Zone euro : Moins mauvais que prévu

par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas

Comme anticipé, la publication du PIB du troisième trimestre a confirmé la récession en zone euro. Mais contrairement à ce que les indicateurs avancés laissaient craindre, cette dernière ne s’est pas amplifiée ; elle s’est même atténuée. En effet, la croissance du PIB s’est contractée de seulement 0,1% t/t après -0,2% au trimestre précédent. En outre, les quatre grandes économies de la zone tirent leur épingle du jeu et affichent des performances meilleures ou moins mauvaises qu’attendu.

Outre-rhin, le ralentissement observé depuis le début de l’année se poursuit mais demeure limité, avec une croissance du PIB de +0,2% t/t au T3, après +0,5% au T1 et +0,3% au T2. En France, la croissance du PIB enregistre une légère progression (+0,2% t/t), après -0,1% t/t au T2, évitant ainsi la récession. Enfin, la contraction de l’activité s’est limitée à -0,2% t/t en Italie et à -0,3% en Espagne. Somme toute, la croissance du PIB agrégé des quatre principales économies de la zone a été quasiment nulle au troisième trimestre, ce qui constitue une relative bonne nouvelle.

En outre, les contraintes financières qui s’exercent sur les pays du Sud de la zone euro (Italie, Espagne, Portugal) se sont quelque peu relâchées à la suite de l’annonce du programme OMT de la BCE, comme l’a souligné M. Dragh, à l’occasion d’un discours prononcé à l’université Bocconi de Milan, cette semaine. Enumérant les signes d’apaisement perceptibles sur les marchés financiers, il a signalé la baisse des écarts de taux souverains; la reprise des flux d’investissement des fonds monétaires américains, interrompus depuis près d’un an; celle des émissions corporate et souveraines irlandaises et portugaises, qui avaient cessé depuis près de trois ans ; le succès des émissions de dette italienne et espagnole.

Sans oublier, la progression de la part de la dette italienne détenue par les non-résidents et la stabilisation des positions au sein de TARGET2. Cette détente des tensions sur les marchés financiers est susceptible de contribuer à une amélioration progressive du climat des affaires. A moyen terme, la récession devrait donc s’atténuer. En octobre, les indices PMI se sont légèrement redressés dans les pays du Sud (41,5 en Espagne et 45,6 en Italie).

Les lignes bougent. La Commission européenne pourrait bien se ranger aux côtés du FMI jugeant qu’il est nécessaire de limiter l’impact récessif sur l’activité d’une rigueur budgétaire à marche forcée. En effet, le Commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, M. Olli Rehn, a envoyé un signal fort au gouvernement espagnol en annonçant cette semaine que la Commission ne demanderait pas à l’Espagne d’efforts supplémentaires pour atteindre ses objectifs de réduction du déficit budgétaire. Il donne ainsi un satisfecit aux douloureuses réformes entreprises au cours des derniers mois, en dépit même du dérapage annoncé des finances publiques ibériques. En effet, le ratio de déficit budgétaire rapporté au PIB devrait être de 6% en 2013, loin des objectifs affichés par Madrid qui avait promis de le ramener à 4,5% en 2013 et de passer sous la barre des 3% l’année suivante.

Néanmoins, la prudence reste de mise. D’une part, la décision de relâcher les objectifs de réduction du déficit espagnol doit être validée par l’ensemble des pays de la zone euro. Or il y a fort à craindre que les Allemands, les Finlandais et les Néerlandais ne soient pas si faciles à convaincre. D’autre part, les perspectives conjoncturelles de la zone euro ne s’amélioreront que très progressivement. En effet, l’enquête PMI pour octobre signale que l’activité s’est probablement encore contractée au quatrième trimestre. En outre, le panel d'économistes interrogés par la BCE chaque trimestre a révisé à la baisse ses prévisions de croissance, publiées dans le bulletin mensuel de novembre.

Selon lui, le PIB de la zone euro devrait reculer de 0,5% cette année (contre -0,3% dans la précédente enquête) et redémarrer faiblement en 2013 (+0,3%, comparé à +0,6% et 1% au T1 2012) pour rebondir de façon plus soutenue en 2014 (+1,4%, contre 1,3% auparavant). Cette révision à la baisse annonce vraisemblablement une correction comparable de la part de la BCE à l’occasion de la publication de son nouveau scénario de croissance et d’inflation, le 6 décembre prochain.

Comme M. Draghi l’a rappelé, l’apaisement des tensions financières dans la zone euro pourrait n’être que temporaire si les gouvernements ne mettent pas tout en œuvre pour consolider leurs finances publiques. En outre, ces efforts de consolidation doivent être jugés crédibles, irréversibles et structurels pour qu'ils aient un effet durable sur les écarts de rendement des dettes souveraines.

Enfin, la situation grecque pourrait bien, elle aussi, se dégeler prochainement, récompensant ainsi les efforts du gouvernement Samaras et en particulier l’adoption d’un nouveau budget de rigueur pour 2013. Un consensus émerge progressivement au sein de l’Union concernant le report de 2020 à 2022 de l’objectif de réduction de la dette sous 120% du PIB, contre 175% fin 2012. En outre, l’Allemagne militerait en faveur du versement groupé des trois dernières tranches d’aide pour 2012, soit plus EUR 44 mds, ce qui constituerait, au moins à court terme, un vrai ballon d’oxygène. Une nouvelle réunion de la Troïka est prévue le 20 novembre. Elle pourrait réserver de bonnes surprises.

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