Une avancée, un refus d’obstacle et une mise en garde

par Frédérique Cerisier, économiste chez BNP Paribas

En déclarant l’irréversibilité de l’euro et l’ouverture d’un dispositif d’opérations monétaires sur titres (OMT), la BCE a donné un répit aux Chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro. C’est donc dans un climat un peu plus serein que ces derniers s’efforcent de progresser sur plusieurs fronts: union bancaire, prêts aux banques espagnoles, aménagement de la dette grecque… Au bilan de cette semaine, une avancée, un refus d’obstacle et une mise en garde.

L’avancée grecque

L’agence de gestion de la dette grecque (PDMA) a lancé en début de semaine l’opération de rachat d’une partie de sa dette obligataire (buy-back). Une opération que les marchés jugent a priori plutôt bien partie, puis qu’elle a été saluée par une nette détente des taux souverains…italiens et espagnols. Le montant exact de la décote ne sera connu qu’à l’issue de la procédure puisqu’il résulte d’un système d’enchères1, mais le prix moyen devrait être de l’ordre de 30% du nominal, soit un peu au-dessus des cours du 23 novembre. Les ordres de grandeurs sont les suivants: la Grèce souhaite consacrer EUR 10 milliards à l’opération, lesquels lui seront prêtés par le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF). A supposer que toutes les enchères trouvent preneur au prix moyen souhaité, la Grèce rachètera des titres pour une valeur nominale proche de EUR 30 mds (10 / 0,3). Sa dette sera donc réduite en net de EUR 20 mds (EUR 10 milliards contractés auprès du FESF – EUR 30 mds effacés auprès du secteur privé) soit 10% du PIB. Les investisseurs désireux de participer avaient jusqu’au 7 décembre pour se déclarer, et le bilan de l’opération devrait donc pouvoir être fait rapidement. Rappelons que le nouveau plan de financement de l’Etat grec sur lequel les européens se sont mis d’accord il y a moins de deux semaines2 suppose que cette opération sera un succès, et que le Fonds Monétaire International a suspendu la reprise de ses versements à la Grèce à son exécution.

Le refus d’obstacle allemand

La décision de mettre rapidement en place un mécanisme unique de surveillance des banques européennes a été prise lors du sommet des chefs d’Etats des 28 & 29 juin 2012. Depuis, les négociations piétinent, au point que rien ne permet plus d’affirmer que le « cadre législatif » de la supervision unique sera bien arrêté, comme promis, avant la fin de 2012. La question de savoir de quelle façon la Suède et la Pologne, décidées à participer à cette union, vont avoir leur mot à dire dans une supervision exercée par la Banque Centrale Européenne est à l’évidence compliquée.

De même que celle d’une séparation claire et effective au sein de la BCE entre les activités de politique monétaire et de supervision, qui doivent rester indépendantes. Mais, si la volonté politique de toutes les parties est présente, des réponses doivent pouvoir être trouvées. En revanche, il est plus difficile de comprendre que la perspective de faire passer sous supervision unique l’ensemble de ses banques, y compris les banques publiques régionales (Landesbanken), apparaisse comme un obstacle infranchissable à Allemagne. L’argument est faible (« aucune institution n’est capable de superviser 6000 banques »), d’autant plus qu’il semblait acquis, après le sommet d’octobre, que la tâche serait déléguée aux autorités nationales pour les plus petits établissements, la BCE se réservant le droit de « récupérer » un dossier, si nécessaire. Après une réunion infructueuse en début de semaine, les membres de l’EcoFin reprendront les discussions le 12 décembre, soit seulement 24h avant le début du dernier Conseil Européen de 2012. Seront-ils capables de conclure dans les temps, et, sinon, faut-il y voir un simple report ou une réelle volonté de freiner le projet même d’union bancaire ? En tout état de cause, ces difficultés sont inquiétantes, tant les étapes suivantes de cette union (résolution unique, garantie des dépôts) semblent encore plus difficiles à mettre en place.

La mise en garde de Moody’s

Le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) a commencé à fonctionner. Il va transmettre dans les prochains jours EUR 39,5 mds au Fonds de restructuration du secteur bancaire espagnol (FROB), sous forme titres de court terme (de 2 mois à 3 ans) émis dès cette semaine. Cette entrée en scène a toutefois été quelque peu gâchée par une décision de Moody’s. Dans le sillage de la France, l’agence a en effet diminué la note de long terme du MES, de Aaa à Aa13. La structure de ce fonds, organisation internationale disposant d’un capital propre et du statut créancier privilégié, était pourtant supposée suffisamment robuste pour conserver la plus haute note de crédit. Pour justifier sa décision Moody’s a expliqué que la solvabilité du MES, comparée à celle d’autres institutions du même type, pâti de l’importance des effets de contagion au sein de la zone. Autrement dit, dans l’hypothèse « hautement improbable » où la France serait en situation de défaut, plusieurs autres Etats de la zone, notamment ceux moins bien notés, seraient vraisemblablement eux aussi incapables de faire face à leurs obligations envers le MES. Comme S&P l’avait fait il y a un an en dégradant simultanément 9 Etats sur 17, l’agence rappelle aux membres de la zone que leur destin dans cette crise est commun.

NOTES

  1. « Modified Dutch auction » : pour chaque ligne obligataire, l’agence a communiqué une fourchette de prix, au sein de laquelle chaque détenteur de titre indique le prix au dessus duquel il est prêt à participer. A l’issue de la procédure l’agence détermine, en fonction du volume souhaité, le prix de rachat de chaque ligne.
  2. Cf. EcoFlash #12-329 du 27 novembre 2012 et Ecoweek# 12-44 du 30 novembre 2012, focus 1.
  3. Cf. EcoFlash#12-340, du 03 décembre 2012.

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