par Laurent Berrebi, directeur des études économiques de Groupama Asset Management
Les excellents indices ISM, tirés d’enquêtes tournées vers les grands groupes, donnent une image déformée car trop rose de l’économie américaine. La croissance, révisée de 3,2% à 2,8% au quatrième trimestre, demeure modérée. Les indicateurs concernant les PME sont faibles. Les indicateurs avancés globaux (Conference Board, OCDE) traduisent même un ralentissement, après un bon premier trimestre 2011 tiré par le commerce extérieur et les stocks. La remontée des taux longs va provoquer une rechute des ventes et une accentuation de la baisse des prix sur le marché de l’immobilier résidentiel, qui souffre toujours de la fragilité du système bancaire : la faible réduction du taux de défaut ne confirme pas la forte contraction des provisions opérée récemment par les banques.
Suite à sa contraction de 0,1% en janvier, la consommation des ménages devrait ralentir dès le premier trimestre et retrouver des rythmes de croissance de 2% annualisé, compatible avec un rythme de 200 000 créations d’emplois par mois, après une hausse de 4% au quatrième trimestre. Elle devrait même accentuer son ralentissement au deuxième trimestre suite au bond de 20% du prix du baril ces dernières semaines et à la chute des anticipations des ménages. L’inflation devrait remonter de 0,7 point dans les tout prochains mois.
Zone euro : contraction de la demande intérieure, bonne tenue des exportations
La croissance se maintient à 0,3% au quatrième trimestre. Elle est soutenue par les seuls échanges extérieurs. En revanche, la demande intérieure finale (hors stocks) baisse dans quasiment tous les pays, excepté en Allemagne, où elle a été apathique et en France où elle a été vigoureuse. La récession se poursuit dans tous les pays périphériques en dehors de l’Espagne (+0,2%), sauvée par la vigueur exceptionnelle des exportations (+4,5%).
La croissance sera plus forte au premier trimestre grâce au rebond du commerce mondial, au rattrapage dans le secteur de la construction suite aux intempéries du trimestre précédent, et à la reconstitution des stocks en France qui a subi un déstockage massif, consécutif à la vigueur de la consommation d’automobiles, avant l’arrêt programmé de la prime à la casse. Mais, la récession continuera dans les pays périphériques. La poursuite de la remontée des taux longs, en dépit des avancées dans la coopération européenne, et la récente envolée des prix du baril accroissent alors notre inquiétude sur la croissance qui va de plus en plus ressentir les effets des plans de rigueur budgétaire. L’inflation devrait remonter de 0,5 point dans les tout prochains mois et réduire d’autant le pouvoir d’achat des ménages. L’inflation sous-jacente à 1% devrait cependant continuer à baisser à la suite de la réduction de la demande potentielle des ménages.
Japon : une faille de plus
Un séisme sans précédent a frappé le 11/03/2011 cinq préfectures qui ne représentaient que 8% du PIB. Mais, le tsunami qui a suivi a dévasté toute la région, faisant des milliers de morts et disparus. Plusieurs centrales nucléaires ont été endommagées: 11 des 55 réacteurs nucléaires du Japon ont été arrêtés, alors que l’énergie nucléaire assure près du 1/3 de la production électrique. Plusieurs entreprises ont fermé pour rupture d’électricité, rupture d’approvisionnement dans la chaîne de production. Enfin, l’accident nucléaire de la centrale de Fukushima a été un cataclysme, notamment pour les Tokyoïtes qui assurent 40% du PIB du pays, touchés par la contamination radioactive et les répliques du séisme : les dépenses des ménages et l’investissement des entreprises devraient chuter. Au total, en cas de reprise en main rapide de la centrale de Fukushima, le PIB devrait fortement se contracter au deuxième trimestre, mais par la suite, les dépenses de reconstruction devraient soutenir la croissance. L’impact négatif serait alors provisoire pour le Japon et faible pour le reste du monde qui bénéficierait du choc d’offre énergétique négatif touchant le Japon où la politique énergétique devrait être remise en cause. En revanche, la persistance d’un risque nucléaire dans les prochaines semaines est susceptible de provoquer un retournement radical des anticipations des agents privés dans le monde entier et entraîner un affaiblissement sensible de la croissance mondiale.