par Alexandra Estiot, économiste chez BNP Paribas
Le secteur manufacturier fait un retour en force aux Etats-Unis. On le disait fini, terrassé par la concurrence des pays disposant d’une main-d’œuvre bon marché. Mais la récession de 2008-2009 et la reprise qui a suivi ont changé la donne.
Premièrement, les coûts unitaires du travail ont baissé dans l’industrie manufacturière aux Etats-Unis, sous l’effet conjugué des gains de productivité et de la modération des salaires réels. Deuxièmement, les salaires sont en nette progression dans une bonne partie des pays émergents. Troisièmement, le niveau élevé des cours du pétrole renchérit le coût du transport. Autant de raisons pour lesquelles il est à présent rentable pour des entreprises manufacturières de rester aux Etats-Unis. Certaines y ont même été relocalisées !
Cette semaine a encore une fois apporté son lot de bonnes nouvelles en provenance du secteur manufacturier. La production industrielle a enregistré une très bonne performance en décembre, grimpant de 0,4 % sur le mois, et ce, malgré une baisse de la production d’électricité et de gaz (-0,6%). Une progression qui est donc en grande partie à mettre à l’actif du secteur manufacturier, dont la croissance ressort à 0,9%.
Cette dynamique est appelée à persister en ce début de 2012. L’enquête ISM s’améliore depuis la fin de l’été. Mais le rebond a été inégal comme en témoigne la disparité des chiffres des enquêtes régionales : l’indice de Chicago a fait un bond à 62,6 en novembre 2011 alors que, sur la même période, ceux de New York et de Philadelphie étaient à la traîne. Cette divergence reflétait le rétablissement de l’industrie automobile, durement touchée par les conséquences du tremblement de terre au Japon sur les chaînes d’approvisionnement. Entre les mois d’août et de décembre 2011, l’indice de Chicago était en moyenne de 60,1 alors que notre indice NEM (somme pondérée des indices des enquêtes publiées par la Fed de New York et de Philadelphie) n’atteignait que 49,5.
En janvier 2012, l’indice NEM a finalement rebondi, à 53,8, son plus haut niveau depuis mai 2011, avec 54,9 dans le district de la Fed de Philadelphie et 52,3 dans celui de la Fed de New York. Le redressement a été particulièrement prononcé pour la production, à 55,4 en janvier (après un point bas à 43,2 en août), et pour les nouvelles commandes (55,4 en janvier contre 43,6 en août). Le sous-indice de l’emploi a enregistré la troisième meilleure performance, pour atteindre 55,9 en janvier. Enfin, l’indice prospectif à six mois est également en hausse marquée, à 63,5 en janvier.
Outre ces bonnes nouvelles, les chiffres d’inflation font état d’une nette modération à la fin de 2011. Les prix à la consommation ont ralenti à 3% (en GA) en décembre, après un pic à +3,9 % en septembre. La décélération semble également en vue pour les prix sous-jacents, en hausse de +2,2 %, soit au même rythme qu’en novembre. En rythme annualisé sur trois mois, la décélération est particulièrement frappante : l’inflation sous-jacente s’est limitée à +1,7 % en décembre après + 3 % en août.
La modération devrait se confirmer au début de 2012 : l’indice des prix à la production a progressé de 4,8 % en GA (après 5,9 % en novembre et un plus haut de 7,1 % en juillet). L’indice sous-jacent connaît également un tassement, à 1 % en décembre en rythme annualisé sur 3 mois, bien en deçà des 3,9% du mois d’août. En amont de la chaîne de production, la modération est également de rigueur, comme pour les prix à l’exportation. Si la modération est marquée pour les prix de l’énergie et des biens alimentaires, elle ne se confine pas à ces composantes, comme l’indiquent les données d’enquête et les prix des matériaux bruts (hors énergie).
L’accélération récente des prix sous-jacents n’était donc probablement qu’un sursaut après les fortes pressions à la baisse exercées au cours de la récession (et pendant une bonne partie de la reprise). Une évolution d’autant plus inquiétante qu’elle s’inscrivait dans un contexte de chômage très élevé. La décélération des prix se traduira positivement dans le pouvoir d’achat des ménages. Mais la véritable bonne nouvelle serait une nette reprise de l’emploi. Cette reprise pourrait bien être en germes. L’emploi non agricole a déjà donné des signes de redressement en décembre (+ 200 000), et les nouvelles demandes d’allocations chômage (au cours de la deuxième semaine de l’année) ont fortement reculé au cours de la deuxième semaine de janvier, à 352 000, soit le niveau le plus bas depuis 2008. Une vraie bonne nouvelle.