par Frederik Ducrozet, Bénédicte Kukla et Axelle Lacan, économistes au Crédit Agricole
- La question n’est pas tant de savoir si les hausses de taux de la Banque centrale européenne vont ou non avoir un impact négatif sur les économies de la «périphérie» de la zone euro – elles en auront certainement un – mais plutôt quelle en sera l’importance et quels autres facteurs pourraient contribuer à en atténuer les effets sur la croissance.
- Les modèles macroéconomiques suggèrent que l’impact agrégé sur le PIB de la zone euro des trois hausses de taux que nous prévoyons pour 2011 sera gérable et étalé sur le temps : à hauteur de 0,2 % du PIB sur un an et de 0,6 % sur trois ans.
par Frederik Ducrozet, Bénédicte Kukla et Axelle Lacan, économistes au Crédit Agricole
- La question n’est pas tant de savoir si les hausses de taux de la Banque centrale européenne vont ou non avoir un impact négatif sur les économies de la «périphérie» de la zone euro – elles en auront certainement un – mais plutôt quelle en sera l’importance et quels autres facteurs pourraient contribuer à en atténuer les effets sur la croissance.
- Les modèles macroéconomiques suggèrent que l’impact agrégé sur le PIB de la zone euro des trois hausses de taux que nous prévoyons pour 2011 sera gérable et étalé sur le temps : à hauteur de 0,2 % du PIB sur un an et de 0,6 % sur trois ans.
- Nous tablons par ailleurs sur une dépréciation de l’euro de l’ordre de 5 % en termes effectifs cette année, ce qui pourrait soutenir la croissance du PIB de la zone euro à hauteur de 1 % sur un an.
- L’impact des hausses de taux sur l’Irlande, le Portugal et l’Espagne sera probablement plus prononcé que ne le prévoient les modèles en raison du niveau élevé de dette privée, en particulier les prêts immobiliers assortis de taux variables et de courtes périodes de réajustement.
- Selon nos estimations, le resserrement monétaire envisagé par la BCE pourrait amputer la consommation en Espagne de 0,2 point de pourcentage en 2011 et de 0,5point en 2012. L’impact resterait donc gérable, en ligne avec nos prévisions de croissance.
Impact des hausses de taux sur la périphérie : et si l’on s’écartait des classiques ?
Une hausse des taux d’intérêt à court terme affecte l’économie réelle via plusieurs canaux, mais l’impact final sur chaque pays dépend de ses spécificités structurelles. Dans le contexte actuel, marqué par des tensions sur les marchés financiers, des contraintes pesant sur le crédit bancaire ainsi d’un processus de désendettement dans le secteur privé, les mécanismes habituels de transmission de la politique monétaire seront probablement affaiblis. En particulier, les banques commerciales pourraient hésiter à répercuter les hausses de taux directeurs sur les taux bancaires de détail dans la mesure où la compression des spreads de crédit bancaire va probablement se poursuivre à terme. De plus, la politique monétaire ne va pas devenir restrictive dans l’immédiat. Elle sera seulement de moins en moins accommodante.
Néanmoins, on peut raisonnablement penser qu’une hausse des taux, aussi faible soit-elle, n’est pas la bienvenue pour les pays vulnérables de la « périphérie ». Selon notre analyse, l’Espagne et le Portugal seraient les plus exposés, compte tenu du niveau élevé de leur dette privée. Nous estimons, cependant, que l’impact final des hausses de taux devrait rester gérable dans notre hypothèse centrale de dépréciation de l’euro et de resserrement des spreads souverains.
Il convient de rappeler, en particulier, que la transmission de la politique monétaire est un processus de long terme. En règle générale, l’impact d’une hausse des taux sur l’économie réelle se fait pleinement sentir après deux à trois ans; il y a notamment un décalage entre l’ajustement par les banques de leurs taux d’intérêt sur les prêts et la réaction de la demande privée. Or d’ici à deux ans, nous pensons que les pays périphériques, et l’Espagne en particulier, seront dans une situation moins fragile qu’aujourd’hui.
