par Alexandra Estiot, économiste chez BNP Paribas
L’été 2011 a été terrible, marqué par l’accentuation de la crise budgétaire dans le monde développé. Certes, le pire a été évité : le Congrès américain a fini par trouver un accord sur le relèvement du plafond de la dette fédérale, les leaders européens sont parvenus à s’entendre sur un nouveau plan de soutien à la Grèce et la BCE, en réactivant son programme d'achats d'obligations souveraines, est parvenue à faire baisser les rendements sur les emprunts d’Etat espagnols et italiens (en trois semaines, la BCE a racheté pour EUR 43 mds d’emprunts d’Etat de la zone Euro). Cela ne veut pas dire que la crise est terminée, et les gouvernements doivent maintenant tenir leurs engagements d’austérité.
Le Royaume-Uni s’est engagé le premier dans cette voie, le Premier ministre David Cameron ayant été élu sur la base de cette promesse : dès juin 2010, le Chancelier de l’Echiquier s’est engagé à éliminer le déficit budgétaire structurel en cinq ans, se fixant pour objectif une réduction du ratio de dette sur PIB dès l’exercice 2014-2015. Le budget de l’exercice 2011-2012, présenté en mars, n’a pas changé cet objectif, et les mesures visant à favoriser une croissance plus équilibrée restent neutres quant aux objectifs de déficits.
La crise de la dette souveraine a conduit la Grèce, l’Irlande et le Portugal à réduire leurs déficits. A la fin juin, la Grèce a dû voter un nouveau train de mesures visant à économiser l’équivalent de 2,8 points de PIB, afin d’obtenir un second plan de sauvetage. Côté dépenses, le plan prévoyait : un gel des pensions de retraite, une réduction des prestations sociales et une baisse de 150 000 du nombre de fonctionnaires. Côté recettes, la TVA sera relevée dans les bars et les restaurants, et un nouvel impôt sera introduit. Un impôt de « solidarité » sera appliqué aux revenus des ménages, avec un taux de 1 % à 4 %. Grâce à ces nouvelles mesures, le gouvernement espère atteindre l’objectif de ramener le déficit budgétaire à 7,5 % en 2011.
Au Portugal, on ne peut qu’être frappé par le nombre de plans d’austérité successifs : le Premier ministre précédent, Jose Socrates, a dû démissionner en mars après le rejet par le Parlement de son quatrième plan. Le 31 août, Vitor Gaspar, le nouveau ministre des Finances, a annoncé un nouveau plan. Le gouvernement se fixe pour objectif de ramener le budget à l’équilibre dans un délai de cinq ans, avec une forte réduction des dépenses (équivalant à 7 points de PIB, avec l’extension d’un gel des salaires des fonctionnaires, l’accélération de la réduction des effectifs dans le secteur public et une réduction des prestations sociales) et une hausse des impôts (avec l’introduction d’un nouvel impôt de « solidarité » sur les revenus des ménages et des entreprises les plus élevés). Cet ajustement doit provenir pour deux tiers d’une réduction des dépenses et pour un tiers d’une augmentation des recettes.
En juillet, alors que les regards des investisseurs se tournaient de nouveau vers l’Espagne, les marchés ont également commencé à s’intéresser au cas de l’Italie. Les rendements sur les emprunts d’Etat des deux pays sont montés en flèche, et, au plus fort de la crise, l’écart de rendement avec le Bund allemand a bondi à environ 400 points de base. Cette évolution a conduit Silvio Berlusconi et José Luis Zapatero à annoncer des réductions budgétaires. L’Italie a réagi particulièrement vite : la Chambre des députés a voté des mesures de réduction du déficit de EUR 48 mds en seulement une semaine ! Par la suite, le gouvernement italien a annoncé quatre mesures supplémentaires visant à ramener le budget à l’équilibre d'ici à 2013 et non plus 2014 comme prévu auparavant (à travers des réductions du financement des retraites, un renforcement des mesures contre la fraude fiscale, une réduction du train de vie général de l’Etat et la suppression de certaines autorités publiques locales – mesures qui sont actuellement férocement discutées). La réaction du gouvernement espagnol ressemble davantage à un réglage fin, avec seulement EUR 5 mds de mesures visant à assurer l’objectif de déficit de cette année.
De plus, les gouvernements italien et espagnol se sont engagés à adopter la « règle d'or » de l’équilibre budgétaire. L’Espagne doit changer sa constitution (la question est actuellement discutée au Parlement) pour que les critères de Maastricht ne puissent plus être violés. Cela impliquerait de maintenir le déficit en-deçà de 0,4 % du PIB (sur la durée d’un cycle économique) à partir de 2020. Le budget des municipalités devrait être à l’équilibre, tandis que les régions et l’administration centrale ne pourraient pas afficher un déficit supérieur à 0,14 % et 0,26 % respectivement.
De fait, la règle de l’équilibre budgétaire pourrait être adoptée par plusieurs autres pays de la zone Euro, suivant la proposition formulée par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel à la mi-août. De plus, le sommet des dirigeants de la zone euro le 21 juillet avait résolu de resserrer les objectifs budgétaires pour l'ensemble des pays membres de la zone Euro (les déficits budgétaires seront ramenés sous les 3 % d'ici à 2013). Cette situation a conduit la France et l’Allemagne à annoncer elles-mêmes des mesures de discipline budgétaire.
Enfin, et surtout, les Etats-Unis sont également aux prises avec un déficit budgétaire considérable, aussi bien au niveau des Etats et collectivités locales qu’au niveau fédéral. Les Etats n’ont guère le choix : l’ampleur de la crise financière et la contraction économique qu’elle a entraînée se sont traduites par des déficits ex-post considérables, qui n’a pas pu être couverte entièrement par les fonds de stabilisation budgétaire (« rainy day funds »). De fait, ces fonds se sont trouvés rapidement épuisés et les Etats doivent à présent procéder à un tour de vis budgétaire1. Cette situation est illustrée par une réduction des dépenses (qui a réduit de 0,3 point de PIB la croissance en 2009-2010, et encore de 0,7 point au premier semestre 2011) et par une baisse des créations d’emplois (145 000 postes en moins en quatre ans et demi). En ce qui concerne le gouvernement fédéral, il faudra attendre de connaître les conclusions des travaux de la commission budgétaire, qui a pour mission d’identifier USD 1 500 mds d’économies et de recettes supplémentaires (sur dix ans) avant le 23 novembre. Si la commission ne parvient pas à trouver le moyen de dégager ces économies, ou si le Congrès désapprouve ses conclusions, les dépenses seront réduites automatiquement de USD 1 200 mds.
1 Jean-Marc Lucas : « Finances publiques locales aux Etats-Unis : de la récession à l’austérité », Conjoncture BNP Paribas, Avril 2011.