par les économistes OCDE de BNP Paribas
Le monde connaît aujourd’hui une récession sans précédent. Il est urgent de prendre des mesures à l’échelle internationale pour endiguer la spirale baissière d’incertitude et de réduction des crédits et de la consommation.
Aux Etats-Unis, le Gouvernement et la Réserve Fédérale ont adopté des mesures radicales (plan de soutien budgétaire, nouveau plan de soutien financier, “credit easing”). Ces mesures devraient limiter l’impact de la récession et le risque de déflation et améliorer le momentum au cours du second semestre.
Dans la zone euro, les autorités monétaires et budgétaires ont déployé un arsenal de mesures très accommodantes qui devraient limiter la dynamique de baisse de l’activité.
Les autorités britanniques mettent en œuvre des mesures très accommodantes de politique monétaire et budgétaire, qui, ajoutées à la dépréciation de la livre sterling, sont de nature à donner un coup de fouet à la demande. L’équilibre des risques pour la croissance n’en reste pas moins orienté à la baisse.
La Banque du Japon est de nouveau dans l’obligation de recourir à des outils de politique monétaire non conventionnels. Néanmoins, un rebond prochain de l’activité semble très peu probable au stade actuel et le spectre de l’inflation ressurgit.
Le monde connaît aujourd’hui une récession synchrone sans précédent, à présent que les perturbations de la sphère financière se sont étendues à l’économie réelle. Le PIB des pays de l’OCDE devrait reculer retomber de plus de 2% en 2009 et il est urgent de prendre des mesures à l’échelle internationale pour endiguer la spirale baissière d’incertitude et de réduction des crédits et de la consommation.
La résolution des problèmes des marchés financiers est une priorité majeure. Dans de nombreux pays, des mesures ont déjà été prises, telles que la sortie des actifs toxiques des bilans des banques, la recapitalisation du secteur bancaire, principalement au moyen des fonds publics, et la garantie des prêts bancaires. Dans le même temps, il conviendrait de s’intéresser de près à la demande. En plus de permettre aux stabilisateurs automatiques de fonctionner à plein, les plans de relance ont été même mis en œuvre dans des pays dont les gouvernements connaissent de sérieux problèmes budgétaires.
Malheureusement, l’aggravation de la crise a engendré un risque de retour du protectionnisme Cela constituerait une menace majeure pour la reprise économique mondiale, en supprimant les bénéfices de la mondialisation. Ce danger pourrait être surmonté en améliorant la coordination des actions politiques menées non seulement par les pays industrialisés, mais également par les économies émergentes.
Cette année sera décisive pour l’économie mondiale. Les perspectives d’évolution du PIB tendent clairement à la baisse. Dans un tel contexte, le risque de ne pas en faire assez est nettement plus important que celui d'en faire trop.
Etats-Unis : la Fed et le Trésor sur le pied de guerre
Le PIB s’est replié de 3,8% en glissement trimestriel annualisé au quatrième trimestre – la pire performance depuis 1982. La contraction prononcée de la demande intérieure (hors stocks) n’a été qu’en partie compensée par la variation des stocks, tandis que les exportations nettes ont cessé d’apporter une contribution positive à la croissance. Par ailleurs, les conditions du marché du travail se sont sensiblement détériorées : alors que les effectifs ont reculé de plus de 3,5 millions depuis le début de l’année 2008, la moitié de cet ajustement a eu lieu au cours des trois derniers mois (plus de 1,7 million entre novembre 2008 et janvier 2009). Les perspectives pour 2009 sont toujours aussi sombres – surtout au premier semestre, où le PIB devrait connaître un déclin plus important encore qu’au second semestre de l’année écoulée.
