BCE : wait and see

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Finalement, la Banque Centrale Européenne n’a pas créé la surprise lors de son dernier Conseil en maintenant son taux refi inchangé à 1,00%, ce qui était largement attendu par les marchés. Pour notre part, nous pensions que la BCE pourrait être tentée de le baisser à 0,75%, de façon à assouplir davantage sa politique monétaire.

Si la BCE continue de mettre en avant les risques baissiers sur la croissance et la forte incertitude, sa perception est légèrement moins négative qu’il y a un mois avec le retrait du mot « substantiel » pour caractériser les risques baissiers.

Par ailleurs, si Mario Draghi se montre inquiet sur le durcissement des conditions de crédit de la zone euro révélé par la dernière enquête1 , il nuance ses résultats en mettant en exergue qu’elle était déjà en cours lorsque le LTRO2 3 ans a eu lieu et que donc les effets de ce dernier sur les conditions de crédit n’ont probablement pas été complètement pris en compte (à nuancer de notre point de vue, l’enquête ayant été menée du 19 décembre au 9 janvier et le LTRO ayant eu lieu le 22 décembre…). Enfin, répondant à des questions, M. Draghi a également souligné qu’il était moins pessimiste sur les perspectives de la zone euro que le FMI (qui prévoit pour sa part une récession de 0,5% en 2012) et qu’une baisse de taux n’avait pas été discutée lors de la réunion. Au total, le communiqué et le discours tenu par le Président de la BCE ne plaident pas vraiment en faveur d’une nouvelle baisse de taux dans un futur proche.

Interrogé par un journaliste sur le fait que les LTRO pouvaient être des substituts à des baisses du taux refi, Mario Draghi, comme JC Trichet dans le passé, a bien remis en avant la séparation entre la politique conventionnelle de taux (fixation des taux) et les mesures de politique non conventionnelle. Il a en effet reprécisé que la mise en place des LTRO à trois ans et les baisses de taux avaient des objectifs différents : les LTRO visent à éviter une crise de liquidité et à rétablir le bon fonctionnement de la politique monétaire alors que les baisses de taux visent à rendre la politique monétaire plus accommodante dans l’hypothèse que les canaux de transmission fonctionnent correctement.

Ainsi, la différence d’appréhension de la politique monétaire non conventionnelle par la BCE et par la Réserve Fédérale est toujours importante, cette dernière considérant que la politique non conventionnelle n’est qu’un prolongement de la politique de taux : lorsque les taux directeurs sont à zéro, la banque centrale peut encore rendre les conditions monétaires plus accommodantes en agissant sur les taux longs et de façon indirecte sur le taux de change via une hausse de son bilan ou une modification de sa structure. Au total, la BCE considère que la situation économique ne nécessite pas à ce stade de baisse plus prononcée des taux.

Pourtant, à un moment où les risques sur la croissance de la zone euro sont encore très importants, réduire le taux refi nous semble une bonne idée : cela soulagerait encore davantage les banques en leur permettant de se refinancer moins cher mais cela détendrait également les conditions de financement pour les agents privés. Malgré le maintien des marges sur les taux à un niveau élevé, la baisse du refi pourrait, en partie, être répercutée aux clients finaux. Par ailleurs, pour ceux endettés à taux variables, cela permettrait de se refinancer de façon plus favorable. Rappelons que ce sont les pays en grande partie endettés à taux variables qui ont enregistré une forte hausse de leur taux d’endettement privé et qui ont besoin aujourd’hui d’être le plus aidés.

Peut-on envisager que la BCE baisse à nouveau les taux dans les mois qui viennent ?

Pour qu’elle réduise à nouveau le taux refi, il faudrait soit que la croissance se révèle plus décevante, ce qui est loin d’être exclu, soit que les risques baissiers soient à nouveau perçus comme « substantiels ». En termes de croissance, nous sommes un peu plus pessimistes que la BCE avec une nouvelle baisse du PIB attendue au T1-2012 (-0,3% T/T) alors que M. Draghi mentionne les « premiers signes de stabilisation de l’économie à un faible niveau ». Selon nos prévisions, l’économie de la zone euro se stabiliserait ensuite au T2 puis repartirait modérément et graduellement au second semestre. Par ailleurs, si à court terme le deuxième LTRO de fin février continuera vraisemblablement de soutenir les marchés, nous n’excluons pas un mouvement de remontée de l’aversion pour le risque au T2 qui provoquerait une augmentation des risques baissiers poussant la BCE à agir à nouveau sur les taux.

NOTES

  1. Cf. Edito du 03 février 2012 « Zone euro : le rationnement du crédit s’intensifie ».
  2. LTRO : opérations de refinancement à long-terme de la BCE

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