par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
L’objectif central aujourd’hui pour les politiques européens est de parvenir à restaurer la confiance : celle des populations dans la capacité de l’Europe à fournir des réponses aux problèmes de la croissance et du taux de chômage élevé, celle des entreprises européennes dans l’avenir, de façon à rompre avec l’attentisme et soutenir les projets d’investissement et enfin, celle des investisseurs qu’ils soient résidents ou internationaux sur la pérennité de la zone euro, sur le système bancaire et la solvabilité des Etats.
Le retour de la confiance est en effet primordial pour rompre avec les cercles vicieux qui se sont installés en Europe depuis maintenant deux ans :
- Le cercle vicieux de l’austérité budgétaire et de la faiblesse de la croissance : jusqu’à présent le traitement de la crise au niveau macroéconomique a consisté en la réduction des déséquilibres de chaque pays. Les pays périphériques faisant l’objet de défiance de la part des investisseurs ont été contraints de mettre en place des plans de réduction de leur déficit public trop agressifs plongeant les pays dans la récession, via la diminution des transferts et la hausse des impôts réduisant à leur tour les recettes budgétaires. Au total les objectifs affichés d’assainissement des finances publiques ne peuvent pas être tenus. Par ailleurs, plus un pays s’enfonce dans la récession plus les craintes des investisseurs s’intensifient, provoquant une hausse de la prime de risque payée par le pays et donc des charges d’intérêts sur la dette. Enfin, l’écart entre le taux de croissance de l’économie (fortes récessions) et les taux d’intérêt payés sur la dette peut provoquer l’insolvabilité des pays.
- Le cercle vicieux des tensions sur les dettes souveraines et des craintes sur le secteur bancaire : en raison des les liens étroits entre Etats et banques, les inquiétudes sur la solvabilité des premiers dégradent la situation des banques qui à son tour pèse sur les Etats (via par exemple des sauvetages ou systèmes de garantie).
Depuis le début de la crise grecque, de grandes avancées ont eu lieu, notamment les actions exceptionnelles de la Banque Centrale Européenne (VLTRO, SMP1,…), la mise en place de la Facilité Européenne de Stabilité Financière (FESF) et la création du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) avec des capacités d’intervention respectives de 440Md€ et de 500Md€. Pour autant, malgré toutes ces actions, la confiance dans la viabilité de la zone euro n’a pas été restaurée car les mesures prises ne s’attaquent pas aux causes de la crise européenne, liées à la coexistence au sein d’une même zone monétaire de pays très hétérogènes sans mécanismes correcteurs des déséquilibres.
Depuis quelques mois, les discussions sur l’avenir de l’Europe se sont intensifiées et les pistes de réflexions ont beaucoup évolué, témoignant de la prise de conscience d’un sursaut politique2. D’ailleurs les discussions du Sommet européen du 28/29 juin portent principalement sur : 1/ l’introduction d’un volet croissance qui fait aujourd’hui consensus au niveau européen (qui a été adopté, 120Mds d’euros) avec l’augmentation de la capacité de la Banque Européenne d’Investissement (BEI), la mobilisation des fonds structurels non utilisés, la création de « project bonds » permettant de financer des projets d’infrastructure (transport, nouvelles technologies, utilities,…). 2/ la mutualisation des dettes publiques au sein de la zone euro : sur ce sujet, il n’y a guère de consensus. Les Allemands souhaitent un renforcement des règles budgétaires et une intégration politique et fiscale plus poussée de la zone euro avant la mutualisation alors que les Français défendaient jusqu’à présent la création d’Eurobonds sans nécessairement un abandon de souveraineté nationale à l’Europe. 3/ l’union bancaire avec la mise en place d’un fonds unique de garantie des dépôts au niveau européen, d’un organe de supervision européen (BCE) et d’une gestion commune des liquidations.
Concernant la croissance, au-delà du volet mentionné ci-dessus, il faudrait un changement radical de la stratégie donnant plus de temps aux pays pour assainir leurs finances publiques leur permettant de s’en sortir en rompant le cercle vicieux. La mutualisation des dettes et l’union bancaire, qui permettraient d’atténuer le risque de défaut des Etats et des banques, sont évidemment des réponses intéressantes au problème de la zone euro et favoriseraient le retour de la confiance.
NOTES
- VLTRO : opérations de refinancement à très long terme, SMP : Securities Markets Programme
- Flash n°2012-450 « Le sommet européen va-t-il répon dre aux attentes ? »