L’évolution défavorable du chômage, de la valeur du patrimoine et du crédit va continuer à peser sur la consommation tandis que les investissements dans l’immobilier résidentiel ne cessent de chuter (les chiffres récents sur les mises en chantier annoncent de nouveaux replis significatifs à court terme). Les investissements des entreprises ont commencé à se replier, une tendance qui va aller en s’accentuant compte tenu de la faiblesse de la demande anticipée, du resserrement des conditions de crédit et de dépenses en bâtiments curieusement élevées au cours des trimestres écoulés. Enfin, les exportations devraient marquer encore plus le pas, maintenant que les autres pays développés sont également en récession et que les économies émergentes asiatiques sont sensiblement affectées par le repli conjoncturel. Au final, le PIB devrait enregistrer une contraction moyenne de 2,5-3,0% en 2009.
Après avoir atteint un point culminant au-dessus de 5% l’été dernier, le taux d'inflation (calculé sur les prix à la consommation) a rapidement baissé au second semestre de l’année dernière (à 0,1% en décembre), sous l’effet de l’évolution des prix du pétrole. La composante énergie et la modération des prix hors denrées alimentaires et énergie (du fait de la récession) devraient ramener le taux d’inflation en deçà de zéro pendant une bonne partie de 2009 (-0,8% en moyenne). L’inflation sous-jacente resterait en revanche positive (+1,1% en moyenne).
Pour limiter l’impact de la récession et le risque de déflation, le gouvernement et la Réserve fédérale ont adopté des mesures radicales.
Un plan de relance de 789 milliards USD est sur le point d’être voté par le Congrès. De plus, les détails d’un nouveau plan de stabilisation financière ont été révélés jeudi dernier :
- création d’un Fonds de stabilité financière pour gérer les nouvelles injections de capitaux dans les grandes institutions financières (dans la mesure où elles ont « les fonds propres nécessaires pour poursuivre l’octroi de prêts et absorber des pertes potentielles » ;
- création d’un Fonds d’investissement public-privé chargé de racheter les actifs non liquides inscrits au bilan des banques à hauteur de 500 milliards USD, montant qui pourrait être porté à 1000 milliards USD ;
- expansion du programme TALF de la Fed (dispositif visant à soutenir les prêts à la consommation et aux petites entreprises) de 200 milliards USD à 1 000 milliards USD, avec extension du programme aux CMBS voire à d’autres catégories d’actifs ;
- soutien au marché de l’immobilier, à travers la restructuration des prêts hypothécaires présentant un risque de défaillance et un engagement de fonds à concurrence de 50 milliards USD pour empêcher les saisies évitables.
Enfin, la Réserve fédérale va poursuivre cette année sa politique dite de « credit easing », basée sur le rachat de titres et sur des programmes de refinancement ciblés (de manière à assouplir les conditions du crédit bien que le taux des Fed funds ait déjà été ramené à zéro).
Toutes ces mesures et initiatives vont probablement limiter le repli conjoncturel en 2009 et permettre une amélioration au second semestre, avec un léger redressement l’année prochaine. Comme les projections budgétaires du Congressional Budget Office (CBO) pour la période 2009-2019 l’ont récemment souligné, les mesures prises afin de contrer la crise économique et financière aboutiront à un creusement impressionnant du déficit (autour de 1600 milliards attendu en 2009, soit 11% du PIB environ, le ratio le plus élevé, et de très loin, depuis la Seconde Guerre mondiale).
Zone euro : sérieux repli conjoncturel en 2009
Les indicateurs conjoncturels se sont brutalement détériorés pour atteindre des plus bas historiques. Les enquêtes auprès des chefs d’entreprises pour le mois de janvier ont donné des signes contrastés : d’une part, une amélioration (très légère) du PMI, de l’autre, un nouveau glissement de l’indicateur du sentiment économique. Autant de signes indiquant que la reprise n’est pas pour sitôt et que le repli conjoncturel actuel pourrait se révéler très sérieux.
Face à un tel contexte, les autorités monétaires et budgétaires ont déployé un arsenal de mesures très accommodantes qui devraient limiter la dynamique de baisse de l’activité.