Nous avons choisi de centrer notre étude sur le secteur privé plutôt que sur la dynamique du secteur public. En effet, les hausses de taux directeur n’auront probablement pas un impact majeur sur les spreads souverains à long terme, qui restent très volatils et, en grande partie, tributaires du sentiment du marché et de l’évolution des finances publiques dans les pays de la périphérie. Dans notre scénario central, les primes de risque souverain vont pour la plupart diminuer cette année en réponse aux mesures de soutien mises en œuvre à l’échelle de l’UE ainsi qu’aux réformes fiscales et structurelles annoncées par les Etats-membres. Dans une première partie, nous estimons à l’aide de modèles quantitatifs l’impact potentiel des hausses de taux de la BCE sur la croissance de la zone euro dans son ensemble et sur les pays de la périphérie. Dans une deuxième partie, nous étudions plus en détail l’impact sur le bilan des ménages et des entreprises espagnols selon diverses hypothèses.
Faible impact selon les modèles macro-économétriques et les Indices des Conditions Monétaires (ICM)
Les modèles macroéconomiques fournissent une estimation approximative de l’impact théorique du durcissement monétaire sur l’économie réelle, avec toutes les précautions d’usage liées aux incertitudes entourant ces estimations et aux changements structurels des canaux de transmission monétaire depuis la création de l’UEM. D’après des études de la BCE1 et de l’OCDE2, l’impact agrégé d’une hausse des taux BCE de 100 pdb sur le PIB de la zone euro semble plutôt gérable et étalé sur le temps. L’effet sur la croissance serait inférieur à 0,3% du PIB la première année et 0,75 % sur trois ans. Dans notre scénario central, nous prévoyons trois hausses de taux de 25 pdb en 2011 et un resserrement monétaire cumulé de 150 pdb d’ici au troisième trimestre 2012, sachant que l’impact économique devrait dans ce cas s’étaler jusqu’à la fin 2014.
De façon cruciale, les variations de change devraient avoir un impact bien plus marqué que celui lié à la hausse des taux d’intérêt.
Ainsi, l’impact sur le PIB d’une dépréciation de 5 % du taux de change effectif nominal (TCEN) de l’euro – ce qui correspond plus ou moins à notre scénario pour les douze mois à venir – serait environ deux fois supérieur à celui de la hausse prévue des taux courts.
Les modèles de la BCE donnent également une estimation de la réaction du PIB au resserrement monétaire dans chaque pays de la zone euro ; ils suggèrent notamment que la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et l’Irlande seraient les plus exposés (dans cet ordre). Il convient néanmoins de ne pas prendre ces estimations au pied de la lettre ; ces modèles sont, en effet, basés sur des données historiques allant jusqu’à 2001, c’est-à-dire avant le début du processus d’endettement rapide du secteur privé dans plusieurs pays de la périphérie.
Pour cette raison, nous considérons un autre indicateur quantitatif – un Indice des Conditions Monétaires (ICM) – pour évaluer l’orientation de la politique monétaire en tenant compte à la fois des canaux des taux d’intérêt et des taux de change. Les ICM, développés à l’origine par la Banque du Canada dans les années 1990, ont pu servir d’instrument pour apprécier le degré d’accommodation de la politique monétaire. Il existe de nombreuses méthodes de construction de ces indices, mais un ICM est habituellement établi à partir de la moyenne pondérée des taux courts, des taux longs et des taux de change effectifs nominaux ou réels. Toutes les variables sont normalisées par rapport à une période de référence et les cœfficients reflètent la sensibilité de l’ICM aux variations de chaque composante. Ils sont habituellement estimés à l’aide de modèles économétriques simples avec régression du PIB sur l’ensemble de l’échantillon de variables financières, tout en contrôlant par d’autres variables comme le PIB mondial à titre de proxy de la demande externe.
