par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Les marchés ont très bien réagi à l’annonce des décisions prises par le Conseil des Gouverneurs de la Banque Centrale Européenne le 6 septembre. Pour autant, finalement, les nouveautés se sont limitées à la publication des détails techniques du nouveau programme d’achats que la BCE va mettre en place, l’OMT (Outright Monetary Transactions) déjà largement annoncé lors du Conseil du 2 août, et à un élargissement des collatéraux acceptés.
Sur le front de la politique monétaire conventionnelle, la BCE n’a finalement pas délivré la baisse de taux de 25pb du taux refi qui était largement attendue, laissant inchangé l’ensemble de ses taux (0,75% pour le refi). Alors que la BCE révise sensiblement ses projections de croissance de la zone euro de respectivement -0,1% à -0,4% pour 2012 et de 1% à 0,5% pour 2013 et que les risques portant sur la croissance restent orientés à la baisse, le statu quo sur les taux est justifié par le fait que cette forte révision en baisse était déjà prise en compte lors de la réduction du taux refi en juillet. Il se pourrait que l’évolution récente de l’inflation, une remontée à 2,6% en août, ait été un frein à une baisse de taux supplémentaire mais la raison principale est probablement la volonté de la BCE de ne pas multiplier les annonces alors que l’agenda de la réunion était déjà chargé avec l’annonce de l’OMT. Une dernière baisse pourrait toutefois avoir lieu dans les mois qui viennent dans un contexte où l’économie réelle va rester très dégradée.
Quelles sont les principales caractéristiques du nouveau programme d’achats ?
L’OMT est un programme d’achats de titres publics de court terme (1-3 ans) de pays en difficulté sans limite de montant. C’est évidemment ce dernier point qui a satisfait les marchés même si les déclarations de M. Draghi suggéraient déjà qu’il n’y aurait pas de plafond. L’OMT est conditionné à une demande d’aide de la part des pays à la FESF/MES1, les contraignant donc à mettre en œuvre des réformes structurelles. La BCE interviendra sur le marché secondaire et il n’y aura pas séniorité sur ses titres. Ses achats seront stérilisés. En le nommant différemment du premier programme d’achat, la BCE souhaite mettre l’accent sur les différences de ce nouveau programme avec le précédent Securities Markets Programme (SMP) qui est d’ailleurs désormais fermé (les titres pour un montant de 209Md€ seront détenus jusqu’à échéance). Les principales différences portent sur la conditionnalité (il n’y en avait pas pour le SMP), la non séniorité (statut sénior dans le cas du SMP), la transparence (détails des titres achetés sur un rythme mensuel) et la duration (achat de titres 1-3 ans).
Le principal objectif de ce nouveau programme est de rétablir les canaux de transmission de la politique monétaire de façon à ce que les pays en difficulté puissent se financer à des taux jugés « raisonnables ». La volonté de la BCE est de couper court aux anticipations d’éclatement de la zone euro pour réduire la prime de risque que paient actuellement ces pays. Malgré le fait qu’elle se focalise sur des papiers courts, elle espère agir sur toute la courbe de taux (ce qui est le cas pour l’instant). Les pays continueront d’être nettement plus actifs sur les maturités courtes et intermédiaires tant que la BCE sera acheteuse de titres courts.
Quels sont les écueils ?
Si la conditionnalité permet à la BCE d’éviter l’aléa moral et de donner des gages aux allemands opposés au lancement de ce nouveau programme, elle pose évidemment la question des réformes structurelles supplémentaires que devront adopter les états. Or ce qui étouffe aujourd’hui les pays en difficulté, ce sont les politiques d’austérité mises en œuvre qui sont devenues contreproductives (cercle vicieux croissance/déficit). Si la BCE n’intervient qu’avec de nouvelles mesures d’austérité, l’effet positif de la baisse des taux d’intérêt sur le financement des dettes publiques pourrait être contrecarré par l’impact négatif sur la croissance.
Par ailleurs, si l’OMT permettra à court terme de soulager les pays en difficulté en abaissant leurs coûts de financement, il n’est pas la solution aux problèmes macroéconomiques auxquels sont confrontés certains pays de la zone euro. Les interventions de la BCE peuvent permettre de gagner du temps mais elles ne sont pas la solution à tous les maux de la zone euro2.
NOTES
- Facilité Européenne de Stabilité Financière, Mécanisme Européen de Stabilité.
- Cf. Flash n°2012-573 « les marchés financiers mette nt trop d’espoir dans la politique monétaire ».