La BCE a abaissé son taux refi à 2% en janvier et un autre geste de 50 pb est attendu pour le mois de mars ; le refi pourrait atteindre 1% d’ici à la mi-2009. La BCE semble hésiter à ramener ses taux d’intérêt à un niveau aussi proche de zéro que la Fed et la BoJ. De plus, la Banque va continuer à fournir des montants illimités de liquidités assorties d’échéances différentes à des contreparties de la zone euro. Elle se réserve, enfin, la possibilité de recourir à des mesures non conventionnelles. Les gouvernements ont par ailleurs lancé des programmes de relance budgétaire pour soutenir l’activité (voir ci-dessous pour la France et l’Allemagne).
Ces mesures devraient contribuer à améliorer les conditions du crédit et le climat des affaires dans les prochains trimestres, mais les entreprises hésitent toujours à investir et à recruter. Il faut donc s’attendre à un repli durable de l’emploi. Le taux de chômage, qui se situait à 8% en décembre 2008, pourrait dépasser les 10% à la fin de cette année. Dans ces conditions, les consommateurs ne vont probablement pas accroître leurs dépenses malgré la chute de l’inflation, l’amélioration des conditions de crédit et les incitations budgétaires. Enfin, le ralentissement de la demande mondiale devrait continuer à pénaliser les exportateurs. Pour le moment, les dépenses publiques vont certainement représenter le principal facteur de soutien pour la croissance. Dans l’ensemble, le PIB pourrait être amputé de près de 3% en 2009.
L’inflation continue à ralentir, atteignant 1,1% en janvier (contre 1,6% en décembre) un point bas sur près de dix ans, et cette tendance va probablement persister à court terme. L’inflation sous-jacente, en particulier, devrait marquer le pas dans les prochains mois. La morosité de la demande, le bond du chômage et les effets décalés des replis antérieurs des prix des matières premières ne manqueront pas, en effet, de pousser l’inflation sous-jacente à la baisse. Quant à l’inflation affichée, elle pourrait connaître une diminution plus marquée, en raison d’importants effets de base liés aux prix de l’énergie. L’inflation risque même de devenir négative au cours de l’été, avant de rebondir au quatrième trimestre 2009, les effets de base agissant alors en sens contraire. Nous tablons sur une inflation à 0,4% cette année.
Le creusement des spreads de taux sur les emprunts souverains et la baisse de la notation de l’Espagne (AA+), du Portugal (A+) et de la Grèce (A-, soit juste un notch au-dessus du rating minimum exigé par la BCE pour les titres apportés aux opérations de refinancement) et mise sous surveillance de celle de l’Irlande (AAA) ont relancé le thème de l’éclatement prochain de l’euro.
On ne peut certes exclure qu’un Etat de la zone euro éprouve des difficultés à se refinancer. Toutefois, si aucun mécanisme de soutien budgétaire et financier n’est prévu par le Traité de Maastricht, seuls sont prohibés les prêts directs de la BCE aux gouvernements. La Banque centrale pourrait donc acheter des titres sur le second marché, soutenant de fait la demande pour l’émetteur en question. En outre, si un Etat se trouvait effectivement dans l’incapacité de se refinancer sur les marchés, les autres Etats pourraient lui accorder leur aide. Toutefois, afin de limiter les risques d’aléa moral, ceci devrait être assorti de conditions très strictes. Enfin, une sortie de l’euro, ajouterait à l’impasse budgétaire pour le pays concerné, un très probable run bancaire et une crise de change. Celle-ci se traduirait par une hausse supplémentaire des taux courts comme longs. Pas « d’explosion » de l’euro, mais en revanche, tout ce qui précède constitue un facteur supplémentaire d’affaiblissement de la monnaie unique face au dollar, et la parité EUR/USD pourrait revenir vers 1,20 d’ici à la mi-2009.