Une augmentation de l’ICM indique un resserrement des conditions monétaires (avec un impact négatif probable sur la croissance du PIB) et une baisse de l’ICM, un assouplissement (avec un impact positif sur la croissance)3. Nous commençons par calculer un ICM réel à l’échelle de la zone euro à l’aide d’estimations de cœfficients empruntées aux modèles de l’OCDE et de l’INSEE4. D’après nos estimations relatives aux taux BCE (hausse cumulée de 150 pdb d’ici au quatrième trimestre 2012), aux taux à long terme (augmentation progressive du rendement du bund à dix ans à 4,25 % au T4 2012) et aux taux de change (fléchissement de l’EUR/USD à 1,18 d’ici au T4 2012, qui devrait se traduire par une dépréciation de 8-10 % de l’euro en termes effectifs nominaux), nos simulations confirment que malgré le resserrement prévu, l’orientation globale de la politique monétaire dans la zone euro resterait très accommodante dans les deux prochaines années. L’ICM s’établirait à fin 2012 à des niveaux similaires à ceux observés à la fin 2005, avant le début du précédent cycle de resserrement. Cependant, ce résultat ne vaudrait que dans le cadre de notre hypothèse principale d’un fléchissement de l’euro en termes effectifs.
Nous calculons ensuite les ICM nationaux pour illustrer de manière plus détaillée l’idée selon laquelle l’impact du resserrement monétaire sera très variable d’un pays à l’autre. Pour aboutir au modèle le plus robuste possible, nous avons choisi de procéder à une régression conjointe de la croissance du PIB dans les pays « périphériques » (Espagne, Italie, Irlande, Grèce, Portugal et Belgique) sur le même ensemble de variables explicatives (taux à court terme et à long terme, TCEN et PIB mondial). Seuls les taux à long terme et les taux de change effectifs varient d’un pays à l’autre.
Les résultats montrent qu’à l’exception de la Grèce, les conditions monétaires dans les pays périphériques ne sont pas encore devenues très restrictives car des taux très bas à court terme et un TCEN plus ou moins neutre ont contribué à compenser l’impact de l’élargissement des spreads souverains. Là encore, selon nos hypothèses centrales pour ces variables, le durcissement attendu des conditions monétaires devrait rester dans l’ensemble limité à l’horizon des prévisions, sachant toutefois que les ICM reviendront probablement en territoire restrictif à un moment ou à un autre en 2011, comme ce fut le cas en 2006.
Outre les variations passées et futures des ICM nationaux, il convient de souligner deux résultats intéressants. Tout d’abord, les pondérations du taux d’intérêt à trois mois (32 %) et du taux de change effectif nominal de l’EUR (63 %) dans les ICM nationaux sont nettement supérieures à la pondération du taux d’intérêt à dix ans (5 %). De toute évidence, la conclusion aurait été différente si nous avions privilégié la dynamique de la dette publique. Ensuite, les ICM montrent que les taux d’intérêt et les taux de change ont un impact décalé de dix à seize mois sur la croissance du PIB tandis que le PIB mondial a un effet notable sur celui des pays de la zone euro avec un décalage de trois mois.
Pourquoi la problématique des pays périphériques est-elle différente ?– Le point sur la dette du secteur privé
– Fragilité du crédit immobilier dans les pays de la périphérie
L’impact que pourrait avoir une hausse de taux sur les remboursements de prêts hypothécaires est le facteur le plus fragilisant pour les pays de la périphérie. La majorité des prêts immobiliers dans les pays de la périphérie ont été établis sur la base de taux variables, avec de courtes périodes de réajustement. Au Portugal comme en Espagne, les taux sont liés, respectivement, à l’Euribor six et douze mois. En Grèce et en Irlande, les taux sont ajustés par rapport au taux de refinancement principal. Cependant, la part des taux variables a nettement diminué pour la Grèce entre 2005 et 2007, probablement sous l’effet de la faiblesse des taux d’intérêt en 2005. Dans les pays du noyau dur, en revanche, les prêts immobiliers sont essentiellement accordés à taux fixes : la fixation à long terme des taux d’intérêt est la pratique habituelle dans le secteur du crédit immobilier en Allemagne et aux Pays-Bas (entre cinq et dix ans), ainsi qu’en France et en Belgique (plus de dix ans en règle générale).
