Zone euro, hausse des taux et plan de soutien

par Jean-Luc Proutat, économiste chez BNP Paribas

Le 5 mars 2011, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) créait la surprise en indiquant, par la voix de son président J.C. Trichet, qu'une hausse des taux directeurs était possible dès le mois d’avril. Un séisme japonais a eu lieu depuis, suivi d’une offensive militaire internationale contre la Libye. Mais le discours n’a guère varié. Pour la BCE, l’évolution des prix en zone euro continue de faire l’objet d’une « grande vigilance », expression qui vient d’être reprise par deux membres du Conseil des gouverneurs (Mme Tumpel-Gugerell et M. Stark) et qui, dans la sémantique de la BCE, indique une hausse des taux.

Le président J.C. Trichet a par ailleurs réitéré, devant la commission des Affaires économiques du Parlement européen, ses craintes de voir les prix intérieurs soumis à des pressions « supérieures aux prévisions ». La parole reste ferme et les actes suivront. Certes, la probabilité d’un report n’est pas nulle, eu égard à la proximité de la catastrophe japonaise et à l’incertitude qui prévaut encore quant aux conséquences de celle-ci. Mais elle est faible.

A Francfort, le temps semble donc venu d’ajuster une politique monétaire jugée « très accommodante » à une évolution des prix devenue moins sage. Les signaux d'alerte demeurent pourtant ambigus. Le passage de l'inflation au-dessus de l'objectif de 2%, des enquêtes indiquant un renforcement du "pricing power" des entreprises peuvent expliquer une surveillance renforcée. Mais le niveau élevé du chômage en zone euro – peu compatible avec la manifestation d’effets de second tour – la faible progression des agrégats de monnaie et de crédit, ou encore la remontée de l’euro qui constitue en soi une forme de resserrement monétaire, questionnent sur l’opportunité d’une action immédiate.

Il est en réalité difficile de comprendre le message du 5 mars sans lui adjoindre une dimension politique. La BCE souligne à l'envi qu'une distribution prolongée d'argent facile finit par créer des "distorsions". En clair, les conditions monétaires actuelles n'incitent pas les banques les plus fragiles à se restructurer, tandis qu'elle leur permet de continuer d'opérer sur un pied d’égalité avec les entités les plus solides. Sont visés la quinzaine d'établissements qui, pour la plupart situés en "périphérie" de la zone euro, dépendent exclusivement des prêts de la BCE pour se refinancer. En promettant une hausse des taux d'intérêt, cette dernière marque donc les limites de son soutien. A la veille des sommets des 11 et 24 mars, elle renvoie aussi à leurs responsabilités les chefs d'Etats et de gouvernement.

Il était notamment de leur ressort d’apporter une « réponse globale » à la crise de la dette en zone euro. En mars, le Conseil devait entériner le Mécanisme européen de stabilité ainsi que les termes du « pacte pour l’euro » demandé par l’Allemagne et la France en échange de leur engagement aux côtés des États en difficultés : Grèce, Irlande et, probablement bientôt, Portugal. Le pays affronte une crise politique depuis que son Parlement s’est opposé, le 23 mars, à un nouveau plan d’économies budgétaires. Le Premier ministre, M. Socrates, a démissionné dans la foulée. Sans croissance (une baisse de 0,9% du PIB est attendue en 2011) et alors qu’il doit faire face à d’importantes tombées de dette (9 milliards d’euros d’ici à fin juin) le Portugal emprunte à des conditions trop onéreuses pour être soutenables. Sa dette à 5 ans est assortie d’un rendement de 8,5%. Un prêt du FESF de 70 à 80 milliards d’euros lui aurait été proposé par ses partenaires européens ; mais il n’est pas sûr que le gouvernement sortant, chargé d’expédier les affaires courantes, soit habilité à le négocier.

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