En France, le PIB a reculé de 1,2% t/t au quatrième trimestre 2008. La récession va également se poursuivre en 2009, avec une baisse de l’activité tout au long de l’année, toutefois sur un rythme de moins en moins marqué. La baisse du PIB pourrait atteindre 2,4% en moyenne en 2009 (après +0,8% en 2008), soit la plus mauvaise performance depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
En effet, la baisse de la demande intérieure dans ses principales zones d’exportation pèse sur l'activité, les anticipations et les projets d’investissements en France, ce qui, en retour, pénalise nos principaux partenaires. Les entreprises industrielles sont actuellement engagées dans un effort important de réduction des stocks, en particulier, mais pas seulement, dans le secteur automobile. Les enquêtes les plus récentes ont signalé que ces efforts commençaient à produire leurs effets, mais d’une manière encore très limitée.
Une fois que ce mouvement de déstockage aura atteint son terme, l'activité devrait continuer de reculer jusqu'à la fin de 2009, mais sur des rythmes plus faibles. En particulier au second semestre, certaines des mesures du plan de relance de l'économie (investissement dans les infrastructures) commenceront à soutenir l’activité.
Dans ces conditions le taux de chômage devrait se redresser de 1,5 point l'an prochain, pour atteindre 9,5% selon la mesure européenne. Durement touchés, les ménages bénéficieraient toutefois du repli marqué de l'inflation (qui a atteint un plus bas depuis neuf ans en décembre à 1%). Comme dans les autres pays de la zone, celle-ci devrait être négative autour de mi-2009, sous le coup de très forts effets de base dans le secteur énergétique, et s’inscrire légèrement sous zéro en moyenne annuelle. Etant donné la faiblesse de l'activité, l'inflation sous-jacente diminuerait pour sa part de façon beaucoup plus modérée, mais durable, pour s'établir autour de 0,9% en moyenne annuelle.
Les mesures de soutien à l'activité décidées fin 2008 (EUR 26 milliards, dont 10 milliards d’investissements publics et parapublics et 11, milliards de soutien à la trésorerie des entreprises) ont été complétées au début de 2009 par des aides au secteur automobile (EUR 6 milliards). Par ailleurs, l’engagement a été pris de financer de nouvelles mesures en faveur des ménages avec le revenu des prêts accordés au secteur bancaire (estimés à EUR 1,4 milliard). Dans l’ensemble, ces mesures auront un impact budgétaire de l'ordre de 1% du PIB cette année. Cependant, l'ampleur du ralentissement de l'activité devrait conduire le déficit général des finances publiques à s'accroître bien davantage, pour approcher 6% du PIB en 2009, après 3,4% en 2008.
En Allemagne, le PIB s’est effondré au T4 08 (-2,1% t/t). Sur l’ensemble de l’année, la croissance du PIB s’est limitée à seulement 1% et l’Allemagne devrait enregistrer en 2009 une contraction du PIB parmi les plus marquées de la zone euro et, ce, bien que son marché immobilier, atone ces dernières années, ne subisse pas d'ajustement particulier. En effet, l’économie allemande est extrêmement dépendante de son secteur manufacturier, dont les exportations durement touchées par le ralentissement mondial pourraient se contracter de 10% (en volume) cette année. Au total, le recul de l'activité devrait dépasser 3,3% en 2009.
La détérioration rapide et marquée de la situation économique a commencé à se transmettre au marché du travail. Le taux de chômage étant reparti à la hausse en décembre dernier, après trois années et demi de baisse quasi ininterrompue. Toujours en décembre, le chômage est reparti à la hausse, pour la première fois depuis 2006 (34 mois), et l’Agence fédérale pour l’emploi estime (dans son hypothèse haute) que le nombre de chômeurs pourrait atteindre 4 millions en 2009, contre 3,2 millions aujourd’hui.
La coalition au pouvoir a trouvé un accord à la mi-janvier autour d’un deuxième plan de relance, de 50 milliards d’euros sur 2009 et 2010, deux mois environ après l’annonce d’un premier train de mesures de 32 milliards d’euros, sur deux ans également. qui avait été jugé insuffisant par beaucoup au regard de la place de première économie de la zone euro de l’Allemagne et des marges de manœuvre autorisées par un budget alors attendu comme quasi équilibré à la fin de l’exercice budgétaire 2008. En outre, l’impact réel du plan sur l’économie était mis en doute, généralement estimé à moins de 0,5 point de PIB.
