par Isabelle Rome, Head of Credit Strategy chez Dexia Asset Management
Conséquence de la crise, c’est l’ensemble du système financier mondial qui réduit son levier financier avec un transfert partiel vers l’endettement public. Les banques sont un acteur majeur de ce processus. Le renforcement de la capitalisation se poursuit, avec déjà près de € 680 bn de capitaux injectés dans les institutions financières à travers le monde, ce qui compense les pertes enregistrées sur les actifs et renforce les ratios de capitalisation. Parallèlement, la limitation de la taille des bilans reste de mise avec les resserrements de conditions d’octroi de prêts. Néanmoins, le désendettement a un coût élevé en termes de profitabilité.
Les dépréciations d’actifs et le ralentissement d’activités des derniers mois ont fait reculer les profits de 48% au premier semestre de 2008 par rapport au premier semestre de 2007. Nous tablons sur un Return on Equity de 8% en 2009 contre 7% en 2008 et 13% en 2007 car les suites de la crise pèseront encore, notamment suite à l’augmentation attendue des provisions pour créances douteuses.
En 2009, pour les sociétés non-financières, nous estimons une forte chute des profits d’au moins 11%. Les émetteurs les plus fragiles afficheront une détérioration de leur qualité de solvabilité menant certainement à des downgrades. Néanmoins, contrairement à la dernière crise du crédit (2000-2002), certaines sociétés réagissent plus pro-activement en annulant les opérations de M&A, en coupant les investissements et les rachats d’actions. Une analyse détaillée de l’univers Investment Grade montre que leur position de liquidité est bonne dans l’ensemble, même en tenant compte d’une sévère réduction sur la génération de cash flows. En effet, de nombreuses sociétés ont tiré profit du bull market de 2005 à début 2007 pour réajuster leur profil de dette et contracter des prêts bancaires à des conditions très avantageuses.
Les divers plans de recapitalisation, de garanties gouvernementales et les baisses successives du loyer de l’argent sont autant d’éléments de soutien pour 2009.
Les systèmes de garanties étatiques permettent d’assurer le financement des établissements financiers. D’autre part, les injections de capital marquent un transfert de risque du privé vers le public, de nature à renforcer la crédibilité de l’institution et de stabiliser le système. Enfin, les baisses de taux successives des taux directeurs, surtout aux Etats-Unis où les taux sont fixés entre 0 et 0.25%, apporteront un effet stimulant aux économies avec un délai de 6 à 12 mois.
La particularité des spreads actuels est qu’ils intègrent une part non-négligeable de prime de liquidité. Celle-ci disparaîtra avec le retour de la confiance et un fonctionnement plus harmonieux des marchés, c’est-à-dire avec le retour de la prise de risque. Néanmoins, tenant compte du scénario retenu pour les fondamentaux des sociétés investment grade décrit ci- dessus, les spreads actuels rémunèrent plus qu’exigé.
En effet, la rémunération moyenne offerte sur la classe d’actifs compense un taux de faillite de 20% sur 5 ans alors qu’historiquement le maximum enregistré pour la catégorie investment grade sur 5 ans s’élève à 4.5%.
Avec un rendement à maturité de 8%, une prime de risque de 490 p.b. (la plus élevée depuis 90 ans) et 18 mois de crise derrière nous, quel rendement espérer pour 2009 ? Les niveaux élevés des spreads constituent un coussin de protection non-négligeable pour le rendement futur. Ils peuvent s’écarter annuellement de 100 points de base avant de générer un excess return négatif vis-à-vis des obligations gouvernementales. Dans un scénario de statu quo des spreads de sociétés non-financières et d’une diminution de 200 p.b. des spreads des sociétés financières, le rendement total attendu pour la poche du crédit IG pourrait s’élever jusqu’à 9.2% pour 2009, soit un excess return de 7% au dessus des obligations d’Etat.
Notre vue à long terme sur le crédit est positive car la rémunération actuelle incorpore déjà beaucoup de mauvaises nouvelles concernant l’évolution de l’économie mondiale alors que le soutien des états et des banques centrales est un facteur de soutien du système financier. Il s’agit d’une opportunité intéressante pour acquérir du crédit Investment Grade de bonne qualité.
Nous appliquons dès lors une approche constructive, construisant progressivement une surpondération sur les émetteurs de qualité.
Notre approche se base sur une sélection rigoureuse des émetteurs en privilégiant :
- Les banques commerciales avec un fort ancrage retail présentant une bonne diversification géographique et de produits et une base de dépôts saine.
- Les émetteurs non cycliques, occupant des positions dominantes au sein de leur secteur d’activité et de préférence noté AA/A plutôt que BBB
- Les sociétés génératrices de cash flows, affichant des revenus solides ou récurrents (dû à un bon mix de produits et à une bonne diversification géographique), disposant de liquidités confortables.
Enfin, la diversification est une des clés de surperformance au sein d’un portefeuille, 2008 l’a rappelé à ceux qui l’avaient oublié. La distribution des excess returns annualisés d’un portefeuille diffère largement suivant le nombre d’émetteurs le constituant.
En conclusion
- La phase de désendettement se poursuivra en 2009
- La prime de risque actuelle (490 bp) est historiquement une rémunération élevée.
- Une approche constructive, basée sur la diversification et l’identification des risques spécifiques constitue une stratégie gagnante à moyen terme