Une baisse des bénéfices des entreprises aura forcément une incidence sur la croissance américaine. On se souvient par exemple que l'économie des États-Unis avait davantage ralenti qu'estimé initialement au quatrième trimestre 2018, à cause entre autre de stagnation des bénéfices des entreprises.

Pour mémoire, le PIB avait crû de 2,2% en rythme annualisé, alors que la précédente estimation donnait une croissance de 2,6%.

Les bénéfices des entreprises n'avaient alors pas augmenté au quatrième trimestre, pour la première fois depuis le troisième trimestre 2016, alors qu'ils avaient progressé de 3,5% sur le trimestre précédent.

Si les estimations des analystes devaient être respectées en 2020, nous devrions cependant assister à un apport positif pour l’économie américaine…

e. Comment évolue le S&P 500 durant la publication des résultats ?

Il est bien évidemment difficile de tirer une conclusion hâtive concernant la réaction du S&P 500 lors de la publication des résultats d’entreprises, car d’autres éléments rentrent actuellement en compte (tensions commerciales, tentative de destitution du président, crise au Moyen-Orient, …). Cependant on peut constater qu’à 3 reprises lors des 5 dernières publications trimestrielles, le S&P 500 a baissé en moyenne de -2.9% (durant les 6 semaines de publication). C’est important de le noter, car la tendance était largement haussière les 6 années précédentes.

f. Synthèse

Il y a plusieurs éléments qui pourraient expliquer un retournement du marché des actions. L’évolution des résultats des entreprises américaines en est un. Si on se réfère aux dernières publications trimestrielles, nous pourrions passer par une zone de turbulences (hausse de la volatilité) à partir de … demain !