Le deuxième plan de relance est plus équilibré entre soutien à l’investissement et au revenu des ménages, probablement la traduction d’un compromis au sein de la coalition, alors que les élections générales ont lieu en septembre. Comme dans la plupart des autres pays, une grande partie des mesures de relance (plus d'un tiers ici, pour EUR 18 milliards) reposent sur l'accélération des dépenses d'investissements publics en infrastructures. En Allemagne, ce besoin de soutenir le BTP est moins évident qu'ailleurs, puisque le pays n'a pas connu de bulle immobilière. En revanche, il a souvent été souligné à quel point l'effort de maîtrise des dépenses publiques réalisé ces dernières années pour retrouver l'équilibre budgétaire avait été généralisé, y compris aux investissements publics. Un renouveau des efforts dans ce domaine longtemps négligé nous semble tout à fait bienvenu. La baisse prévue des impôts (9 milliards) et la réduction des cotisations santé (3 milliards) vont soutenir le pouvoir d’achat, qui bénéficie déjà du reflux de l'inflation.
Dans ces conditions, le déficit public va très probablement pourrait approcher 4% du PIB en 2009 et dépasser 5% en 2010, hissant la dette nettement au-dessus de 70% du PIB en 2010, contre 65% en 2007.
Royaume-Uni : morosité durable de la demande
L’économie britannique est plongée dans une profonde récession. Malgré des politiques macro-économiques accommodantes, la chute du PIB devrait s’accentuer dans les trimestres à venir. Les problèmes du secteur bancaire ont entamé l’efficacité de la politique monétaire. Au second semestre 2009, ces mesures, ajoutées à la forte dépréciation de la livre sterling, à la chute des prix des matières premières et à l’assouplissement de la politique budgétaire, devraient nettement encourager la demande. L’inflation va, selon les prévisions, tomber prochainement en deçà de l’objectif de 2% fixé par la Banque d’Angleterre et pourrait se maintenir bien en deçà de ce niveau à moyen terme. La Banque d’Angleterre a d’ores et déjà indiqué qu’elle devra peut-être redoubler d’efforts en matière de politique monétaire, en recourant notamment à des mesures visant à accroître la masse monétaire – comme les achats d’actifs de sociétés de qualité.
La stratégie de sortie de crise au Royaume-Uni se fonde en grande partie sur le rééquilibrage de l’économie, de la consommation au profit des exportations et de l’investissement. Malgré l’assouplissement des conditions du crédit, les ménages vont,selon les prévisions, continuer à limiter leurs dépenses, ne serait-ce qu’en raison de la chute des prix de l’immobilier et de la détérioration du marché de l’emploi. En revanche, le secteur des entreprises sera en mesure, grâce à l’amélioration de la compétitivité sur les prix, de profiter d’un rebond de la demande mondiale. L’amélioration des perspectives et la diminution des coûts de financement, consécutives aux mesures récemment mises en œuvre pour faciliter l’emprunt des entreprises, devraient avoir pour effet de stimuler l’investissement.
S’agissant de la croissance, l’équilibre des risques reste nettement orienté à la baisse, ce qui justifie la mise en œuvre de politiques très accommodantes. Pour ce qui est de l’inflation, en revanche, les risques sont plus équilibrés : les tensions déflationnistes découlant du ralentissement de la croissance sont en effet compensées par les pressions sur les prix qu’engendre la dépréciation significative de la livre sterling. La stratégie adoptée au Royaume-Uni pourrait pâtir de la mise en œuvre, dans d’autres pays, de politiques similaires visant à affaiblir leur devise. De plus, certains pays, dont la Grande-Bretagne, ont décidé de défendre leurs intérêts nationaux par l’adoption de mesures protectionnistes. Pour éviter un repli durable de la conjoncture au niveau mondial, une approche coordonnée en vue de soutenir la demande semble plus que jamais indispensable.