Au regard de ces observations, le Portugal, l’Irlande et l’Espagne sont les trois pays les plus vulnérables à un relèvement des taux.
– Le cas de l’Espagne
Nous avons essayé de quantifier l’impact d’une hausse des taux de 100 pdb sur les ménages d’après les données disponibles dans les comptes nationaux espagnols5. Les versements d’intérêts en pourcentage du revenu disponible ont atteint un point culminant en Espagne en 2008. Les versements d’intérêts ont ensuite nettement reculé en lien avec la baisse des taux à des niveaux exceptionnellement bas pendant la crise, et du ralentissement de l’endettement des ménages. D’après nos estimations approximatives, une hausse des taux d’intérêt de 100 pdb sur une période d’un an augmenterait la charge des intérêts pour les ménages espagnols d’environ 6Mds€, portant la part des intérêts versés dans leur revenu disponible des ménages de 2,2 % à 3,3 % (hypothèse d’un encours de dette stable en 2011). A l’évidence, le ratio reste nettement inférieur à son point culminant de 2008, mais le climat économique en Espagne est nettement plus fragile aujourd’hui qu’il y a trois ans.
En réalité, l’impact du relèvement des taux de la BCE ne sera pas totalement perçu en 2011 ; le surcroît de charge d’intérêts devrait, en effet, s’étaler sur plusieurs trimestres. De manière générale, l’impact d’une hausse des taux sur l’activité économique s’étale sur une période d’environ dix-huit mois en Espagne ; de plus, les hausses devraient être progressives. Dans ces conditions, l’impact négatif sur la consommation sera également graduel. En considérant un impact du relèvement des taux sur le revenu disponible sur les deux prochaines années (un trimestre en 2011 et trois trimestres en 2012), la consommation devrait être réduite de 0,2 point de pourcentage en 2011 et de 0,5 point de pourcentage en 2012. Il convient de garder présent à l’esprit que les calculs ci-dessus sont des approximations qui ne tiennent pas compte de l’impact que la hausse des taux pourrait avoir sur le taux d’épargne.
– Le tour de vis monétaire va peser sur la consommation et fragiliser les bilans
Une chose est sûre, néanmoins, pour l’Espagne et les autres pays de la périphérie, le relèvement des taux qui s’annonce se produit à un moment où les ménages sont déjà dans une situation très difficile. Le chômage atteint des sommets historiques et les revenus pâtissent des mesures d’austérité budgétaire. Sous l’effet conjugué de ces facteurs, la consommation privée va, selon notre analyse, continuer à décevoir dans ces pays. En 2011, elle devrait se contracter au Portugal (-2,6 % en g.a.) et en Irlande (-1,1 %), et demeurer très faible en Espagne (+0,1 % en 2011 contre +1,3 % en 2010).
Outre l’impact sur les ménages, la hausse des taux d’intérêt fait également peser des risques sur le secteur bancaire et celui du logement. Les banques des pays périphériques ont d’ores et déjà commencé à réduire leur bilan, car les emprunteurs qui auraient été à même de rembourser leurs prêts ont dû engager un processus douloureux de désendettement ; quant aux prêts accordés aux emprunteurs défaillants, ils ont été reclassés dans les créances douteuses. Cependant, eu égard à l’importance de l’endettement dans le secteur privé avant la crise, le nombre de créances douteuses pourrait fort bien continuer à grimper, en raison des difficultés que rencontrent les ménages à bas revenu pour rembourser leurs prêts hypothécaires6. Enfin, compte tenu de l’accès limité au crédit et de l’offre excédentaire grandissante de logements, le redressement dans le secteur de la construction n’est pas à attendre à court terme. Dans les trois pays susmentionnés, nous prévoyons une poursuite de la contraction des investissements dans ce secteur.
