Bilan 2012 : entre amélioration de l’environnement financier et dégradation de la croissance économique

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

L’année 2012 aura été marquée par une amélioration de l’environnement financier contrastant avec la forte dégradation de la conjoncture mondiale. En effet, alors que la croissance a significativement ralenti, un certain nombre d’indicateurs financiers se sont redressés. L’aversion pour le risque, très forte au début d’année, s’est sensiblement réduite, notre indice de perception du risque est passé de 80% début janvier à 20% mi-décembre, avec toutefois des fluctuations importantes en cours d’année, notamment un pic d’aversion début juin (à plus de 70%).

Cette dé-corrélation entre environnement financier et croissance économique s’explique principalement par les actions des banques centrales qui ont permis de redonner confiance aux investisseurs, notamment sur la pérennité de la zone euro, mais qui n’ont malheureusement qu’une faible influence sur la croissance, dans la mesure où le premier canal de transmission de la politique monétaire –le canal du crédit – n’est guère efficient dans un contexte de désendettement des agents privés. Les grandes tendances de 2012 ont été les suivantes :

  • Amorcé en 2011, le ralentissement de l’économie mondiale s’est poursuivi en 2012, la plupart des pays étant affectés. La croissance mondiale a perdu environ 1 pt (à 2,9% en PPA), sous l’effet de la décélération du commerce mondial, du resserrement passé des politiques monétaires, du désendettement privé dans un certain nombre de pays développés et de la poursuite de la réduction du déficit public. Les Etats-Unis ont relativement bien résisté au ralentissement mondial avec une croissance supérieure à 2% grâce au maintien de politiques économiques expansionnistes. Certains pays d’Asie du Sud-Est ont également bien performé. En revanche, la zone euro est restée en récession (-0,4%) et les grands pays émergents ont vu leur croissance fortement ralentir (de 9,3% à 7,7% pour la Chine, de 2,7% à 1% pour le Brésil).
  • Les politiques monétaires dans les pays développés sont restées très expansionnistes. Les grandes banques centrales ont toutes poursuivi leur politique non conventionnelle mais avec toutefois d’importantes différences dans les montants en jeu ou dans les outils utilisés. Les taux courts sont restés proches de zéro un peu partout. La Réserve Fédérale américaine a beaucoup innové en 2012, surtout sur le plan de la transparence et de la communication1 et elle a finalement lancé son QE3. Dans la zone euro, l’arrivée de Mario Draghi en novembre 2011 à la tête de la Banque Centrale Européenne (BCE) a marqué un tournant dans la conduite de la politique monétaire. La BCE a abaissé le taux refi de 25pb à 0,75% en juillet, le faisant passer sous 1% pour la première fois depuis la création de la BCE. Les taux courts (eonia, euribor 1M et 3M) ont diminué au cours de l’année pour atteindre des niveaux très faibles (reflétant l’excès de liquidité). La BCE a également été très active sur le front de la politique non conventionnelle de façon à éviter une crise de liquidité, réduire le risque bancaire (via les VLTRO2) et le risque souverain (via l’annonce de l’irréversibilité de l’euro et les OMT3).
  • Les taux longs des pays considérés les moins risqués (Etats-Unis, Allemagne,…) ont baissé en 2012, mais de façon différenciée : les taux américains à 10 ans n’ont finalement que peu diminué (de 10pb entre début janvier et mi-décembre à 1,80%) alors que les taux allemands perdaient 40pb sur la même période. La perception du risque souverain français s’est améliorée malgré la perte du AAA, les taux longs à 10 ans perdant plus de 100pb sur l’année pour finir sur des niveaux de 2%. Dans les pays périphériques, les situations sont contrastées avec une forte baisse des taux italiens (-240pb depuis début janvier) alors que les taux espagnols 10 ans étaient mi-décembre sur des niveaux proches de ceux de janvier (-10pb à 5,3%) en étant toutefois passés par des pics à plus de 7% fin juillet.
  • Dans cet environnement de taux bas, les investisseurs ont été à la recherche de rendements plus élevés. Les marchés du crédit et les marchés action ont bien performé en 2012 et ce en dépit des mauvaises nouvelles économiques. Le marché du high yield euro a progressé de 26%. Les indices boursiers européens ont affiché de belles performances : +25% pour l’indice allemand (DAX30) depuis le début de l’année contre 17% pour le CAC40 ce qui peut s’expliquer par la meilleure situation conjoncturelle de l’Allemagne, même si les performances des grands groupes ne reflètent pas nécessairement la santé de leur pays d’origine. Les indices américains ont également bien performé avec une hausse de 15% pour le S&P 500.
  • Enfin, l’EUR/USD finit l’année à peu près au même niveau qu’en début d’année : après une appréciation progressive en janvier/février – il a atteint un point haut annuel à 1,35 après le deuxième VLTRO de la BCE – l’EUR/USD s’est continûment déprécié jusque fin juillet avec un point bas à 1,21 le 24/07. Après les déclarations de M. Draghi, l’EUR/USD est reparti sur une tendance haussière pour revenir vers 1,30 à l’automne et la volatilité aura nettement baissé.

NOTES

  1. CF. Edito Eco hebdo du 14/12/12.
  2. VLTRO : Very Long Term Refinancing Operations : allocation illimitée de la liquidité à 3 ans.
  3. OMT : Outright Monetary Transactions : programme d’achats de titres souverains pour les pays qui demandent l’aide européenne.

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