Japon : retour de la déflation ?
L’ensemble des enquêtes atteste de la poursuite de la détérioration économique et de l’absence de rebond rapide. En particulier, le secteur manufacturier subit de plein fouet la contraction de l’activité aux Etats-Unis, en Europe, ainsi que le ralentissement chinois. L’effondrement de la production industrielle au T4 2008 (-11,9% t/t) annonce un probable recul du PIB d’environ 3% t/t. La reprise économique ne sera que progressive.
Faibles marges de manœuvres budgétaires
Depuis octobre, le gouvernement de M. Aso a mis en place deux plans de relance. Leur montant agrégé est de 6 600 milliards de yens, soit 1,4% du PIB, et l’ensemble des dépenses supplémentaires ont été entérinées entre octobre et janvier pour l’exercice 2009 / 2010. Il s’agit principalement de proroger certaines dispositions fiscales, venant à échéance en mars 2009 pour :
- rétablir la confiance des marchés financiers (assouplissement temporaire des règles prudentielles sur les fonds propres des banques, rachat d’actions préférentielles des banques, prolongement des abattements fiscaux sur les investissements en actions pendant 3 ans,) et
- soutenir la consommation des ménages (remboursements d’impôts sur le revenu, quel que soit le niveau de revenu, relèvement des abattements fiscaux sur les prêts hypothécaires, baisse des droits de péage sur les autoroutes).
Par ailleurs, le plan prévoit que l’Etat apporte sa garantie aux crédits aux PME (via la prorogation au-delà du 30 mars 2009 d’une structure de recapitalisation des sociétés financières régionales, qui fournira des financements aux associations de crédit et sociétés de crédits coopératifs, principaux intermédiaires financiers auprès des PME) et verse de nouvelles subventions aux régions et aux municipalités (pour 1 000 et 600 milliards respectivement). Au total, les marges de manœuvres budgétaires du gouvernement sont désormais des plus réduites. Le déficit devrait plus que doubler, passant de 2,4% du PIB en 2008 à plus de 7% cette année, alors que le ratio de dette sur PIB devrait se rapprocher significativement des 200% à l’horizon de 2010.
Assouplissement monétaire : les méthodes non conventionnelles
A l’issue de la réunion de son comité de politique monétaire des 21et 22 janvier, face à la dégradation des conditions économiques et financières, la Banque du Japon a révisé ses prévisions de croissance et d’inflation (PIB -2% pour l’année budgétaire 2009, courant d’avril 2009 à mars 2010, et +1,5% en 2010 ; inflation – 1,1% en 2009 et -0,4% en 2010). Pour notre part, nous prévoyons une contraction du PIB de l’ordre de 3,5% en 2009 (soit -2% pour l’exercice budgétaire), après déjà un recul de près de 0,5% en 2008, et un repli de l’indice des prix à la consommation de 1% en moyenne pour 2009 après +1,4% en 2008.
Après avoir baissé son taux overnight call rate de 20 points de base à 0,10% en décembre dernier, la Banque centrale met en œuvre des politiques non conventionnelles. Ainsi, elle a déjà procédé à des achats fermes de papier commercial (la ligne se monte au total à 3 000 milliards de yens), afin de faciliter le passage de fin d’exercice budgétaire pour les trésoreries d’entreprises. L’utilisation d’autres titres privés est étudiée, on peut penser aux obligations corporate.
On peut également envisager une opération conjointe avec le gouvernement pour limiter l’appréciation du yen et la reprise du programme d’achat d’actions auprès des institutions financières afin de soutenir la Bourse, si sa baisse se poursuivait. Enfin, dans l’éventualité où le risque d’une spirale déflationniste devenait à nouveau menaçant, la Banque centrale pourrait soutenir la politique budgétaire contra cyclique du gouvernement en recourant à d’importants achats des JGBs à long terme.