Conclusion : un obstacle à la « re-convergence » de l’UEM
Si l’impact cumulé du resserrement monétaire sur la croissance économique semble gérable pour la zone euro dans notre scénario central (150 pdb de relèvement cumulé des taux par la BCE dans les dix-huit prochains mois parallèlement à un affaiblissement de l’EUR/USD à 1,18 au T4 2012), l’impact défavorable sur la périphérie sera probablement plus marqué pour des raisons de différences structurelles.
Dans l’ensemble, la situation dans les pays de la périphérie ne s’est pas encore stabilisée ; aussi la hausse des taux d’intérêt quoique modeste, va-t-elle constituer un nouvel obstacle à la croissance du PIB dans ces économies déjà affaiblies. Le pouvoir d’achat des ménages, en particulier, devrait s’en ressentir, l’augmentation des taux variables entravant la croissance du revenu disponible. De plus, la hausse des coûts de financement et l’accroissement probable des prêts immobiliers non productifs constituent des risques non négligeables pour le secteur bancaire.
Dans un tel contexte, on voit mal comment la divergence entre les économies de la zone euro pourrait rapidement se réduire. Au mieux, le processus de « re-convergence » semble appelé à rester très graduel, d’où la nécessité accrue pour les pays du noyau dur de la zone euro de soutenir les petits pays de la périphérie et de surveiller de près l’évolution de la situation en Espagne, en particulier.
NOTES
- “Monetary policy transmission in the Euro area – Where do we stand?”, document de travail de la BCE (janvier 2002).
- “The OCDE’s new global model”, document de travail de l’OCDE (mai 2010).
- S’agissant de la règle de Taylor, les ICM ne sont pas à l’abri de défauts méthodologiques et statistiques et doivent, par conséquent, être utilisés avec précaution. Cela dit, les ICM constituent un bon moyen de comparer les conditions monétaires et financières actuelles aux données passées, et de faire des prévisions basées sur nos anticipations de taux d’intérêt et de taux de change.
- «Les conditions monétaires et financières courantes et passées dans la zone euro et aux Etats-Unis », DPAE Minefi (Juin 2005).
- Les versements d’intérêts par les ménages sont comptabilisés dans les “revenus immobiliers, exigibilités” des les comptes non financiers dans les Comptes nationaux.
- Comme indiqué dans un document publié par la Banque d’Espagne, l’impact de la hausse des taux d’intérêt sur la charge de la dette des ménages doit également être évalué par segment de revenu, et pas uniquement sur la base d’indicateurs agrégés. Contrairement aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, le ratio de la dette des ménages espagnols est inversement proportionnel à leur niveau de revenu. Il faut s’attendre à ce que les faibles revenus soient plus sensibles aux variations des taux d’intérêt que les ménages aux revenus plus élevés.
ANNEXE : mécanismes théoriques de transmission d’une hausse de taux à l’économie réelle
En théorie, le niveau et les variations du taux de refinancement de la BCE influencent l’économie par le biais de deux principaux canaux de transmission : le canal des taux d’intérêt et le canal du crédit. La hausse du taux de refinancement de la BCE va dans un premier temps impacter l’environnement monétaire et financier et, in fine, la croissance du PIB.
– Impact de la hausse du taux de refinancement de la BCE sur l’environnement monétaire et financier
L’augmentation des taux de la BCE va entraîner un ajustement des autres taux d’intérêt, des taux de change et des prix des actifs. Cet ajustement découle des opportunités d’arbitrage des investisseurs :
- L’impact sur les taux d’intérêt à long terme devrait rester modeste. Certes, une hausse des taux à court terme peut avoir un «effet de portefeuille », les investisseurs redirigeant leurs capitaux vers des instruments du marché monétaire à court terme devenus plus attractifs. Toutefois, si les marchés sont convaincus que les risques d’inflation future sont écartés par la mise en œuvre d’une politique monétaire plus restrictive, la composante inflationniste des taux d’intérêt à long terme sera réduite (Effet Fisher).
