par Tim Stevenson, gérant actions Europe chez Henderson Global Investors
Il est difficile de prévoir ce que l’avenir réserve à l’Europe. La seule chose sur laquelle tout le monde est d’accord est qu’il est nécessaire de trouver une solution à la crise de confiance de l’Euro. Les tensions sont de plus en plus vives, suite à l’accord forçant tous les pays de la zone Euro à suivre une politique économique prudente (avec à son point culminant le Pacte fiscal approuvé en décembre).
Même avec l’effacement d’un tiers de sa dette et des nombreux programmes de soutien, le PIB de la Grèce a chuté d’environ 20% au cours des 5 dernières années, alors que l’économie allemande a continué de progresser. Merkel et Cameron ont tous deux convenus de l’obligation d’avoir une discipline fiscale, alors que le nouveau président français, François Hollande (avec le soutien d’Obama au G8) incite à la mise en place de plus de stimuli économiques et de mesures en faveur de la croissance.
Tous ont soulevé un point important : il n’est pas possible d’éponger ses dettes tout en dépensant. Souvenez-vous de la célèbre citation de Mme Thatcher : « l’inconvénient avec le socialisme est que l'argent des autres finit toujours par manquer ». Sortez cette phrase de son contexte politique et remplacez le terme « socialisme » par « emprunts »… D’un autre côté, comment produire de la croissance si les gouvernements sont déjà fortement endettés ? Il est impossible de sortir de la récession sans dépenser.
Qu’est-ce que cela signifie pour les marchés?
1. La Grèce va-t-elle quitter l’Euro ? Mon point de vue est que cela semble encore plus probable que ça ne l’était avant les élections en Grèce. Les choses sont simples : si les Grecs élisent un président qui souhaite ignorer les accords passés avec le FMI et l’Union Européenne l’année dernière, alors la Grèce sera poussée hors de l’Euro.
2. De quelle façon la Grèce pourra-t-elle quitter l’Euro en l’absence de procédure de sortie? Et quelles seront les conséquences d’une telle sortie? Le processus serait difficile à mettre en place et frapperait durement les économies de la zone Euro. Certaines prévisions estiment que les conséquences seraient d’environ 3% sur le PIB des membres de la zone Euro (mais il est intéressant de se demander si le soulagement lié à cette sortie ferait place à la reprise ?)
3. Une telle sortie nécessiterait une intensification significative de l’intégration européenne : garanties sur les dépôts bancaires pour tous les pays européens (à l’exception de la Grèce), nouvelle baisse des taux d’intérêt par la BCE, programmes de stimuli et élément fondamental, la fin de l’indépendance fiscale. Les pays devront suivre le manuel intitulé Comment faire fonctionner une économie moderne et les Euro-bonds émis par les membres de la zone Euro deviendraient la norme.
4. La Grèce peut-elle rester dans la zone Euro? Je pense que toutes les parties impliquées sont favorables à cela mais ne sont pas prêtes à continuer de dépenser l’argent sans compter : la dette grecque pourrait être encore effacée un peu plus (en réduisant les versements d’intérêts de façon significative) et avec un peu de chance la Troïka (CE, BCE et FMI) pourrait demander à Interpol de vérifier qui a vendu quoi à qui et pour quelles raisons, pour identifier le mensonge qui a permis aux Grecs de ne pas suivre les règles précédentes. Il est également possible que l’on assiste à la formation d’une coalition formée des partis majoritaires : le Pasok et la Nouvelle Démocratie.
5. Si cela arrive, alors l’Irlande sera peut-être autorisée à effacer une partie de sa dette ? L’Espagne et le Portugal également ? Il est important de noter toutefois que les banques souffrent aussi de la situation actuelle.
Quelles perspectives pour les marchés?
Je suis convaincu que nous allons assister à des interventions sans précédent sur les marchés au cours des semaines à venir, en particulier après les élections législatives françaises et l’élection grecque (le 17 juin prochain). La crise actuelle est en train de devenir aussi importante que celle que nous avons connue en 2008 et l’arsenal économique dont disposent les gouvernements (stimulus fiscal) et les banques centrales (stimulus monétaire) est un ensemble de mesures qui semblent plutôt inefficaces. Mais peut-être qu’un accord forçant les économies à agir selon les principes du manuel Comment faire fonctionner une économie moderne, principes à étaler sur 10 ans au lieu de 5 ans ; avec une Allemagne décidée à soutenir encore un peu plus le stimulus, pourrait restaurer un semblant de confiance envers les marchés actions.
Souvenez-vous également que personne ne s’attendait à ce que les mesures de refinancement à long-terme soient mises en place – et il est fort possible que de nouvelles mesures monétaires peu orthodoxes soient utilisées. On ne peut pas en dire autant des marchés obligataires et de l’Euro. L’Euro s’est encore affaibli et les rendements obligataires devraient continuer de progresser, conséquence de la recherche d‘actifs sûrs. Il faut garder à l’esprit que les pondérations envers les actions ont désormais atteint leurs plus bas niveaux historiques, alors que les obligations allemandes à 10 ans en Euro s’échangent avec un rendement de 1.4%. Il faut donc, afin d’obtenir un gain en capital, émettre des hypothèses plutôt pessimistes quant à l’économie mondiale.
Est-ce le moment d’investir dans les actions européennes ?
C’est peut-être le bon moment d’agir pour les plus téméraires. En effet, si les grecs élisent un parti avec lequel la Troïka peut travailler et que les leaders mondiaux s’associent pour établir un plan convaincant, les marchés devraient alors progresser. Cependant, l’élection grecque n’aura pas lieu avant mi-juin et les américains ne sont pas prêts à entreprendre des mesures draconiennes avant leurs propres élections qui auront lieu dans quelques mois. Eventuellement, des solutions appropriées seront trouvées et l’Euro survivra – avec ou sans les grecs. La principale conséquence de toute cette agitation ne sera pas la fin de l’Euro mais plutôt une Europe plus unie, combinant les points forts de chaque pays européens, et qui n’autorisera pas l’un de ses membres à faire partie du club sans se plier au règlement. Afin de faciliter le processus d’ajustement, qui sera inévitable, une politique régionale active est également en développement.
En ce qui concerne les valorisations, les marchés actions européens sont aux mêmes niveaux qu’il y a trente ans, ne tenant pas compte des progrès réalisés par les entreprises européennes sur cette période. Nous investissons dans des sociétés qui ont tendance à avoir une position de leader sur les marchés mondiaux et dont la croissance n’est pas vraiment générée par des éléments macro- économiques mais plus par des facteurs de croissance à long-terme comme une gestion des opérations efficace, ou encore par des facteurs démographiques tel que le vieillissement de la population. En se concentrant sur des sociétés de qualité nous sommes convaincus que nous sommes bien placés quelle que soit l’issue des différents événements politiques qui auront lieu au cours des prochaines semaines et des prochains mois.