États-Unis : pour vivre heureux, vivons cachés

par Isabelle Job, économiste au Crédit Agricole

  • Les ventes au détail restent sur une tendance dynamique en octobre avec une progression de 0,5% sur le mois.
  • La production industrielle a également surpris positivement avec une hausse de 0,7% m/m.
  • L’inflation totale décélère en ligne avec le repli des prix de l’énergie, mais le sous-jacent progresse, tiré par la composante loyers.

 

Les ventes au détail ont progressé de 0,5% au mois d’octobre, ce qui est supérieur aux attentes. Les ventes automobiles continuent à augmenter mais sur des rythmes ralentis, après le fort rebond du mois de septembre. Les livraisons de nouveaux modèles chez les concessionnaires auto, perturbées depuis le printemps par des problèmes amont d’approvisionnement en composants et pièces détachées, semblent être progressivement revenues à la normale.

Les ventes au détail vont donc désormais devoir trouver un autre élément de traction. En octobre, les magasins spécialisés en électronique grand public et en électroménager ont enregistré une très forte progression de leurs ventes (+3,7% m/m). Les achats dans les grands magasins ont, en revanche, stagné, avec des consommateurs qui ont probablement marqué une pause avant de faire leurs emplettes de Noël. Le secteur de l’habillement a également souffert (-0,7% m/m), ce qui est souvent le cas après la période de rentrée scolaire. Avec des prix à la pompe en baisse (-4,5% ncvs), les stations-services voient leurs ventes se contracter de 0,4% m/m. La progression de 0,6% m/m du « noyau dur » des ventes (hors voitures, essence et alimentation) témoigne d’un bon démarrage en début de trimestre, sachant aussi que la moyenne lissée sur trois mois progresse toujours sur des rythmes flatteurs (+6% en annualisé). Ceci laisse entrevoir une légère accélération de la consommation des ménages au quatrième trimestre (entre 2,5% et 3% en t/ta). Étant donné le rythme de progression de la masse salariale, les ménages n’ont pas les moyens financiers de soutenir cette cadence d’achats pendant longtemps. Il faut que l’emploi reparte vite, sinon ils seront tôt ou tard contraints à réduire la voilure.

L’indice des prix à la consommation, est ressorti légèrement en deçà des attentes et recule sur le mois d’octobre de 0,1% m/m, ce qui permet au glissement annuel de refluer vers les 3,6% (contre 3,9% précédem- ment). La baisse de plus de 3% des prix de l’essence pèse sur la ten- dance globale. Expurgés de ses composantes volatiles, l’inflation sous- jacente enregistre une progression modérée de 0,1% m/m. D’un côté, les prix des voitures s’inscrivent en retrait de 0,4% m/m, une forme de cor- rection après le retour à la normale des chaînes de production (syno- nyme de baisse du coût des intrants). De l’autre, le prix des loyers pro- gressent de 0,4% m/m (+ 2,4% en variation annuelle), la location étant devenue la seule alternative dans un contexte d’accès difficile à la propriété. La composante loyer imputé (une mesure de loyers fictifs qui calcule le prix qu’un propriétaire devrait payer s’il devait louer un logement équivalent) augmente de seulement 0,2%, mais la hausse des loyers « réels » d6evrait progressivement imprimer sa marque conduisant à une accélératio4n. Ces deux composantes qui représentent près du tiers de l’inflation sous-jacente risquent donc de tirer vers le haut le noyau dur des prix. En attendant, à 2,1% a/a, l’inflation sous-jacente reste modérée et quasi en ligne avec l’objectif de la Fed.

L’autre bonne nouvelle de la semaine vient de la confortable hausse de la production industrielle en octobre à +0,7% m/m, là où les marchés anticipaient seulement +0,4%. La production automobile (+3,1% m/m) et l’activité minière (+2,3% m/m) portent la tendance. Si ce rebond permet au taux d’utilisation des capacités de retrouver son niveau d’avant la faillite de Lehman, à 77,8, le niveau de production n’a pas lui rattrapé son trend et reste près de 10% en deçà du pic atteint avant la récession. Que ce soit coté demande (ventes au détail) ou coté offre (production industrielle), le trimestre démarre sur une très bonne note avec une probable accélération de la croissance en fin d’année, et ce malgré un environnement de marchés, chahuté, avec l’aggravation de la crise des dettes souveraines. Les craintes d’un retour en récession ne sont plus qu’un mauvais souvenir même si, selon nous, ce risque n’a pas totalement disparu des écrans radar avec une menace de contamination de la crise européenne et surtout dans l’attente de choix décisifs concernant l’orientation budgétaire en 2012.

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