- Un impact défavorable sur le cours des actions est susceptible d’être observé, le prix d'une action pouvant être perçu comme la valeur actualisée des dividendes futurs. Il existe un autre canal, celui de la prise de risque : l’augmentation du rendement des actifs sans risque peut, en effet, détourner les investisseurs des actifs risqués.
- L’euro devrait s’apprécier (toutes choses égales par ailleurs) : la monnaie devient plus attractive (augmentation des différentiels de taux d’intérêt) et génère des afflux de capitaux.
- La hausse du coût du financement à court terme, outre son impact sur les marchés, a également des répercussions sur le secteur bancaire. Les taux d’intérêt déterminent les coûts de financement des banques, à la fois sur les marchés monétaires et financiers. Or, plus leurs coûts de financement sont élevés, moins les banques sont incitées à prêter, et plus elles prêtent à des taux élevés. La politique monétaire a donc un impact simultané sur les conditions et le volume de crédit distribué au sein de l’économie. Un impact défavorable peut, par ailleurs, être observé sur le marché immobilier.
– Impact de ce nouvel environnement monétaire et financier sur la croissance du PIB
Ce nouvel environnement monétaire et financier, caractérisé par des taux à long terme plus élevés, une baisse des prix des actifs, une appréciation de l’euro et un accès plus restreint au crédit, va à son tour impacter l’économie réelle par plusieurs biais :
- Effet de substitution : La hausse des taux d’intérêt va inciter les ménages, mais aussi les entreprises, à revoir l‘arbitrage entre leur consommation immédiate et leur épargne, désormais devenue plus attractive.
- Effet de revenu : La hausse des taux d’intérêt a un impact direct sur les flux d’intérêts perçus par les créanciers et les charges d’intérêts versées par les débiteurs. L’ampleur de cet effet dépend de la taille et de la composition du bilan des agents.
- Effet de richesse défavorable : L’impact défavorable de la hausse des taux sur les prix des actifs financiers comme immobiliers peut amener les ménages à percevoir une diminution de la valeur de leur patrimoine. S’ils la jugent durable, leur revenu permanent recule, et ils peuvent être tentés de limiter leurs dépenses de consommation.
- Détérioration des bilans dans le secteur privé : En alourdissant les charges financières des prêts à taux variable et des nouveaux financements, la hausse des taux d’intérêt entraîne une dégradation de la situation financière des agents. Ainsi, la demande de crédit, des entreprises comme des ménages, va probablement freiner. De plus, les banques auront tendance à se montrer plus vigilantes dans l’octroi des prêts. Ce surcroît de prudence va amplifier les conditions restrictives de l’offre de crédit, déjà engendrées par le renchérissement des coûts de financement évoqué précédemment.
- Effets de change : L’appréciation de l’euro devrait entraîner une diminution de la demande extérieure pour les produits européens, et une augmentation de la demande de biens étrangers en zone euro, compromettant ainsi le redressement des exportations nettes. L’efficacité de ce canal de transmission dépend du degré d’ouverture des économies au commerce international.
Sous l'effet du ralentissement conjugué de la consommation des ménages, de la demande d'investissement des entreprises et des exportations nettes, la progression de la demande globale devrait fléchir, puis le taux de croissance de la production effective. Toutefois, il est à noter que si les modifications apportées par la BCE au taux du financement à un jour ont presque toujours des effets immédiats sur le taux de change et les taux d'intérêt (voire anticipés), selon les estimations actuelles, il faut compter de douze à dix-huit mois pour que la plus grande partie des retombées d'une mesure de politique monétaire sur la production globale soit observée.
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