par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
L’année 2012 a commencé avec une dégradation par S&P des notations de plusieurs pays européens dont la France. Déjà anticipée par les investisseurs, cette nouvelle n’a pas beaucoup ému les marchés. D’ailleurs, depuis le début de l’année, l’aversion pour le risque a très fortement baissé avec un rebond des marchés risqués.
Cette amélioration s’explique par plusieurs facteurs : un news flow macroéconomique favorable avec en particulier de bonnes statistiques américaines en janvier mais aussi un rebond des indicateurs de confiance manufacturiers un peu partout dans le monde ; les actions des banques centrales. En effet la Réserve Fédérale américaine a annoncé le maintien de l’objectif des Fed funds à 0/0,25% jusque fin 2014, rallongeant ainsi d’un an et demi la période de taux courts bas. De son côté, la Banque Centrale Européenne a procédé à deux opérations d’allocation de liquidité à 3 ans aux banques (en décembre 2011 et février 2012), faisant passer le montant de ses créances sur les banques de 665Md€ mi-décembre 2011 à 1130Md€ début mars 2012.
Ces opérations de la BCE ont permis de faire reculer les tensions sur le marché interbancaire et de faire baisser les coûts de financement de marché pour les banques en faisant disparaître le risque de faillite bancaire. Elles ont également permis d’éviter une crise de liquidité et d’arrêter le processus de contagion de la crise souveraine aux grands pays, grâce à la forte baisse des taux demandés, en particulier à l’Espagne et l’Italie. Ainsi, l’objectif affiché de ces opérations, visant à maintenir la stabilité financière et à s’assurer que les canaux de la politique monétaire fonctionnent bien, a été atteint. S’il est évident que ces opérations améliorent la situation des banques, allégeant les contraintes notamment en termes de ratio de liquidité auxquelles elles doivent se soumettre pour se conformer à la réglementation Bâle 3, et donc en corollaire réduisent le risque d’une contraction des crédits octroyés à l’économie, il n’est pas sûr pour autant qu’elles incitent les banques à augmenter leurs encours de crédits pour soutenir la croissance…
Pour aider l’économie réelle, des baisses de taux seraient les bienvenues mais il semble, pour le moment, que la BCE ne soit pas encline à passer à l’acte : elle a abaissé ses projections de croissance pour 2012 avec une fourchette de -0,5%/0,3% (vs -0,4%/1% en décembre dernier), mentionnant toujours des risques baissiers mais elle a également revu sa projection d’inflation à la hausse, n’anticipant un retour en dessous de 2% que début 2013. D’ailleurs, la BCE considère que les risques sur l’inflation à moyen terme sont toujours équilibrés mais que ceux à court terme sont maintenant haussiers (pétrole, taxes indirectes).
Si le risque de fort rationnement du crédit s’éloigne, les risques portant sur la zone euro n’ont pas tous disparu et la prudence reste de mise. Après le feuilleton sur le PSI grec cette semaine qui avait remis en avant la possibilité d’un défaut désordonné (finalement écarté), plusieurs facteurs pourraient perturber l’optimisme ambiant :
- Le prix du pétrole reste une source de forte incertitude : si les fondamentaux plaident plutôt pour un tassement du prix du pétrole, les risques géopolitiques pourraient continuer de perturber son évolution. Via son effet sur l’inflation et sur le pouvoir d’achat, un choc « pétrole » ne manquerait pas de dégrader un peu plus les perspectives de croissance européenne déjà peu florissantes. Par ailleurs, même si la politique monétaire n’a que peu d’impact sur un choc inflationniste exogène, cela priverait la BCE de la petite marge de manœuvre qu’elle a encore pour baisser davantage les taux.
- Le risque souverain n’a pas disparu : certes, les ajustements sont en cours et les primes de risque ont reflué mais la plupart des états restent dans des situations compliquées et difficilement tenables. D’ailleurs, l’Espagne a annoncé qu’elle révisait son objectif de déficit public à 5,8% du PIB pour cette année vs 4,4% précédemment.
Globalement l’agenda européen est chargé dans les mois qui viennent avec les élections grecques, les élections françaises. D’ailleurs, ces dernières créent de l’incertitude pour les agents économiques avec des annonces de mesures importantes par les deux principaux candidats (fiscalité des ménages et des entreprises, éventuelle hausse de la TVA, etc…). Enfin, malgré la réduction des déficits publics, les états ont des programmes chargés d’émissions obligataires avec d’importants refinancements de vieilles dettes (tombées). Enfin, les problèmes de fond de la zone euro ne sont pas résolus, les avancements sur le front de la gouvernance (six pack,…) n’apportant pas de réelle solution à l’absence de fédéralisme au sein de la zone euro.