La BCE a évité le rationnement du crédit, mais…

par Cédric Thellier, économiste chez Natixis

Les banques centrales de la zone euro viennent de publier en milieu de semaine les résultats de leurs enquêtes trimestrielles respectives conduites auprès des banques commerciales sur la distribution de crédit au secteur privé. Si ces dernières ont continué de resserrer leurs critères d’octroi au premier trimestre 2012, elles l’ont fait de manière significativement moins prononcée que lors du trimestre précédent, et ce tant pour les sociétés non financières que pour les ménages.

Parmi les facteurs explicatifs, les établissements soulignent que leur accès au financement de marché ainsi que leur position de liquidité ont été beaucoup moins défavorables entre janvier et mars qu’au cours des trois derniers mois de 2011. A cet égard, il semble donc que les mesures non conventionnelles de la BCE, en particulier les deux opérations de refinancement à 3 ans conduites fin décembre et fin février aient eu un impact significatif, en participant notamment à l’affaiblissement des tensions sur les marchés de dettes souveraines. Bien qu’en repli, ce sont finalement les craintes liées aux perspectives macroéconomiques générales qui demeurent le principal contributeur au resserrement des conditions.

Au niveau national, ce constat peut être globalement fait pour les principaux pays de la zone, mais est particulièrement vrai en Italie, où le resserrement avait été nettement plus marqué que la moyenne européenne au dernier trimestre 2011. Ainsi, tandis que 100% des banques transalpines avaient resserré leurs critères d’octroi de crédit aux grandes entreprises entre octobre et décembre derniers, elles ne sont plus que 37,5% en termes nets1 à l’avoir fait entre janvier et mars. Pour le crédit aux petites et moyennes entreprises, elles sont mêmes 12,5% en termes nets à avoir desserré ces critères, après avoir été 62,5% à les resserrer au trimestre précédent.

Toutefois, comme le reconnaissait Mario Draghi devant le Parlement européen en préambule de la publication des résultats de l’enquête, la distribution de crédit demeure faible, en raison d’une demande fragile.

En effet, cette relative amélioration de la situation du côté de l’offre de crédit s’est accompagnée d’un nouveau repli de la demande, plus prononcé qu’il y a trois mois, à la fois pour les SNF et les ménages. Cependant cette baisse, plus marquée encore qu’attendu, ne constitue pas vraiment une surprise et s’explique surtout par la faiblesse de la confiance des ménages (pression à la baisse sur les salaires, hausse du taux de chômage) et de l’investissement des entreprises, dans un contexte de marché immobilier dégradé (hormis en Allemagne)2 et de surcapacités productives.

Quant aux perspectives pour le deuxième trimestre, les banques européennes s’attendent d’un côté à un resserrement très marginal de leurs critères d’octroi, et parallèlement, à un recul nettement moins significatif de la demande de crédit, voire une légère hausse de la part des SNF. Cependant, notamment du côté de l’offre, les attentes exprimées dans cette enquête, relativement encourageantes, pourraient être déçues compte tenu du regain de tensions observé récemment sur les marchés de dette souveraine qui, par ricochet, pèse sur le système bancaire.

En conséquence, la BCE devrait selon nous souligner lors de sa réunion la semaine prochaine une certaine efficacité de ses mesures non conventionnelles depuis le début 2012, tout en demeurant prudente sur l’évolution à court terme du financement de l’économie réelle. En termes de politique monétaire, le scénario le plus probable est celui d’un statu quo des taux directeurs, même si nous n’écartons pas l’éventualité d’une nouvelle baisse au cours des prochains mois, en cas de matérialisation du risque déflationniste via un effondrement du crédit. Quant aux mesures non conventionnelles, Mario Draghi sera probablement interrogé sur l’opportunité d’une nouvelle opération de refinancement à très long terme dans la mesure où lui-même relève leur efficacité. Mais sans doute insistera-t-il sur la faiblesse de la demande de crédit, sur laquelle la BCE a sans doute moins de prise que sur l’offre, dans un contexte de perspectives d’activité atone : l’occasion pour lui de rappeler une nouvelle fois les gouvernements européens à leurs responsabilités et d’expliciter ses récents propos sur le « pacte de croissance » ?

NOTES

  1. Le pourcentage net est obtenu par la soustraction du nombre de banques ayant desserré leurs critères au nombre de banques les ayant resserrés.
  2. Cf. à ce sujet, Flash n°2012-305, « Immobilier rés identiel européen : cycle de crédit et dynamique des prix ».

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