par Raymond Van der Putten, économiste chez BNP Paribas
• Au T3 2012, l’excédent de la balance courante (ou déficit du secteur extérieur) s’est à nouveau replié en partie au détriment de l’excédent financier des sociétés non financières.
• Les ratios d’endettement des sociétés non financières se sont améliorés par rapport à la fin des années 1990. Ils restent néanmoins plus élevés que ceux des autres pays du G7.
• Les banques japonaises ont réduit leur exposition au risque de taux d’intérêt en raccourcissant la maturité de la dette publique détenue en portefeuille.
Les comptes financiers (Flow of Funds) du troisième trimestre 2012 conservent la marque du séisme de mars 2011. En témoigne tout particulièrement le compte du secteur extérieur. Le déficit du reste du monde, équivalant à l’excédent de la balance des paiements courants, s’est replié à 1,2% du PIB pour la période octobre 2011–septembre 2012 (tableau)1, principalement en raison de l’augmentation des importations de combustibles fossiles après la catastrophe nucléaire de Fukushima. De plus, le ralentissement du commerce mondial et la fermeté du yen ont manifestement pesé sur les exportations.
La réduction du déficit extérieur s’est faite en partie aux dépens des entreprises non financières. Leur excédent financier a chuté à 3% du PIB au T3 2013, soit un repli de 1,8 point de pourcentage par rapport au T2. Les entreprises, qui ont dû réduire leurs marges pour rester compétitives, ont vu leurs bénéfices fondre au T3 de 4,4 % par rapport à la même période de l’exercice précédent. Le secteur des équipements de transport a même accusé une baisse des résultats de près de 9%.
L’excédent des entreprises non financières a servi en partie à accroître leurs investissements étrangers (2,1 % du PIB, dont 1,3 % d’investissements de portefeuille). L’augmentation des liquidités a été quasiment compensée par la diminution des crédits commerciaux. Du côté des engagements, on observe une augmentation des prêts souscrits par les sociétés.
Les Flow of Funds constituent un bon outil d’analyse de l’évolution du bilan sectoriel de même qu’un indicateur avancé de certaines évolutions pouvant constituer un danger. En particulier, l’endettement pourrait arriver à un niveau élevé au point que l’économie deviendrait vulnérable aux chocs extérieurs.
Le ratio de la dette des entreprises non financières japonaises par rapport au PIB a régulièrement baissé ; il s’est ainsi replié, de près de 200 % à la fin des années 1990 à 150 % vers le milieu de l’année 2009. Ce ratio a de nouveau progressé au cours de la dernière crise financière, passant à près de 160 % vers la fin de 2010, une situation imputable à la chute du PIB. Au cours des derniers trimestres, le ratio s’est amélioré, les entreprises ayant opté pour plus de prudence en matière d’endettement. Le ratio de la dette sur capitaux propres est un autre indicateur de l’endettement des entreprises. Il a enregistré un repli notable entre 1997 et 2006, la période de la « Grande modération ». Avec la chute des cours des actions due à la crise financière, ce ratio a de nouveau augmenté aux environs de 180 %. Par rapport aux autres pays du G7, l’endettement des entreprises non financières est resté très élevé.2
Dans le secteur financier, l’endettement a aussi considérablement reculé pendant la «Grande modération». Le ratio de fonds propres sur actifs a augmenté, passant de moins de 3 % vers la fin des années 1990 à près de 7 % vers la fin de 20063. Après quoi, il a de nouveau évolué à la baisse, pour atteindre 3,7% en septembre 2012, un chiffre comparable à l’endettement du secteur bancaire dans les pays européens du G7 mais bien inférieur à celui enregistré aux Etats-Unis (7 % à fin 2010).
Les actifs financiers des ménages ont enregistré une hausse régulière. Pendant la période octobre 2011 – septembre 2012, l’excédent financier s’est élevé à 5,2 % du PIB, en progression de 1,4 point de pourcentage par rapport à la situation en juin 2012. Les actifs financiers nets détenus par les ménages ont grimpé à 242 % du PIB, chiffre le plus élevé de tous les pays du G7. La plupart des actifs sont détenus sous forme d’avoirs en devises et de dépôts (55,6 %), un niveau nettement supérieur à celui des Etats-Unis (14,3 %) et de la zone euro (36,4 %).
C’est ce qui explique la différence notable de financement entre les banques japonaises et leurs homologues européennes. Les dépôts des particuliers constituent l’essentiel des fonds levés par les banques nippones. Dans la zone euro, les banques sont beaucoup plus tributaires du financement sur le marché interbancaire4.
Les banques japonaises sont les plus gros investisseurs en JGB. Leur portefeuille de JGB représente 900 % des fonds propres Tier 1 contre une exposition aux Treasuries égale à 100 % pour les banques américaines. La concentration d’obligations d’Etat japonaises entre les mains du système bancaire national pose un réel problème. Selon le FMI, une hausse de 100 points de base des taux d’intérêt se traduirait par une dépréciation de 20 % de la valeur de marché des fonds propres Tier 1 des banques régionales.
Les banques ont commencé à diminuer leurs avoirs en JGB et à raccourcir la maturité des titres détenus en portefeuille afin de réduire leur exposition au risque de taux d’intérêt. Au troisième trimestre 2012, la part des obligations d’Etat japonaises dans le portefeuille des banques est passée de 38,8% au premier trimestre 2011 à 34,7%. Ce repli a été compensé par un accroissement des achats par la Banque du Japon et par les fonds de pension et compagnies d’assurance dans une moindre mesure. De plus, les investisseurs étrangers à la recherche de valeurs refuges ont acheté davantage de JGB. En revanche, les banques japonaises ont augmenté leurs achats de bons du Trésor à intérêts précomptés, qui sont des titres de dette publique à court terme.
NOTE
- Pour éliminerr les variations saisonnières, les données relatives aux flux sont cumulées sur les quatre trimestres.
- Davis, E. Philip, 2012, “The evolution of financial structure in the G-7 over 1997- 2010”, National Institute Economic Review, n° 221, Juillet.
- Ce ratio se distingue de ceux utilisés dans les accords de Bâle, aux termes desquels les ratios d’adéquation des fonds propres sont calculés sur la base des actifs pondérés du risque.
- Les prêts accordés par les banques à d’autres banques figurent à la fois à l’actif et au passif du bilan du secteur bancaire.