par Jean-Luc Proutat, économiste chez BNP Paribas
Le 11 mars 2011, le Japon subissait l’un des plus violents tremblements de terre de son histoire. D’une magnitude exceptionnelle (9 sur l’échelle de Richter) le séisme a libéré une quantité d’énergie cinquante fois supérieure à celle qui détruisit Kobe, en 1995. Les conséquences, au premier rang desquelles les pertes humaines, sont sans commune mesure. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le bilan provisoire de la catastrophe fait état de 4 314 morts et 8 600 disparus. Mais dans les départements submergés du Nord-Est de l’Archipel, les autorités évoquent des « dizaines de milliers » de victimes.
La catastrophe a provoqué un accident nucléaire majeur dans la centrale de Fukushima, située à 250 kilomètres au nord de Tokyo et qui figurait parmi les plus importantes du pays (six réacteurs pour une puissance totale de 4,7 gigawatts). Suite à l’arrêt des systèmes de refroidissement, les trois réacteurs en activité de la centrale ont monté en température et subi de graves avaries. Le 16 mars, la TEPCO (la compagnie d’électricité de Tokyo qui exploite la centrale) faisait état d’une fonte partielle du cœur des réacteurs et de fissures dans les enceintes de confinement. Des mesures d’urgence, comme le déversement d’eau de mer sur les installations, étaient entreprises dans le but d’empêcher une fusion totale, comme lors de l’accident de Tchernobyl. TEPCO indiquait par ailleurs lutter contre le réchauffement des piscines d’entreposage du combustible usé, placées hors des enceintes de confinement et qui, de ce fait, présentent un risque de contamination élevé.
A un stade à la fois si proche et incertain de la catastrophe, un calcul d’impact économique peut sembler dérisoire. Quelle que soit sa rigueur, un chiffrage en milliards de dollars – une centaine au minimum- ne rendra jamais compte de la réalité du traumatisme vécu par les Japonais, le plus grave depuis 1945 aux dires mêmes du Premier ministre, M. Naoto Kan. Avec onze centrales nucléaires et six raffineries à l’arrêt, des routes et des barrages endommagés, il est évident que les capacités de l'économie sont amoindries. Contraint à des coupures d’électricité, le Japon va devoir importer davantage de combustibles dans les mois qui viennent, notamment du gaz. Ses excédents commerciaux vont chuter. Le 17 mars, sa production automobile, principale force exportatrice, était encore à l'arrêt. Toyota annonçait cependant une remise en route prochaine, mais partielle, de ses chaînes d'assemblage.
La cohésion de la population, ses abondantes réserves d’épargne, sa capacité à innover en dépit de son vieillissement, ou peut-être à cause de lui, sont les grandes forces du Japon. Elles lui permettront de surmonter l’épreuve. La chute de production à venir sera rattrapée, par le Japon lui-même mais aussi grâce à la coopération internationale.
Première illustration, la spéculation qui a fait s’envoler le yen – les marchés parient sur des rapatriements de capitaux – a déclenché une réponse coordonnée du G7. Les banques centrales des Etats-Unis, du Canada, d’Angleterre ainsi que la BCE conviennent d’intervenir aux cotés de celle du Japon sur le marché des changes. Suite à l’annonce, le yen reculait de quelque point de pourcentage face au dollar, mais à partir d’un point haut historique (78 JPY pour 1 USD le 17/3).