par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas
Malgré les nombreux démentis de son Premier ministre, M. Rajoy, au cours des jours précédents, l’Espagne s’est vue contrainte, samedi dernier, devant la pression de ses partenaires européens et des marchés financiers, à faire appel à l’Union européenne pour recapitaliser ses banques.
Toutefois, le plan d’aide européen, loin d’avoir dissipé les inquiétudes des investisseurs, comporte encore de nombreuses inconnues, que ce soit concernant le montant en jeu (on parle de chiffres compris entre EUR 45 mds et EUR 100 mds) ou la finalisation même du montage de l’opération (financée par le FESF ou par le MES, comme le souhaite Mme Merkel ?). En conséquence, son annonce n’a pas enrayé la progression des taux espagnols. A plus de 7%, le dix ans se trouvait, jeudi, à son niveau le plus élevé depuis le lancement de l’euro en 1999.
Ce dernier rebondissement de la crise dans la zone euro illustre la gestion au jour le jour à laquelle les pays membres de l’Union monétaire semblent désormais contraints. Il conduit, par ailleurs, à redouter un effet de contagion à d’autres pays de l’Union. L’Italie pourrait bien se retrouver en première ligne, après l’Espagne. En milieu de semaine, ses taux à 10 ans dépassaient les 6%. Dans ces conditions, le Sommet européen des chefs d’Etat et de gouvernement, des 28 et 29 juin, pourrait bien être celui de la dernière chance, tant il est urgent d’inscrire la construction européenne dans une vision à long terme et de faire des avancées concrètes sur des questions aussi brûlantes que l’union bancaire ou les euro-obligations (cf. Focus sur la zone euro : “Pas de dettes communes sans projet commun” in Ecoweek 12-23).
Entre temps, les perspectives à court terme de l’Union monétaire sont assombries par une politique d’austérité visant la réduction à marche forcée des déséquilibres budgétaires. Les enquêtes et données récentes indiquent que l’ensemble de la zone euro pourrait entrer en récession au deuxième trimestre 2012, après avoir stagné au premier trimestre. Le PMI composite d’activité, qui est un bon indicateur avancé de la croissance du PIB, est tombé en mai à son plus bas niveau depuis juin 2009. Il était repassé sous 50, en zone de contraction de l’activité, en septembre 2011. Le détail de l’enquête montre que l’activité s’est contractée à la fois dans les services et le secteur manufacturier et que son rythme de contraction a accéléré. Par ailleurs, les indicateurs les plus avancés de l’enquête, comme celui des nouvelles commandes, signalent que cette tendance devrait se poursuivre au cours des prochains mois.
Par ailleurs, la perspective d’une récession en Europe n’est pas une bonne nouvelle à l’échelle mondiale. Des modèles macroéconomiques multinationaux1, tels qu’Interlink de l’OCDE, MIMOSA du CEPII-OFCE, ou encore NiGEM du NIESR, permettent d’estimer l’effet d’une contraction de 1% du PIB dans la zone euro sur la croissance du reste du monde, entre 0,2pp et 0,5pp de PIB mondial, selon les modèles.
Les signes du ralentissement mondial sont d’ores et déjà perceptibles, au-delà même des frontières de l’OCDE. En Chine, les dernières données disponibles pour mai (production industrielle, ventes au détail et inflation) indiquent un ralentissement de l’activité, qui a conduit les autorités monétaires à annoncer, le 7 juin, une baisse surprise d’un quart de point des taux d’intérêt. C’est la première fois qu’une telle décision est prise depuis 2008. En Inde, la croissance du PIB du T1, à 5,3% g.a., est la plus faible depuis neuf ans, alors qu’au Brésil elle a quasiment stagné (+0,2% t/t) sur la même période.
Dans ces conditions, et au lendemain des élections législatives en Grèce, la crise de la zone euro sera probablement au centre des préoccupations des chefs d’Etat du G20, lors de leur réunion à Los Cabos au Mexique, les 18 et 19 juin. Le président de la Commission européenne, M. Barroso, ainsi que le président du Conseil, M. Van Rompuy, seront présents, tout comme l'Espagne, invitée exceptionnelle de ce G20.
NOTES
- Le NiGEM, plus récent, bien que préexistant à la crise, permet de prendre en compte non seulement l’interpénétration des économies via les flux commerciaux mais aussi les flux financiers et l’ajustement des taux de change, contrairement aux deux autres.