par Xavier Lépine, Président du Directoire de La Française AM
Les difficultés économiques et sociales sont bien réelles, et, au-delà de la crise économique actuelle, c’est bien la remise en cause d’un système par trop divergent depuis deux décennies qui pose problème : d’un côté, les « mondialisateurs » qui, à l’intérieur du pays sont inscrits dans le système globalisé (la finance, les sociétés exposées favorablement à la mondialisation…), de l’autre côté les « mondialisés » (ceux qui subissent de plein fouet la concurrence mondiale) ; reste une troisième catégorie, ceux qui par leur activité ne sont pas directement concernés et s’en sortent plus ou moins bien (fonctionnaires, services locaux : médecine, professions libérales, artisans).
Ponctionner une partie de l’épargne par l’impôt serait donc, à priori, équitable puisque les épargnants sont globalement ceux qui bénéficient du système et la logique populiste de ne pas favoriser la rente par rapport au dur labeur serait également satisfaite.
Une telle mesure pourrait être efficace si l’impôt ainsi levé était utilisé pour l’investissement productif puisqu’in fine, cet argent, réputé préalablement stérilisé, créerait ainsi un effet de levier sur l’économie réelle. Mais dans les faits, l’objectif n’est pas celui-là mais bien d’affecter ces ressources supplémentaires à la réduction des déficits budgétaires et sociaux, ce qui n’est donc qu’un transfert de richesse et ne saurait donc constituer les bases d’un redémarrage de l’activité économique nationale. A l’inverse, les effets pervers peuvent être désastreux, les agents nationaux puisant sur leur stock d’épargne pour payer l’impôt… et la dette de l’Etat Français comme les entreprises seront de plus en plus financées/détenues par des non-résidents et à terme c’est bien la perte de souveraineté nationale qui est en jeu.
Si l’on considère sous un autre angle la situation de l’Europe et singulièrement de la France, on s’aperçoit qu’à partir du moment où l’Etat ne peut plus avoir recours à l’accroissement des déficits et de l’endettement, l’un des très rares effets de levier possible est la mobilisation de l’épargne. Si l’Etat Français est « pauvre », les français dans leur globalité sont riches : 1 400 Mrds d’euros en assurance-vie pour citer la forme la plus utilisée de l’épargne des français (hors immobilier) : à rapporter à 1 800 Mrds de dette de l’Etat et des collectivités publiques et 2 000 Mrds € de PIB annuel. Ce stock d’épargne cumulé avec un taux d’épargne qui excède 15 % constitue un effet de levier potentiellement puissant.
Orienter avec un certain dirigisme cette épargne existante comme à venir (PERP, PERCO, épargne retraite) constituerait un effet de levier puissant sur l’économie réelle et faciliterait la réconciliation entre les « français qui souffrent » et « ceux qui épargnent ». Cela passerait nécessairement par des contraintes mais qui seraient in fine moins couteuses qu’une fiscalité destructrice de valeur. Trois axes seraient ainsi à considérer :
Du côté des compagnies d’assurance :
- A l’actif : investir 3 à 5 % de leur actif général dans le logement intermédiaire (400 000 logements représentent un investissement de 40 Mrds €, dans une activité non délocalisable, soit 2,8 % du stock de l’assurance-vie), émettre un grand emprunt obligatoire (du type de ceux en période de guerre ou de l’emprunt sécheresse de 1976) à des conditions attractives pour l’Etat et qui réduirait sa dépendance aux marchés de capitaux internationaux. Certes cela pourrait se traduire par une baisse marginale du rendement du contrat en euro… c’est le prix de la solidarité !
- Au passif : augmenter la durée de détention, de 8 ans actuellement, à 12 ans la durée minimale des contrats d’assurance vie pour bénéficier de la fiscalité actuelle afin de « donner du temps » et/ou donner la possibilité de sortir en rente (éventuellement limitée dans le temps) afin de réduire la pression exercée par la réglementation de type Solvabilité 2 en améliorant la congruence entre l’Actif et le Passif via l’augmentation de la duration du passif.
Du côté des assurés, pour bénéficier des avantages fiscaux existants de l’assurance-vie, l’obligation d’investir 1 % du montant de leur contrat multi-support dans des fonds « evergreen » investissant dans des PME et des ETI non cotées (14 Mrds d’euros de stock potentiellement à investir soit l’équivalent de 15 ans de collecte dans les FCPI/FIP et qui sont actuellement partiellement subventionnés par le biais d’avantages fiscaux) ; les obliger également à investir un minima de 5 % de leur contrat multi-support dans des sociétés cotées européennes qui créent de l’emploi en Europe.
Développer, enfin, les fonds de pension à la française en dynamisant les PERP, les PERCO et d’une manière générale les contrats sortant en rente, en complément de la baisse prévisible des retraites (phénomènes purement démographiques) afin de mobiliser aujourd’hui l’épargne pour payer les retraites de demain.
On parle beaucoup de mobiliser les forces vives de la nation et d’efforts, l’une de ces forces réside dans notre richesse accumulée et une mobilisation nationale de cette épargne serait un signe fort aussi bien pour les français que pour les marchés financiers qui participent au financement de notre Etat et de nos entreprises. En recréant une dynamique positive amorcée par une orientation partiellement dirigiste de l’Epargne, l’ensemble des acteurs économiques, y compris les épargnants se retrouveront autour des richesses créées !