par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Malgré l’intensification et l’extension de la crise de la dette souveraine européenne, l’eurodollar aura relativement bien résisté cette année, pour se situer à 1,40 en moyenne en 2011 vs 1,31 en 2010 avec un plus bas à 1,29 (vs 1,19 en 2010). Son amplitude de variation aura encore été importante cette année avec un point bas début janvier à 1,29 et un point haut à 1,49 début mai. Trois périodes se sont succédé.
- Une période d’appréciation de l’euro de janvier à mai, reflétant non seulement des écarts de croissance en faveur de l’Europe – la zone euro enregistrant encore une croissance forte au T1-2011 (0,8% T/T vs 0,1% T/T pour les Etats-Unis) alors que les statistiques américaines décevaient – mais aussi une divergence de politiques monétaires, la BCE resserrant sa politique monétaire (deux hausses de taux de 25pb en avril et juillet) pour lutter contre le risque inflationniste alors que la Fed choisissait de ne pas réagir à un choc exogène.
- La deuxième période, qui s’étend de mai à août, s’est caractérisée par une certaine stabilisation de l’eurodollar dans un canal 1,41/1,46. Alors que la viabilité de la zone euro était déjà remise en cause par certains (notamment anglo- saxons) à cette période, l’euro résistait étonnamment bien pour une monnaie qui devait éclater. Cette apparente force de l’euro doit plutôt s’analyser comme le résultat de la faiblesse du dollar à ce moment là, avec une dépréciation du taux de change effectif du dollar : coincés dans leur imbroglio politique pour augmenter le plafond de leur dette publique qui a d’ailleurs conduit à leur dégradation par l’agence de notation S&P, les Etats-Unis montraient également des signes de faiblesse économique, avec en particulier de mauvaises statistiques sur le marché du travail.
- La fin du mois d’août marque le début de la troisième période caractérisée par la dépréciation tendancielle de l’euro de 1,46 le 30 août, pour passer en dessous de la barre de 1,30 le 14 décembre. Depuis le mois d’août, nous sommes passés dans un régime d’aversion pour le risque élevé, le VIX fluctuant autour d’une moyenne de 33 alors qu’il était de 18 en moyenne sur le premier semestre. Ainsi, le dollar a repris, depuis lors, son rôle de valeur refuge s’appréciant tendanciellement contre la plupart des monnaies. L’euro a aussi subi le revirement de la BCE, avec la baisse de taux surprise de M. Draghi début novembre et globalement une politique monétaire plus accommodante1. Contrairement au premier semestre, les nouvelles macroéconomiques se sont révélées moins favorables dans la zone euro qu’aux Etats- Unis pesant également sur l’euro. Enfin, l’intensification du risque institutionnel dans la zone euro et l’absence de réponse durable de la part des autorités ont également joué en défaveur de la monnaie européenne.
A court-terme, le risque institutionnel va continuer de prévaloir. Les sommets européens qui se sont succédé en 2011 ont permis de faire un certain nombre d’avancées mais n’ont jamais apporté une solution à la crise actuelle, qui consisterait à mettre en place les mécanismes de transferts entre les pays, nécessaires à la viabilité d’une zone monétaire hétérogène. Par ailleurs, la BCE refuse toujours le rôle de prêteur en dernier ressort qui rassurerait les investisseurs sur la solvabilité des états européens. Le chemin avant d’aboutir à une vraie réponse à la crise pourrait encore être assez long, impliquant le maintien de l’aversion pour le risque à un niveau encore élevé. Vont s’y ajouter de mauvaises nouvelles macroéconomiques, avec une croissance négative fin 2011-début 2012 alors que la croissance américaine, certes faible, resterait en territoire positif. Enfin, la BCE pourrait encore assouplir sa politique monétaire – nous attendons deux baisses de taux de 25pb au premier semestre. Tous ces facteurs plaident en faveur de davantage de dépréciation de la monnaie unique dans les prochains mois, un point bas à 1,25 au cours du premier semestre nous semble probable. La baisse de l’aversion pour le risque pourrait conduire à une réappréciation progressive de l’euro en deuxième partie d’année.
Dans un contexte où le risque inflationniste s’est atténué et où les risques baissiers sur la croissance sont importants, la baisse de l’euro est plutôt une bonne nouvelle pour la zone euro. En dégradant les termes de l’échange, la dépréciation de l’euro permet aux entreprises européennes de gagner en compétitivité ce qui est bienvenu dans le contexte actuel de faiblesse de la demande domestique. En revanche, il est assez probable, qu’à l’image des années précédentes, les entreprises soient contraintes de devoir gérer une assez forte volatilité sur le marché des changes.
NOTE
- CF. Edito Eco Hebdo du 9 décembre « BCE : vers de nouvelles baisses de taux… ».
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